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Gaza nous remet en mémoire le péché originel du sionisme

vendredi 22 août 2014 - 06h:29

Miko Peled

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Le matin de Lailat al-Qadr (Nuit du Destin), le nombre de morts à Gaza approchait les 1000. Al-Qadr est la nuit précédant le dernier vendredi du mois béni du Ramadan, qui selon la croyance est celle où le Coran a été révélé au prophète Mohammed.

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Trois enfants âgés de 7, 8 et 11ans ont encore été tués par une frappe d’Israël ce 21 août 2014 à l’est de Gaza Ville

J’ai passé cette nuit particulière avec des amis de la ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée après avoir participé à la marche #48K pour Gaza.

La marche a commencé à Ramallah et s’est dirigée vers le poste de contrôle de Qalandiya. Elle avait démarré paisiblement, avec des familles accompagnées de leurs enfants et même de bébés en poussettes. Elle s’est achevée avec de jeunes Palestiniens blessés par balles et emmenés d’urgence à l’hôpital local.

Le poste de Qalandiya était fortifié et inattaquable et les soldats israéliens stationnés au sommet tiraient à balles réelles sur la foule. Comme l’ambulance fonçait dans la foule, je n’ai pu m’empêcher de me demander pourquoi il n’y a pas d’hôpital entre Qalandiya et Ramallah, une bonne distance qui inclut les municipalités de Jérusalem, al-Bireh et Ramallah.

La nuit suivante j’étais programmé pour quitter la Palestine et retourner aux États-Unis. Mais les forces israéliennes avaient bouclé toutes les routes de Ramallah à Jérusalem pour la nuit et elles seraient probablement encore bouclées le lendemain. A la pointe de l’aube, quand les choses se furent calmées, mon ami Samir m’emmena en voiture à un poste de contrôle qu’il pensait être ouvert. Il était bien ouvert, mais pour les Israéliens uniquement, et de là je retournai à Jérusalem.

Le soir, comme je m’apprêtais à quitter l’aéroport Ben Gourion près de Tel Aviv, les gens autour de moi essayaient de me calmer. « Ne les agace pas, coopère, et ils seront sympa » disaient-ils. « Pourquoi te créer tous ces ennuis inutiles ? »
Ils parlaient de « la gestapo souriante », les agents israéliens de la sécurité à l’aéroport de Tel Aviv qui portent le nom grinçant de « Division Sécurité Aéroport ».

Non-coopération et résistance

En les écoutant, je me suis rappelé les communautés juives sous le régime nazi qui croyaient que si elles coopéraient et se montraient de bons citoyens, tout irait bien pour eux. Mais la route de la coopération jusqu’aux camps de concentration puis aux chambres à gaz était une route directe.

La politique de discrimination et d’humiliation à l’aéroport Ben Gourion et la politique de nettoyage ethnique et d’assassinats de Palestiniens à Gaza, sont issues de la même idéologie.

Comme nous le voyons depuis 7 décennies, coopérer et courber l’échine n’améliorent pas les choses.

La coopération avec les autorité israéliennes apporte peut-être une aide à court terme, mais elle valide par ailleurs le « droit » d’Israël de terroriser et d’humilier les Palestiniens avec notre consentement, à « nous », tous les gens qui ont une conscience. Que nous soyons palestiniens ou non, l’heure est à la non-coopération et à la résistance contre l’injustice.

Aujourd’hui, Israël et ses partisans rejettent le blâme de la violence à Gaza sur le Hamas. Mais Israël n’a pas attendu la création du Hamas, fin des années ’80, pour commencer à lancer ses attaques contre Gaza. Israël s’est mis à attaquer Gaza quand l’enclave était peuplée de la première génération de réfugiés, au début des années ’50.

Les Palestiniens, et ceux de Gaza en particulier, ne sont pas devant une option : résister et être tué ou vivre en paix. On leur offre l’option d’être tués debout ou tués dans leur lit en plein sommeil.

« Une mer de haine »

Gaza est en train de se faire punir parce que Gaza rappelle constamment à Israël et au monde le péché originel du nettoyage ethnique de la Palestine pour la création de soi-disant état juif. Alors que la résistance palestinienne n’a jamais représenté une menace militaire pour Israël, elle a toujours été décrite comme une menace existentielle pour l’état.

