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Quand la mort de civils horrifie le New York Times !

jeudi 18 décembre 2014 - 01h:17

Gregory Shupak

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Les éditoriaux du New York Times qui traitent de la question du conflit Israélo-palestinien dénotent un penchant chez les rédacteurs du journal à donner plus de valeur à la vie d’un Israélien qu’a celle d’un Palestinien !

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Des enfants se tiennent au milieu des ruines de ce qui avait été leur maison - Photo : AFP

Les convictions d’un journal peuvent être discernées en analysant ses éditoriaux, puisque c’est là que s’articulent les positions du journal sur les questions centrales de la journée. Un examen des éditoriaux du New York Times sur le conflit Israélo-palestinien depuis le mois de Juillet montre que pour les rédacteurs du journal la vie d’un Palestinien vaut moins que celle d’un Israélien.

Les rédacteurs du New York Times emploient des termes forts et chargés d’émotion dans leur couverture de l’attaque d’une synagogue à Jérusalem au mois de Novembre, décrivant le meurtre de cinq Israéliens comme un acte de « brutalité », « horrible », une « tragédie » et un exemple d’une « incompréhensible inhumanité ».

Ce vocabulaire est largement absent de la terminologie du New York Times lorsque des [centaines de] civils palestiniens sont tués durant l’opération [israélienne] Bordure Protectrice (Protective Edge). Ainsi, dans un éditorial daté du 15 Octobre abordant la question de la reconstruction de Gaza, les rédacteurs écrivent : « La récente guerre de 50 jours à Gaza a tué plus de 2000 Palestiniens et 73 Israéliens ». Notez ici la simplicité de cette description. Le meurtre de 2000 Palestiniens n’est évidemment pas un évènement tragique. Il ne s’agit pas de brutalité lorsque Israël tue un si grand nombre, ni d’acte horrible ou inhumain. De plus, les actions israéliennes sont parfaitement compréhensibles pour le New York Times.

On pourrait faire valoir que le New York Times est particulièrement ému par l’attaque de Jérusalem parce que les synagogues sont des lieux sacrés, par conséquent, ces meurtres exceptionnellement horribles. Mais cela laisse encore sans réponse la question de savoir pourquoi la réaction du New York Times est différente concernant le bien plus grand nombre de cas de morts palestiniens qui sont exceptionnellement horribles ?! Le meurtre d’enfants en est un flagrant exemple. Et si on examine l’éditorial du 6 Août, on remarque que sa conclusion qualifie généralement la guerre de Gaza de « tragédie », mais la mort d’enfants palestiniens mentionnée huit paragraphes plus haut ne suscite aucun commentaire direct du journal : « Plus de 1 800 Palestiniens, dont une majorité d’entre eux sont des non-combattants, et 67 Israéliens ont été tués. Des fonctionnaires des Nations Unies ont déclaré que 408 enfants palestiniens ont été tués et 2502 blessés ». Ici, la mort de 408 enfants palestiniens est simplement mentionnée sans aucune mise à jour.

Une semaine plus tôt, Israël avait bombardé le camp de réfugiés de Jabaliya et, selon les propres termes du commissaire général de l’UNRWA Pierre Krähenbühl : « Les enfants ont été tués alors qu’ils dormaient près de leurs parents sur le plancher d’une salle de classe dans un abri recommandé par l’ONU à Gaza ». Le 3 Août, trois jours avant la publication de l’éditorial du New York Times, Israël avait tué 11 personnes, dont trois enfants, dans une école de Rafah qui abritait près de 3000 Palestiniens déplacés à l’intérieur de Gaza. Ces événements ne suscitent aucune mention spécifique dans l’éditorial du 6 Août ; les morts sont tout simplement englobés dans le chiffre 408. La condamnation la plus ferme exprimée à l’égard d’Israël dans cet article étant : « Les deux parties portent la responsabilité. Dans de très nombreux cas, Israël a lancé des obus frappant des écoles et des abris et n’a pas réussi à épargner les citoyens palestiniens. Mais le Hamas …. ».

Apparemment, frapper certaines écoles palestiniennes et des abris serait acceptable pour le New York Times, bien qu’Israël mérite d’être critiqué pour avoir dépassé son quota d’attaques d’écoles et d’abris. Mais le journal ne considère pas le fait de tuer des enfants palestiniens à Jabaliya ou à Rafah comme un acte brutal, horrible, inhumain ou incompréhensible.

