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Irak : Autrefois symbole de prospérité, le Tigre est devenu un cimetière

dimanche 13 mai 2007 - 20h:34

IRIN

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Humanitarian news and analysis
UN Office for the Coordination of Humanitarian Affairs



Le Tigre a longtemps été un symbole de prospérité en Irak, mais depuis l’invasion menée par les Etats-Unis en 2003, cet étonnant cours d’eau s’est transformé en véritable cimetière. En outre, le niveau de l’eau est en train de diminuer tandis que la pollution augmente, selon les écologistes.

Pour la population locale, le fleuve constituait auparavant l’une des principales sources d’eau, de nourriture et de loisir, ainsi que l’un des principaux moyens de transport. Toutefois, après quatre ans de guerre et de pollution, il s’est transformé en égout aux eaux stagnantes, selon eux.

La pollution des eaux du fleuve est imputable aux dérivés du pétrole et aux déchets industriels, de même qu’aux déchets militaires produits par les armées irakiennes et américaines, expliquent ces spécialistes. « La situation est critique. Le fleuve est progressivement détruit et rien n’est prévu pour empêcher sa destruction », s’est inquiété le professeur Ratib Mufid, un expert en environnement de l’Université de Bagdad, la capitale. « Une grande partie du fleuve a été transformée en zone militaire, ce qui a obligé les riverains à quitter leur domicile et les restaurants à fermer. La pêche est interdite sur la section du fleuve qui traverse la capitale et aucun bateau n’est autorisé à naviguer dans cette zone ».

Les eaux du Tigre sont polluées par les toxines et déchets issus de la guerre, et les habitants de Sadr City, une banlieue défavorisée, n’ont souvent pas d’autre choix que de boire cette eau polluée. C’est pourquoi, selon les spécialistes, de nombreux habitants de Sadr City sont frappés par la diarrhée et souffrent de calculs rénaux à répétition.

Pendant les mois chauds et secs de l’été, lorsque le niveau de l’eau diminue, des îlots de boue se forment ; de plus, le niveau de l’eau semble diminuer d’année en année.
« Le problème de la diminution du débit d’eau commence dans les montagnes du Taurus, en Turquie », a expliqué Seif Barakah, porte-parole du ministère de l’Environnement. « Entre cette région et le Kurdistan, de nombreux barrages ont été construits, ce qui contribue à réduire le débit d’eau ». L’objectif de la construction de barrages était « de prévenir les inondations qui affectaient, année après année, les communautés des régions du nord. Mais les répercussions se font aujourd’hui sentir, puisque le débit a pratiquement été réduit de moitié », a-t-il poursuivi.

Les forces militaires ont interdit la navigation et la pêche sur le fleuve, et de nombreuses familles, dont les revenus dépendent de la pêche, ont été privées de leurs moyens de survie. « De nombreux pêcheurs, qui tentaient de pêcher de nuit, ont été tués par des insurgés qui cherchaient à poser des bombes sur les rives du fleuve. Certains hommes tentent encore de pêcher mais ils sont rares », selon M. Barakah. Des embarcations militaires patrouillent quotidiennement pendant la journée, et dans des zones plus sécurisées, notamment près de la zone verte fortifiée, des tireurs d’élite montent la garde 24 heures sur 24, empêchant les insurgés de pénétrer.

Des cadavres par centaines

Chaque jour, les représentants de la police locale tirent des eaux du fleuve des corps portant des signes de torture. Pour les populations locales qui vivent près du fleuve, les cadavres flottants font désormais partie du paysage.

La situation est encore plus grave à Essaouira, au sud de la capitale, où le gouvernement a dressé des barrières constituées d’énormes filets de fer, destinés à filtrer les plantes et les ordures déversées dans le fleuve ; aujourd’hui, ces filets filtrent également les cadavres.
« Depuis janvier 2006, au moins 800 cadavres ont été tirés de ces filets de fer, et ce chiffre ne prend pas en compte les corps tirés des eaux de la section centrale du fleuve. La plupart des corps ne sont pas identifiés et sont enterrés sans être réclamés par les familles », a expliqué le colonel Abdel-Waheed Azzam, un haut représentant du département d’enquête du ministère de l’Intérieur.
Selon M. Azzam, 90 pour cent des cadavres trouvés dans le fleuve présentent des signes de torture graves. « En raison de l’état des cadavres, il est inutile de tenter de réaliser des autopsies, et si les corps ne sont pas réclamés dans les 24 heures, ils sont automatiquement enterrés », a-t-il dit.

Sous le régime de Saddam Hussein, les individus surpris en train de jeter des ordures dans le fleuve étaient sanctionnés. Aujourd’hui, en revanche, les déchets s’amoncèlent sur les rives ; et ces montagnes d’ordures influent sur le cours d’eau normal, tout en polluant la zone. « Etant donné que les barrages réduisent le débit d’eau, la salinité augmente et se conjugue au taux élevé de polluants déversés dans le fleuve dans les villes du nord, ce qui réduit les taux d’oxygène, créant ainsi un environnement inhospitalier pour tout être vivant », a expliqué M. Barakah.

Les pêcheurs affirment qu’il y a quelques années, il était facile de pêcher un poisson dans le fleuve, mais qu’aujourd’hui, même avec des filets, il est pratiquement impossible d’en attraper. Beaucoup de poissons flottent d’ailleurs à la surface de l’eau, tués par la pollution et le manque d’oxygène. « Aujourd’hui, les seuls poissons qu’on peut pêcher sont ceux qui flottent à la surface de l’eau, tués par la pollution après avoir ingéré des déchets toxiques et des ordures », a déploré Ateif Fahi, 56 ans, pêcheur à Bagdad.

IRIN (Integrated Regional Information Networks) - Bagdad, le 9 mai 2007

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