Moshe Dayan, le fameux général borgne, a décrit cela dans un discours prononcé en avril 1956. Il parlait dans le kibboutz Nahal Oz, une colonie israélienne sur la frontière de la bande de Gaza où les chars israéliens prennent position chaque fois qu’il y a une incursion terrestre dans Gaza.

« Derrière la bande de terre de cette frontière, il y a une mer de haine et de vengeance », leur a dit Dayan. Ironiquement, six mois plus tard, quand Israël eut occupé Gaza et que mon père fut nommé son gouverneur militaire, il dit ne voir « ni haine ni désir de vengeance, mais un peuple avide de vivre et de travailler ensemble pour un avenir meilleur ».

Aujourd’hui encore, les commandants et politiciens israéliens disent toujours la même chose : Israël est destiné à vivre par l’épée et il doit frapper Gaza chaque fois que possible. Peu importe si les Palestiniens n’ont jamais posé un défi militaire, et encore moins une menace pour Israël. Après tout, les Palestiniens n’ont jamais possédé le moindre tank, ni de navire de guerre ni de jet de combat, voire pas même une armée régulière.

Alors, pourquoi cette peur ? Pourquoi cette campagne permanente, depuis déjà six décennies, contre Gaza ? Parce que les Palestiniens, plus que partout ailleurs, sont une menace pour la légitimité d’Israël.

Israël est une création illégitime forgée par une union entre le racisme et le colonialisme. Les réfugiés qui constituent la majorité de la population de la bande de Gaza nous le remettent sans cesse en mémoire.

Ils sont le rappel du crime de nettoyage ethnique sur lequel Israël a été établi. La pauvreté, le manque de ressources et le manque de liberté contrastent fortement avec l’abondance, la liberté et la puissance qui existent en Israël et qui appartiennent légitimement aux Palestiniens.

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Après les bombardements israéliens des Gazaouis récupèrent leurs affaires dans le quartier Khuza’a de Khan Younes, dans le sud de l’enclave, le 3 août 2014 - Photo : Basel Yazouri/ActiveStills

Une offre généreuse

De retour à l’aéroport Ben Gourion on m’a dit que si je coopère et implore le superviseur de l’équipe, les contrôles de sécurité iront plus vite. Quand j’ai décliné cette offre généreuse, ils m’ont dit « qu’ils n’aimaient pas mon attitude ».

Ils ont alors apposé sur mes bagages un autocollant avec le même code-barres que les Palestiniens et m’ont infligé le même traitement qu’eux reçoivent.

Au moment où j’écris ces mots, le nombre de Palestiniens tués par Israël à Gaza a dépassé les 2000.

L’appel de notre temps, c’est de mettre fin à ce régime intolérable, brutal et raciste qui a été créé par les sionistes en Palestine.

Critiquer la résistance palestinienne est impensable. Israël doit être soumis au boycott, au désinvestissement et aux sanctions. Les diplomates israéliens doivent être renvoyés chez eux avec la honte. Les dirigeants israéliens et les commandants israéliens voyageant à l’étranger doivent craindre d’être poursuivis en justice.

Et ces mesures sont à combiner avec la désobéissance, la non-coopération et la résistance sans compromis. Ceci et rien d’autre montrera aux mères, aux pères et aux enfants de Gaza que le monde se soucie d’eux et que le cri « plus jamais ça ! » vaut plus qu’une promesse vide.

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* Miko Peled est un écrivain israélien militant pour la paix, habitant San Diego. Son livre, Le fils du Général, évoque son père, le défunt général et militant pour la paix Matti Peled, et son implication dans le processus de paix israélo-palestinien.
Son blog : http://mikopeled.com/

Du même auteur :

- Mes dernières paroles sur Sharon
- Le sionisme libéral est vicié
- Excusez-moi, mais je suis juif
- Transformer Israël
- Une fissure dans le mur
- Bil’in et la prochaine Intifada
- Il est temps d’aller voir Gaza

19 août 2014 -The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/conte...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM


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