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Le Moyen-Orient attend l’après Bush

vendredi 11 mai 2007 - 06h:35

Abed Charef - Le Quotidien d’Oran

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Une nouvelle donnée s’est imposée au Proche-Orient : l’absence de décision. Quelques éléments qui expliquent ce statu quo. Un vent de révolte anti-américain semble souffler au Moyen-Orient.

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Irak - Photo Al Jazeera

Aux traditionnels opposants à la politique américaine dans la région - Iran, résistance irakienne, Syrie -, s’ajoutent, depuis quelques semaines, les alliés traditionnels de Washington dans le Golfe, qui expriment, sous de multiples formes, leur mécontentement. De hauts dignitaires saoudiens, ainsi que d’éminentes personnalités, en Egypte et dans le Golfe, se sont relayés pour faire le procès de la politique américaine, notamment l’occupation de l’Irak et son attitude sur la question palestinienne. On parle d’ « erreurs à répétition » en Irak, d’échec « complet et définitif », de « stratégie de la destruction » en Palestine, quand on n’évoque pas tout simplement la « catastrophe » et le « fiasco » total dans la région.

Mais plus qu’un changement de cap, ces critiques traduisent plutôt un souci de se replacer dans le jeu politique et de se refaire une crédibilité, dans l’attente de ce que sera la politique américaine de l’après George Bush. Car dans toute la région, une conviction semble s’imposer : les Etats-Unis sont dans l’impasse, et la situation ne se débloquera qu’après les présidentielles américaines de 2008. Dans l’intervalle, il s’agit pour chacun de gérer au mieux le statu quo, de préserver ses positions en essayant de grappiller quelques gains, et de se préparer à la nouvelle donne qui s’imposera avec l’administration, probablement démocrate, qui succèdera à celle de George Bush.

Tout laisse en effet supposer que les Etats-Unis se sont installés dans un immobilisme qui durera jusqu’à début 2009. Le Président Bush et le Congrès vont se neutraliser, chacun campant sur ses positions, ce qui permet de bloquer l’adversaire, mais ne suffit pas pour imposer sa vision. La confrontation sur le financement des troupes en Irak l’a confirmé. Le congrès a tenté de lier le financement à un calendrier de retrait, ce que le George Bush a refusé.

Mais le chef de la Maison Blanche ne peut ignorer indéfiniment le poids du Congrès, au risque d’aggraver sa position. Ceci provoquera un immobilisme qui va encore s’aggraver durant les vingt prochains mois, lorsque les Etats-Unis entreront en campagne électorale. Celle-ci est imminente, et les questions internationales y auront peu de poids, à l’exception d’un seul thème : les soldats américains morts en Irak.

Les pays du Moyen-Orient semblent résignés à cette situation. Les Palestiniens, qui en souffrent le plus, attendent avec soulagement et résignation le départ des néoconservateurs. Soulagement, car rarement une administration américaine a fait preuve d’un soutien aussi aveugle à Israël. Résignation, car ils savent que les démocrates sont traditionnellement proches d’Israël.

En Syrie, l’attente est une règle. Le fragile équilibre qu’elle subit, avec l’arrivée massive des réfugiés irakiens, les pressions occidentales, et l’inconnue libanaise, imposent encore d’attendre. Toute action, dans un contexte incertain, est exclue. D’autant plus que la poudrière libanaise risque d’exploser à tout moment. Dans un jeu assez habile, la Syrie tente toutefois de poser les premiers jalons d’une nouvelle politique.

En plus de l’accueil massif de réfugiés irakiens, les dirigeants ont également reçu Nancy Pelosi, la présidente démocrate de la Chambre américaine des Représentants, et retrouvé des alliés au Liban après avoir amorti le choc de l’affaire libanaise. Ils veulent ainsi anticiper la nouvelle politique américaine, en préservant le statu quo jusqu’au départ de George Bush.

En Irak, aucune évolution de fond n’est envisageable avant de longs mois. Une victoire militaire est exclue, d’un côté comme de l’autre, mais chacun tente d’améliorer ses positions. La résistance tente d’imposer ses règles, les islamistes, qu’ils soient salafistes ou proches de l’Iran, avancent leurs pions, et le gouvernement tente, avec l’appui américain, de mettre tout le monde devant un nouveau fait accompli en se créant une armée et des services de sécurité. Mais tout le monde semble admettre que la négociation avec l’administration Bush est à la fois impossible et inutile. La guerre continue donc, et l’Irak se détruit quotidiennement.

