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Les Afghans dénoncent les victimes civiles des bombardements

samedi 12 mai 2007 - 06h:52

Françoise Chipaux - Le Monde

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Les Afghans dénoncent les victimes civiles des bombardements américains.

Plus de 20 civils afghans ont été tués, dans la nuit de mardi à mercredi, par un bombardement aérien des forces de la coalition, dirigées par les Etats-Unis, a affirmé, mercredi 9 mai, le gouverneur de la province d’Helmand, Assadullah Wafa.

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Des habitants de Jalalabad (Afghanistan) manifestent, le 29 avril 2007, pour protester contre un bombardement des forces de la coalition qui avait fait, alors, deux morts parmi les civils, dont un enfant
(Ph. AFP/Khan Wali Kamran)

Ce nouvel incident s’est produit alors que des forces spéciales américaines, accompagnées de soldats afghans, opérant une patrouille de nuit dans le district de Sangin, se sont trouvées confrontées à des talibans. Un soldat américain a été tué. Les forces spéciales ont appelé l’aviation en renfort et, selon des témoignages d’habitants du village bombardé, des maisons auraient été détruites et des habitants enterrés sous les décombres.

Interrogé sur ce bombardement, un porte-parole des forces de la coalition, le commandant William Mitchell, a affirmé : "Nous n’avons pas d’informations sur des civils tués. Il y a des victimes ennemies et je pense que leur nombre est significatif."

Quasi invisible, la guerre qui se déroule dans les villages afghans est, selon tous les témoignages, d’une extrême violence, et il est très difficile de savoir exactement ce qui s’y passe, l’accès aux zones de combats étant impossible à moins d’y accompagner les forces étrangères. Les talibans, qui se battent souvent au milieu de la population, ne se distinguent pas vraiment des civils avec lesquels ils partagent la même façon de s’habiller, mais, affirme Nader Nadery, de la commission afghane indépendante des droits de l’homme, "c’est très difficile mais ce n’est pas une raison pour dire "allons y, bombardons"".

M. Nadery dénonce "la disproportion des attaques (des forces étrangères)" et le fait que "les règles d’engagement, qui diffèrent pour chaque Etat, ne soient pas publiques". Les Afghans regardent aussi avec beaucoup d’amertume l’impunité dont jouissent les soldats étrangers. Les résultats des enquêtes ouvertes sont rarement rendus publics et la perception afghane est que les étrangers peuvent faire ce qu’ils veulent sans jamais en payer le prix.

L’incident survient une semaine à peine après un autre bombardement sollicité par les forces spéciales américaines dans le district de Shindand (ouest), au cours duquel 51 civils ont été tués. L’armée américaine a aussi, dans un premier temps, nié la mort de civils avant d’annoncer l’ouverture d’une enquête. La même attitude de négation avait prévalu le 3 mars, quand une unité des marines, attaquée par un commando-suicide, avait tué, pour se dégager, 19 civils sur la route entre Jalalabad (est) et la frontière pakistanaise.

Mardi toutefois, le colonel John Nicholson, commandant d’une unité en Afghanistan, a reconnu, lors d’une téléconférence avec des journalistes à Washington, qu’il s’était déclaré aux familles des victimes "profondément honteux et vraiment désolé que des Américains aient tué et blessé des Afghans innocents".

Le colonel Nicholson a révélé qu’avant même la conclusion de l’enquête ouverte par l’armée américaine, celle-ci a versé 2 000 dollars (1 500 euros) aux familles des victimes comme geste de condoléances. L’unité de marines impliquée dans l’affaire a, depuis, quitté l’Afghanistan, le commandement jugeant qu’elle ne pouvait plus mener à bien sa mission. Ce bombardement intervient à un très mauvais moment pour le président afghan Hamid Karzaï qui, la semaine dernière, avait convoqué les responsables civils et militaires étrangers pour leur dire que "les Afghans ne peuvent plus accepter les victimes civiles".

Signe de l’exaspération locale, le Sénat afghan a adopté, mardi, un projet de loi demandant la fin des opérations militaires des forces internationales et l’ouverture d’un dialogue avec les talibans. Selon ce projet, qui doit être encore approuvé par la Chambre des députés et le président, les forces étrangères ne pourraient se défendre que si elles étaient attaquées et après avoir consulté l’armée nationale afghane, le gouvernement ou la police. Le Sénat demande aussi une date pour le retrait de ces forces.


Chiffres

Avec 50 000 hommes, les forces étrangères sont à leur plus haut niveau depuis décembre 2001.

L’OTAN compte environ 37 000 hommes venant de 37 pays. Ces troupes, dont la principale tâche est le soutien au gouvernement afghan, opèrent sous mandat de l’ONU.

Les forces de la coalition, dirigées par les Etats-Unis, comportent quelque 11 000 hommes, essentiellement américains. Leur tâche est la lutte contre le terrorisme et la recherche des dirigeants d’Al-Qaida et des talibans.

Les forces spéciales américaines, dont le nombre est inconnu, opèrent partout dans le pays.

Françoise Chipaux (Islamabad), correspondante en Asie du Sud - Le Monde, le 10 mai 2007

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