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« Ils ne me briseront pas »

samedi 12 mai 2007 - 22h:08

A. Nieuwhof & A.Madi - Electronic Intifada

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Hani Amer vit avec sa femme et ses six enfants dans le village de Mas’ha dans le district de Qalqilya. Son plus jeune enfant est son garçon âgé de 6 ans. Selon Hani, Israël a confisqué depuis les années 1970 près de 7 millions de mètres carrés, soit 80%, des terres de Mas’ha pour la construction de la colonie juive illégale de Elkana.

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Hani Amer marchant près du mur qui court le long de sa maison dans le village de Mas’ha. En arrière-plan se situe la colonie d’Elkana - Photo Amer Madi

Jusqu’à maintenant, Hani Amer et sa famille ont résisté à toutes les tentatives de la part des militaires israéliens et des colons de les chasser au loin. Aujourd’hui leur maison est complètement entourée par le mur et par de hautes barrières. La famille épuise toutes ses ressources dans la résistance au mur, mais Hani Amer est déterminé à rester.

Une visite à la famille Hani Amer

Deux volontaires de la campagne « Stop The Wall » avaient préparé notre visite chez Hani Amer. Une heure après que nous ayons quitté Ramallah, nous arrivons à ce qui nous apparaît comme un site industriel hautement sécurisé. Cela se révèle être l’entrée protégée de la colonie d’Elkana. Quelques années auparavant la route utilisée pour aller de Mas’ha à Naplouse a été fermées par l’armée israélienne avec des blocs de béton, lesquels ont été ensuite remplacés récemment par plusieurs portes. Hani Amer nous attendait derrière les portes et à la minute où il nous aperçoit il vient nous saluer.

La première porte avec de lourdes barres de métal est juste devant nous ; elle fait deux mètres de haut avec des barbelés sur le dessus. Elle ferme totalement l’accès à la route. L’armée israélienne était la seule à en avoir la clé. La serrure sur cette porte a fini par être enlevée après plusieurs protestations de la part d’Hani Amer. Après quatre mètres une autre porte, cette fois-ci renforcée, en métal et d’un mètre de haut bloque la route. Sur cette porte peinte en jaune nous pouvons voir un signe rouge avec une main blanche qui nous avertit de nous arrêter. Hani Amer dipose de la clé pour cette porte. Chaque fois qu’il ouvre celle-ci il se retrouve en face du message que les militaires israéliens ont peint sur le mur adjacent à « sa » sporte, une étoile de David et le mot « Israël ».

Nous traversons la poussière puis la route en asphalte derrière le mur et nous voyons un autre mur élevé avec un signe de couleur rouge nous avertissant : « Danger mortel, zone militaire. Quiconque traverse ou endommage la barrière met sa vie en danger ». Nos traces de pas seront effacés dans l’heure et demi qui suit par deux tracteurs qui nettoient chaque jour la poussière sur la route.

Une histoire faite de résistance

Hani Amer nous apprend que la colonie a été développée à partir d’un camp militaire voisin, utilisé auparavant par les Anglais, puis les Jordanien et plus tard par l’armée israélienne. Dans les années 1980 les premiers colons sont venus s’installer dans le camp avec des caravanes mobiles. La colonie s’est progressivement étendue et aujourd’hui 80% de la superficie du village de Mas’ha est à l’intérieur du mur, y compris un puits naturel qui a été détruit par l’armée israélienne en 1967. Les villageois ont tenté de remettre le puits en état, mais ils n’ont pas obtenu le droit d’accéder au réseau électrique pour faire fonctionner la pompe à eau. « Nous comprenons qu’ils veulent également accaparer cette portion de terrain », nous dit Hani Amer.

L’histoire des pertes subies par Hani Amer sur le plan matériel débute en 1991, lorsqu’une partie de sa maison a été démolie car elle se trouvait « trop prêt de la route ». Ce prétexte est difficile à comprendre car la maison se trouve dans une zone agricole. Le restaurant qui lui appartenait a été démoli en 1994.

