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Israël commet un massacre dans un camp de concentration

dimanche 10 août 2014 - 07h:26

Ayah Bashir

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“Pourquoi n’évoque-t-on jamais la nécessité de protéger la population ni celle d’appliquer le droit international ou les Résolutions de l’ONU quand il s’agit des Palestiniens ?”

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Israël pilonne dans une lâcheté insigne une population complètement prise au piège. Le niveau de destruction atteint dans Gaza est hallucinant, et si le blocus est maintenu, toute reconstruction digne de ce nom sera impossible

Avant l’attaque actuelle d’Israël contre Gaza, un membre de la Knesset israélienne, Ayelet Shaked, du parti du Foyer Juif, a appelé au génocide et à la punition collective des Palestiniens de Gaza. "Ils doivent partir, et les maisons dans lesquelles ils élèvent des serpents doivent disparaître, autrement ils vont y élever encore plus de petits serpents," a-t-elle déclaré. Malheureusement, ce genre de discours n’est pas l’apanage d’une petite minorité de politiciens racistes d’extrême-droite comme Ayelet Shaked, Miri Regev, Mordechai Kedar, Moshe Feiglin...etc. Au contraire, il est le révélateur d’un état d’esprit général : la majorité de la population israélienne (faucons comme colombes) pense que nous, un peuple pourtant composé principalement d’enfants, nous sommes des serpents.

Cette stratégie (génocide et punition collective) n’est pas nouvelle. Ils n’ont pas commencé à l’appliquer le mois dernier. Notre histoire est une histoire de massacres sans fin, de nettoyage ethnique systématique, de 47 ans d’occupation militaire, d’apartheid et de déplacement forcés depuis 1948, et on n’en voit pas la fin. Ça n’a rien à voir avec les roquettes du Hamas, “les boucliers humains,” ni les tunnels. Le cœur du problème, c’est la détermination d’Israël de contrôler nos vies, notre terre et nos frontières. Et de tuer le plus grand nombre possible d’entre nous. Mais le massacre, génocide, holocauste - appelez-le comme vous voulez - de 2014 de Gaza est le plus féroce de tous ceux dont j’ai été témoin.

Tout le monde est choqué de voir l’armée israélienne cibler délibérément et assassiner sauvagement des civils, massacrer les habitants de quartiers entiers comme à al-Shejaya, Khuza’a, Rafah, et réduire les maisons en cendres. Au moins 1875 Palestiniens ont été tués dont plus de 450 enfants, à ce jour. Plus de 9567 autres ont été blessés. Le nombre des victimes augmente, beaucoup de blessés sont dans un état critique, et chaque jour on sort des quantités de corps des décombres.

Selon les Observateurs pour les Droits Humains d’Euro-Mid, un enfant ou une femme a été tué toutes les heures depuis le début de l’agression. Plus de 70 000 enfants ont été forcés de fuir leurs maisons totalement ou partiellement détruites, ce qui a poussé l’ONG Save the Children a dire que l’attaque en cours était une "guerre contre les enfants".

Échapper aux bombes est plus facile que de marcher sur les ruines de sa maison :

Mais les chiffres et les statistiques ne disent rien de l’étendue de la dévastation qui règne ici. Je suis allée aujourd’hui à Khan Younis (Abssan et Khuza’a) et à Rafah. Comme il est impossible de décrire avec des mots ce que j’ai ressenti devant ce cataclysme, je vais simplement vous raconter des choses que j’ai vues et entendues. J’ai réalisé que la réalité n’avait rien à voir avec les photos. J’ai réalisé qu’échapper aux bombes est plus facile que de marcher sur les ruines de sa maison.

Des enfants essaient de retrouver des vêtements et des livres dans les débris. Il est difficile, voire impossible de retrouver quoi que ce soit, même sa maison. Y a-t-il eu un tremblement de terre ? Des immeubles de plusieurs étages sont entièrement rasés. Tout est réduit en tout petits morceaux. Les enfants transportent des jerricans d’eau. A la place des maisons, il y a des trous de plus de cinq mètres de haut - on dit trois mètres aux informations, mais ce n’est pas ce que j’ai vu. Un homme dort sur des gravats, c’est tout ce qui reste de sa maison.

Un groupe de femmes parle à des représentants d’ONG internationales du drame qu’elles vivent et racontent comment elles ont été forcées de se réfugier avec leur famille dans les écoles. Des quantités de maison sont entièrement brûlées - tout est complètement noir, intérieur comme extérieur. Des écoles, des mosquées, des hôpitaux on été bombardés par l’artillerie. Dans les champs, les oliviers ont été déracinés et les légumes sont morts faute d’arrosage. On voit bien qu’une telle dévastation ne peut être que le fait de criminels.

