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Une forteresse Europe sourde et aveugle à la souffrance des réfugiés

mardi 25 août 2015 - 11h:23

Paul McLoughlin

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Avec des milliers de réfugiés syriens bloqués à la frontière de la Macédoine, c’est la moralité même de l’Europe qui est mise en cause alors que la situation humanitaire se détériore en Syrie.

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Un officier de police macédonien lève sa matraque sur des réfugiés pour les empêcher d’entrer en Macédoine, à la frontière de la Grèce, le 22 Août 2015 - Photo : Reuters/Alexandros Avramidis

La forteresse Europe a placé un nouveau barrage sur la voie des milliers de réfugiés syriens désespérés qui tentent de fuir ce qui est probablement le plus sanglant conflit en cours dans le monde.

Il y a deux jours, la Macédoine a fermé ses frontières aux Syriens en fuite, laissant des milliers de réfugiés bloqués à la frontière.

Avec nulle part où aller, ces réfugiés se sont retrouvés bloqués dans un no man ’s land. Les scènes évoquent la situation à Calais, où les migrants ont été bloqués dans leur passage vers le Royaume-Uni après qu’un « cercle de fer » de fortifications ait été érigé.

Barrages

La police macédonienne a tiré des grenades assourdissantes hier pour disperser une foule de réfugiés, bloqués sur un terrain nu, sans abris, à la frontière avec la Grèce.

Les enfants et les bébés dans ce groupe de réfugiés ont été forcés de manger du maïs cueilli dans les champs voisins, et ils ont dû supporter de jeudi à vendredi une nuit froide dans un champ poussiéreux.

Reuters a rapporté que les organismes d’aide - dont la Croix-Rouge, Médecins sans Frontières et l’agence des Nations Unies pour les réfugiés - ne pouvaient avoir accès à la zone où les réfugiés sont rassemblés.

Le gouvernement de Skopje a déclaré « l’état d’urgence » pour faire face au « problème ». Selon lui, les mesures très sévères mises en place ont pour but de protéger ses propres citoyens à la frontière, et de mieux aider les réfugiés.

Mais la véritable urgence est pour les réfugiés qui manquent d’eau et de nourriture, et n’ont aucune assistance médicale.

Il est fait usage des barbelés, des gaz lacrymogènes et des matraques contre les Syriens qui tentent de traverser le pays.

« Avons-nous vraiment peur de familles fuyant la guerre ? » a demandé Amnesty International à propos de la situation. La réponse, pour beaucoup en Europe, est malheureusement oui.

Il y avait quelques rares signes d’humanité dans la mêlée entre la lourde colonne de policiers anti-émeute et les réfugiés non armés auxquels ils sont confrontés.

Un officier de police a aidé une femme, son mari et son bébé de 10 jours - né sur le chemin de la Macédoine - à monter à bord d’un train pour sortir du pays.

« Nous voulons aller en Allemagne pour trouver une nouvelle vie, parce que tout a été détruit en Syrie », a déclaré Amina Anmani à l’Associated Press. « Le policier nous a laissés monter dans le train parce qu’il se sentait désolé pour le bébé. »

Alors que la Macédoine fait valoir qu’elle n’a pas les ressources nécessaires pour faire face à la crise, cet Etat des Balkans a connu un boom économique au cours de la dernière décennie et s’est même vanté d’avoir la deuxième plus forte croissance économique en Europe en 2014.

Mais la Macédoine n’est pas le pays que les Syriens veulent atteindre pour échapper à la guerre et aux privations en Syrie. La Macédoine est une voie de transit pour atteindre un endroit où leurs familles et eux-mêmes seront en sécurité.

Pour la plupart, ils savent qu’il n’y a que l’Allemagne ou les pays scandinaves qui ne vont pas les rejeter.

Mettre sa vie en jeu

Ces Syriens ont tout risqué - y compris leur vie - pour y parvenir.