En 2003 et 2004 la pépinière et le magasin de produits agricoles de Hani Amer ont été confisqués par Israël afin de construire le mur. La maison de Hani Amer est située sur le terrain de ce qui était auparavant une pépinière florissante de 3000 mètres carrés. Il nous montre la trace de l’endroit où était situé le magasin. Hani Amer avait investi 55.000 dollars US (gagnés avec la vente de sa maison en ville) dans une ferme d’élevage de volailles sur son propre terrain, lequel est maintenant à l’intérieur du mur. En 2004, l’armée israélienne a démoli la ferme.

Hani Amer a contesté les ordres de démolition devant la justice. Il a déclaré dans la salle du tribunal : « je sais que je perdrai. Je suis ici pour prouver ce que vous êtes. Vous n’êtes pas ce que l’on peut appeler un état. Vous n’êtes qu’un ramassis », et il partit.

Menaces grandissantes

Pour commencer le gouvernement israélien a essayé de soudoyer Hani Amer pour qu’il coopère, offrant beaucoup d’argent pour sa propriété. Mais Hani Amer a refusé toutes les offres. Il a par le passé expliqué à un fonctionnaire israélien : « Votre conception de la vie est différente. Cela me rend heureux de parler à la terre, de vivre en harmonie avec la terre et les arbres. Il n’y a aucun prix pour cela ».

Comme Hani Amer refusait de quitter sa terre « volontairement », une nouvelle stratégie a été tentée. Un officiel israélien est venu le voir et l’a menacé en lui disant qu’il ne pourrait pas rester. Il a déclaré, nous rapporte Hamer : « Nous te casserons, si tu n’acceptes pas nos offres. Nous pourrions envoyer quelqu’un tirer des coups de feu en direction de la colonie et nous aurons déjà préparé l’acte d’accusation contre toi. Alors ta maison sera rasée avec un bulldozer parce que tu es connu comme terroriste. »

Peu de temps après que le mur ait été érigé les militaires israéliens ont fermé la porte, bloquant un de ses fils à l’extérieur. Ils sont restés séparés toute une semaine. Les amis ont jeté de la nourriture et autres provisions par-dessus de la porte. A présent Hani Amer a la clef de « sa porte jaune », et l’énorme porte d’entrée reste ouverte. Mais toutes les fois que des gens viennent lui rendre visite l’armée israélienne est omniprésente. Les militaires sont avertis par les systèmes de détection installés sur la barrière. Parfois ils se mêlent de ses affaires, comme cette fois-ci.

Deux soldats israéliens appellent Hani Amer depuis l’arrière d’une énorme barrière séparant la maison de Hani Amer de la colonie. Ils l’interrogent puis après un moment veulent parler à l’invité étranger. Je traverse les vingt mètres qui nous séparent de la barrière ; ils se tiennent de l’autre côté, avec leurs pistolets, leurs lunettes de soleil et leur jeep militaire verte. Je les regarde directement dans les yeux lorsqu’ils me demandent pourquoi je suis ici. J’explique que je rend visite à Hani Amer. Ils m’ordonnent de ne pas prendre de photos de la colonie. Ils ne savent pas que leur ordre arrive déjà trop tard.

Les colons vivent dans leurs maisons snobinardes à moins de vingt mètres de la maison de Hani Amer, sur la terre appartenant aux villageois de Mas’ha. Ils ont également leur part de responsabiluté dans les menaces proférées en direction de la famille d’Hani Amer. La nuit ils jettent des pierres vers la maison et empêchent ainsi la famille de dormir. Parfois les panneaux d’énergie solaire pour l’eau chaude placés sur le toit sont endommagés. Il arrive aussi, alors que les enfants jouent à l’extérieur dans le jardin, que les colons commencent à jeter des pierres. Avec ses deux mains sur le coeur Hani Amer nous explique : « J’ai surtout peur pour la sécurité de mes enfants. Mais je ne vais pas abandonner ma résistance. Si le monde entier se tenait d’un côté et voulait s’en prendre à moi, cela ne me briserait pas. Il est facile de me tuer, mais il est impossible de briser ma volonté de rester ».

Adri Nieuwhof et Amer Madi sont consultants indépendant originaires respectivement de Hollande et de Palestine.

3 mai 2007 - Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach

Et aussi :
- En Cisjordanie, le constat alarmant du commissaire européen Louis Michel
- L’armée d’Israël au-dessus de ses lois ?


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