De même, l’éditorial du 24 Juillet se réfère au nombre de 750 morts en soulignant que « la grande majorité était constituée de civils palestiniens ». Mais le plus haut degré de préoccupation du journal à l’égard de ces morts palestiniens se formulait ainsi : « personne ne peut être indifférent au fait que des innocents paient le coût insupportable d’être piégés au milieu [des combats]. Il est juste de se demander si Israël fait suffisamment [d’efforts] pour empêcher cela ».

Le New York Times emploie ce ton passif et fade même si moins d’une semaine plus tôt « le bombardement israélien intense de Shejaya avait tué plus de 60 personnes, dont au moins 17 enfants ». Plus encore, trois jours avant la publication de l’éditorial du 24 Juillet, « l’armée israélienne avait tiré des salves d’artillerie sur l’hôpital Al-Aqsa à Deir al-Balah » tuant quatre personnes et blessant des dizaines d’autres.

Si certains types de mise à mort sont si brutaux pour mériter un degré exceptionnel d’indignation, tuer des civils [palestiniens] dans un hôpital doit certainement faire partie de cette catégorie. Pourtant, aucun de ces cas n’a conduit le New York Times à utiliser le même vocabulaire fougueux employé pour décrire les meurtres de la synagogue.

Le 18 Juillet, les rédacteurs du journal expriment plus de détresse à l’égard des victimes civiles palestiniennes qu’à tout autre moment durant ou depuis l’opération [israélienne] Protective Edge : « des Palestiniens innocents sont tués et brutalisés : quatre garçons palestiniens jouant sur une plage ; quatre enfants jouant sur un toit ; un hôpital de réadaptation, tous détruits par la puissance de feu israélienne. L’Organisation des Nations Unies dit que parmi plus de 260 Palestiniens tués, les trois quarts étaient des civils, dont plus de 50 enfants ».

Chacun des cas mentionnés devrait faire partie de la liste des meurtres considérés comme exceptionnellement horribles, mais la lecture de ce passage dans le contexte du reste de l’article indique clairement que l’angoisse du New York Times exprimée suite à la mort de civils palestiniens est limitée. Le premier paragraphe réitère la justification d’Israël derrière l’opération Protective Edge et pleure les « civils innocents des deux côtés », pourtant à ce moment-là un seul Israélien avait été tué, comparé aux 214 Palestiniens tués, parmi lesquels 164 civils et 44 enfants. Les deuxième et troisième paragraphes s’efforcent de justifier l’opération Protection Edge.

Le quatrième paragraphe est celui où les morts palestiniens sont déplorés, tandis que le cinquième paragraphe affirme que le Hamas est en grande partie responsable de ces morts. Les trois paragraphes suivants se consacrent à chercher ce qui peut « servir les intérêts d’Israël » et déplorent la façon dont Israël a raté « une chance d’éroder la position politique du Hamas » après que le Hamas ait convenu d’un accord d’unité avec l’Autorité palestinienne. L’éditorial se termine alors en déduisant que les civils palestiniens « subissent les conséquences », non pas essentiellement quand Israël les tue, mais quand le Hamas rejette une « proposition de cessez-le feu » de la part de deux de ses principaux ennemis, l’Égypte et Israël.

Ainsi, le seul cas où les rédacteurs du New York Times expriment quelque chose qui ressemble à du chagrin à l’égard des victimes civiles palestiniennes tuées au cours de l’opération Protection Edge, est enfoui dans un texte qui dans sa totalité constitue une apologie de l’État qui les a tués et une exploration de la façon dont cet État pourrait atteindre ses objectifs !

Tout ceci est preuve que les rédacteurs du New York Times sont outragés par la mort de civils israéliens mais à peine agités lorsque des civils palestiniens sont tués en plus grand nombre.

Que cela soit la ligne éditoriale du journal le plus diffusé dans l’État à la fois le plus puissant du monde et le principal parrain d’Israël, est l’une des principales raisons pour lesquelles la paix et la justice s’évaporent du Moyen-Orient.

* Gregory Shupak est auteur et militant. Il enseigne l’Étude des Médias à l’Université de Guelph au Canada.

12 décembre 2014 - Middle East Eye - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeasteye.net/column...
Traduction de l’anglais : Ali Saad


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