Nous avons vu cela avec les milliers de corps échoués sur les rivages d’Afrique du Nord, après que les « bateaux de la mort » qui devaient les emmener en Europe aient coulé au milieu de la Méditerranée.

Voilà pourquoi la nouvelle route relativement plus sûre à travers les Balkans est devenue un passage immensément prisé.

La réponse de l’Europe à ce qui peut être la pire crise humanitaire au monde depuis la seconde guerre mondiale, en a choqué plus d’un.

Pour un continent qui se targue de son humanité, de la primauté du droit et de son libéralisme, la façon dont les pays européens ont géré la crise actuelle des réfugiés fait que ces principes semblent à beaucoup vides de sens.

« La plupart des pays de l’UE ont augmenté le nombre de réinstallation ou au moins les lieux d’aide pour les Syriens - mais à l’exception de l’Allemagne - l’augmentation de ce nombre demeure dramatiquement faible par rapport au nombre total de réfugiés en provenance de Syrie », a déclaré Cynthia Orchard, une avocate spécialisée en droit d’asile et en droits humains .

La Hongrie a également recours à des mesures extrêmes pour endiguer le flux de Syriens et d’autres réfugiés sur son territoire. Elle est en train de clôturer sa frontière avec la Serbie, par laquelle passent la plupart des migrants.

Le Royaume-Uni a également été catégorique sur le fait qu’il n’acceptera qu’un petit nombre de Syriens.

« Je pense que le principal élément qui compte pour le Royaume-Uni et plusieurs autres pays de l’Union Européenne (UE), à défaut d’offrir un refuge à plus de réfugiés syriens, est un sentiment anti-immigrés et l’impact que cela peut avoir sur la politique et les élections », a déclaré Orchard.

« Les pays de l’UE devraient élargir de façon très significative les voies légales d’entrée en Europe pour les Syriens et d’autres réfugiés dans la région. Les voies légales incluent la réinstallation, l’admission pour raisons humanitaires, le regroupement familial, des visas pour étudiants et des visas pour travailler. »

Mesures de protection

Le bloc européen devrait également envisager la réactivation de la directive sur la protection temporaire, dit-elle. Cela fournit un cadre pour traiter avec le déplacement massif de personnes qui sont incapables de retourner dans leurs pays d’origine - comme c’est le cas avec les Syriens en Grèce, en Macédoine et en Italie.

Seuls quelques pays ont accepté un nombre important de réfugiés - et même alors, la priorité a été donnée aux chrétiens.

Un plan de l’UE pour réinstaller 40 000 réfugiés syriens a vu la Slovaquie accepter d’en prendre 200, mais seulement des chrétiens.

Ce groupe minoritaire constituent un élément aussi important que tout autre du tissu social de la Syrie, mais les sunnites et d’autres groupes musulmans - qui forment la majorité en Syrie - ont obtenu un statut de seconde classe dans le système d’immigration en Europe.

Ils ont payé le plus lourd tribut à la guerre - étant la cible quotidienne de l’armée de l’air syrienne, vivant sous les conditions étouffantes de l’Etat islamique et confrontés à des expéditions punitives des forces kurdes et du régime.

Avec des ONG telles que le Programme alimentaire mondial qui annulent des programmes d’aide pour les réfugiés en Syrie, en Turquie, au Liban et en Jordanie en raison d’un manque de financements, la situation pour les Syriens devient de plus en plus désespérée.

Si l’Europe continue à murer les voies vers ce qui devrait être un refuge, alors plus de Syriens seront contraints de monter à bord des bateaux de la mort à travers la Méditerranée.

Cela prouvera que l’Europe est un espace de liberté totalement aveugle à la souffrance des étrangers - même quand ils meurent par milliers dans son jardin de devant.

21 août 2015 - Al-Araby al-Jadeed - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.alaraby.co.uk/english/bl...
Traduction : Info-Palestine.eu - Lotfallah


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