Seul l’Iran semble avoir une meilleure gestion du temps. Avançant ses pions en Irak, il maintient ses choix dans le domaine du nucléaire, sachant que le temps joue en sa faveur. Il peut d’ores et déjà savourer une première victoire : les Etats-Unis ont admis que Téhéran est un acteur incontournable dans l’échiquier régional, et l’ont invité à des discussions. Mais l’Iran ne veut pas se laisser entraîner dans un calendrier qu’il ne contrôle pas. Il veut imposer son propre agenda, et semble en mesure d’y arriver.

A l’inverse, et pour la première fois, Israël semble incapable d’imposer son propre calendrier. La faiblesse du gouvernement Ehud Olmert, les scandales à répétition, l’échec de la guerre du Liban, et l’absence de perspective politique semblent avoir détruit la suprématie traditionnelle d’Israël dans la région. Mais la faiblesse criarde des pays arabes, d’un côté, et le puissant soutien des Etats-Unis, de l’autre, semblent suffisants pour empêcher toute percée en faveur des Palestiniens.

Dans les petits Etats du Golfe, les préoccupations sont différentes. La proximité de l’Irak et de l’Iran ont longtemps convaincu ces pays que la protection américaine reste une priorité. Mais au-delà, chacun essaie de se faire une place dans le monde, en exploitant au mieux les formidables richesses financières offertes par la manne pétrolière. Avec un succès évident pour Qatar et les Emirats, alors que le Koweït semble en retrait, n’ayant pas encore totalement digéré l’invasion irakienne.

Mais la région souffre d’un déséquilibre grave, selon un spécialiste du Golfe. Au sein des principaux acteurs de la région, il y a une absence grave : celle des pays arabes. Et c’est là qu’intervient un jeu subtile entre l’Egypte et l’Arabie Saoudite. L’Egypte s’est retrouvée exclue du jeu, en raison de sa faiblesse économique, de sa dépendance, et de la menace islamiste. Elle cherche pourtant à se trouver un rôle, que personne ne veut lui accorder. L’Arabie Saoudite, forte de son pétrole et de la charge symbolique qu’elle porte, avec les Lieux saints de l’Islam, tente de pallier ce vide, en lançant des « raids » politiques, comme pour tâter le terrain.

Ainsi, le Roi Abdallah a-t-il réussi à imposer une trêve entre le Fatah et le mouvement palestinien Hamas. Dans la foulée, il a relancé l’initiative arabe de paix, mais il a préféré en déléguer la gestion à d’autres, de peur d’un nouvel échec. Auparavant, il avait noué des contacts directs avec le président iranien Mahmoud Ahmedinedjad, dans une tentative de trouver une nouvelle approche pour apaiser la région.

Concernant l’Irak, l’Arabie Saoudite a adopté un langage nouveau. Non seulement elle a vivement critiqué l’invasion américaine, mais elle a affirmé son intention de se poser comme protecteur des Sunnites irakiens au cas où la guerre civile dans ce pays en arriverait à dégénérer avec le risque de massacre des Sunnites. C’est un nouveau rôle qui se dessine ainsi pour l’Arabie Saoudite, un rôle que les dirigeants saoudiens essaient d’imposer rapidement pour en faire une donnée avec laquelle il faudra compter lorsque les Américains seront à nouveau en mesure de définir une politique dans la région.

Cette carte reste cependant aléatoire, car les Américains, malgré leur indécision, ne peuvent laisser les choses les déborder. Ce qui pousse un spécialiste du Golfe à évoquer cette autre hypothèse. Selon lui, l’Arabie Saoudite agit avec l’accord des Etats-Unis, qui veulent faire de Ryadh le centre d’une grande alliance sunnite dans la région, seule force capable de faire face à un Iran nucléaire, particulièrement au cas où l’Irak basculerait définitivement dans le camp iranien.

Les Iraniens ont fait la preuve de leur savoir-faire, aussi bien dans leur aide au Hizbollah, que dans la gestion du dossier nucléaire. Ils ont montré qu’ils sont le seul pays dans la région à avoir un véritable Etat, appuyé sur une vision politique cohérente. Cela leur a donné la force d’avancer conformément à leur propre agenda, de résister aux pressions américaines et européennes, et de s’imposer d’ores et déjà comme une puissance régionale.

C’est là la différence fondamentale avec les pays arabes : l’Iran a son propre agenda, alors que les pays arabes sont rivés à l’agenda américain. Et quand les Etats-Unis, pour des raisons internes, n’ont pas d’agenda, les pays arabes sont condamnés à attendre, pour se contenter de timides réactions visant à préserver le statu quo, jusqu’à ce qu’une nouvelle politique se dessine à Washington. C’est alors qu’ils essaieront de s’y adapter.

Abed Charef - Le Quotidien d’Oran, via Algeria Watch, le 3 mai 2007


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