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Pas de paix sans justice pour les Palestiniens

mardi 19 mai 2015 - 05h:13

Abdel Bari Atwan

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Vendredi était le soixante-septième anniversaire de la Nakba - la "catastrophe", quand les villageois palestiniens ont été expulsés de chez eux pour céder la place aux Israéliens. Chaque année, l’événement avait au moins mérité quelques lignes dans la presse occidentale. Cette année il a été largement ignoré.

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Un Palestinien présente la clé de ce qui a été sa maison, avant son expulsion forcée en 1948 par les milices sionistes - Photo : Tal Cohen

Mais plus étonnant encore, la presse arabe a à peine signalé un évènement qui nous unissait tous dans la protestation et la colère.

Jusqu’à très récemment, la cause palestinienne était le prisme par lequel passait toute la pensée politique de la région - qu’il s’agisse du nationalisme arabe ou de l’extrémisme salafiste. Mais cette passion de la justice pour les Palestiniens a été usurpée - d’abord par les aspirations du Printemps Arabe et ensuite par ses échecs. Il était remarquable que pendant les manifestations de masse en Tunisie, en Egypte, en Libye, au Yémen et en Syrie, quasiment personne ne portait le drapeau palestinien qui avait été très longtemps le symbole d’une juste cause.

Tout en voulant se libérer de la tyrannie, les révolutions arabes ont mis en avant des questions politiques plus générales que locales – avec des concepts tels que la démocratie, la nécessité d’un ordre judiciaire indépendant et les droits de l’homme.
L’incapacité à atteindre ces objectifs a été un coup dur pour les peuples arabes, et toute cette colère et cette frustration ont été d’une certaine manière détournées au profit d’un sectarisme violent et d’une polarisation régionale qui ont éclipsé le conflit israélo-arabe. En effet, pour beaucoup d’Arabes - des gouvernements aussi bien que des individus – l’adversaire régional n’est plus Israël mais l’Iran.

La guerre civile et sectaire fait rage en Syrie, en Irak et au Yémen, et la contagion de la haine entre sunnites et chiites a jeté la région entière dans le chaos et les bouleversements et absorbe toute sa conscience. Que le cours de l’histoire ait d’une certaine manière (temporairement) laissé l’Israël libre de ses mouvements était certainement dans les projets régionaux des Etats-Unis, et Washington a très peu fait pour stopper la diffusion du poison du sectarisme à partir de l’Irak après y avoir installé un régime pro-iranien dominé par les chiites et qui a discriminé avec zèle la minorité sunnite du pays.

En attendant, au Yémen et en Syrie, les Américains s’alignent sur le ainsi-nommé "bloc sunnite". Est-ce juste une contradiction ou, comme le prétendent certains théoriciens de la conspiration, un stratagème délibéré pour diviser, miner et déstabiliser le monde arabe ? Il est indéniable qu’un autre sous-produit du Printemps Arabe - Daesh (l’auto-proclamé État Islamique de l’Irak et du Levant) - fomente activement la violence sectaire. Et l’extrémisme est la seule chose qui prospère dans les coulées de lave qui suivent les éruptions.

Les guerres civiles sectaires et Daesh ont pris la place centrale, dominant les médias et les décisions de politique étrangère des gouvernements régionaux et occidentaux.
La dernière série d’entretiens de paix entre Palestiniens et Israéliens, énergétiquement soutenus par le Secrétaire d’Etat américain John Kerry, s’est évaporée après qu’ait expiré une date-butoir fixée en avril 2014 pour établir les grandes lignes d’un accord. Néanmoins, en octobre 2014, Kerry a réaffirmé que la Maison Blanche restait convaincue que la clé de la stabilité régionale et de la fin de l’extrémisme réside dans le processus de paix. Dans un contraste remarqué, lors d’une entrevue avec Asharq Al-Awsat la semaine dernière, Obama a affirmé que "la meilleure manière d’assurer la sécurité de la région" est l’accord nucléaire avec l’Iran qu’il négocie actuellement… Sur la Palestine, il est resté évasif, sans prendre aucun engagement.

Certainement relié à cette volte-face est le fait que le Premier Ministre israélien, Benjamin Netanyahu a été réélu en mars sur un programme explicitement raciste et colonialiste, qui a inclus une promesse catégorique "qu’il n’y aura aucun État palestinien". Cette déclaration brutale - qui est une complète sortie de la voie bien usée de "la solution à deux Etats" – est restée largement sans réaction au niveau international.

Et les Palestiniens ne se sont pas beaucoup aidés. Le président de l’Autorité Nationale Palestinienne (ANP), Mahmoud Abbas a pris quelques décisions notables - comme rejoindre récemment la Cour Pénale Internationale - mais son incapacité à déposer plainte contre les dirigeants israéliens pour crimes de guerre, ou pour le moins, à mettre fin à la coopération répressive de l’ANP avec Israël, ramène cette initiative à une simple provocation plutôt qu’à une menace bien réelle.

Décourageantes aussi sont les tristes querelles - souvent sur les questions d’argent - qui empêchent le Hamas et le Fatah de s’unir dans un gouvernement et une résistance solides.

La Maison Blanche a pour habitude de lier l’oppression israélienne sur les Palestiniens à l’attrait exercé par des groupes extrémistes, et les chefs d’Al-Quaida ont fait un principe de lier leurs activités à la libération de la Palestine. Il est intéressant de remarquer cependant, que dans son premier sermon en tant que "calife", Abu Bakr Al Baghdadi, le chef de Daesh, a placé l’occupation de la Palestine seulement au septième rang sur une liste de faits justifiant la "vengeance" - après la souffrance des musulmans en Birmanie, au Cachemire, aux Philippines, en Bosnie et dans le Caucase.

L’été dernier, Gaza a prouvé sa résilience durant les sept semaines de bombardements israéliens qui ont tué plus de 2200 Palestiniens innocents, dont un grand nombre d’enfants. La brutalité de l’opération israélienne et la résistance héroïque des combattants palestiniens de la liberté ont rappelé au monde notre cause et ont galvanisé le mouvement en pleine expansion pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions.

Bien qu’elle soit obscurcie pour l’instant par d’autres conflits et par l’agitation régionale, la cause palestinienne ne disparaîtra pas sous les gravats des maisons de Gaza démolies par les bulldozers israéliens.

L’Histoire nous prouve que tandis que des événements régionaux importants - tels que la guerre entre l’Iran et l’Irak ou la guerre du Golfe - peuvent périodiquement l’éclipser, le conflit entre la Palestine et Israël demeure la question la plus déstabilisatrice au Moyen-Orient.

Il ne peut y avoir aucune paix sans la justice pour les Palestiniens. Ce fait reste évident après 67 ans.

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* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai Alyoum : Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan

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17 mai 2015 - Raï al-Yaoum - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.raialyoum.com/?p=258748
Traduction : Info-Palestine.eu


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