On a du mal à concevoir une telle (in)humanité même chez des soldats. Ils ont dû oublier leur humanité quelque part avant d’arriver à Gaza. Ils ont fait des descentes dans la plupart des maisons de Khuza’a, et y ont détruit même les choses les plus personnelles. Après avoir tout saccagé à l’intérieur, au lieu de sortir par la porte, ils ont fait des trous dans les murs pour passer dans la maison voisine. On voit les marques des mains et des crosses de fusil sur le papier arraché des murs, les ordinateurs cassés, etc. Il s’agit d’un saccage délibéré et systématique.

Um Ahmad a le cancer. On l’a transportée chez son père après le bombardement de sa maison. Elle nous dit qu’elle n’arrive pas à obtenir un permis israélien pour aller dans un hôpital de Cisjordanie et qu’elle a perdu non seulement sa maison mais le traitement dont elle ne peut se passer. Wafaa, une veuve à charge de famille, qui s’était réfugiée dans une école est venue voir sa maison détruite et sa machine à coudre saccagée. "Je voulais juste dire au revoir à ma maison avant qu’ils n’enlèvent les ruines. Je venais juste de finir de payer ma machine à coudre et maintenant je n’ai plus de travail," m’a-t-elle confié.

Les installations d’eau et d’électricité sont en ruine :

Le monde parle de "trêve humanitaire" et de respect du cessez-le-feu mais à Gaza on est toujours dans le noir. J’écris ces lignes pendant que Tariq, mon frère de 10 ans et Hanan, ma sœur de 16 ans scrutent du balcon le ciel noir. C’est à qui repérera les drones le premier. "Non, ce n’est pas un drone, c’est une étoile," dit Hanan. "Regarde celui-là ! Il a une lumière orange qui clignote," s’exclame Tariq.

Il faut dire que les incessants bombardements israéliens ont fini par avoir raison, le 29 juillet, de la seule usine électrique de Gaza qui fonctionnait déjà sporadiquement par manque de carburant. Le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (UNOCHA) estime que Gaza reçoit habituellement environ 64 MW d’Égypte et d’Israël, ce qui représente moins de 18 % des besoins. J’ai un générateur que je peux -au prix de grandes difficultés - faire marcher pendant une heure par jour, mais cela me stresse au dernier degré car je sais jamais à quoi donner la priorité !

L’eau aussi manque et selon la compagnie municipale des eaux de Gaza (CMWU) et l’autorité palestinienne de l’eau (PWA) Gaza est au bord d’une crise sanitaire. Plus de 80 % des puits de Gaza sont inutilisables et 1,2 million de gens n’ont ni eau courante ni installations sanitaires. L’usine de désalinisation de Deir al-Balah, où j’habite, ne fonctionne plus depuis qu’elle a été bombardée et le plus grand des anciens réservoirs d’eau qui date des années 1960 a été ciblé et détruit, ce qui a encore diminué la quantité d’eau potable disponible.

Nous refusons de vivre comme des esclaves dans un ghetto :

Mais cette (ir)réalité surréaliste, le monde officiel choisit de ne pas la voir et de continuer à ignorer le droit international. A une conférence de presse donnée conjointement par l’ONU et Israël, Netanyahou a rejeté le cessez-le-feu et le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a soutenu Israël en disant, “Aucun pays n’accepterait qu’une pluie de roquettes tombe sur son territoire. Tous les pays ont le devoir de protéger leurs citoyens." Mais quel peuple accepterait de vivre sous une occupation brutale, d’être opprimé et discriminé à cause de sa race et d’être victime d’un nettoyage ethnique rampant depuis plus de 66 ans ? Et pourquoi n’évoque-t-on jamais la nécessité de protéger la population ni celle d’appliquer le droit international ou les Résolutions de l’ONU quand il s’agit des Palestiniens ?”

Quand ils mentionnent ce coin de terre, les officiels soit évitent de parler du fond du problème, soit soutiennent l’injustice.

Cependant, nous assistons à une hausse constante de la solidarité et du soutien des peuples du monde entier pour Gaza et la Palestine - certainement plus authentique que les "efforts" officiels pour parvenir à un "cessez-le-feu" et que les déclarations vides ou carrément insultantes des porte-parole internationaux. On le voit bien dans le fait que l’intensité de la campagne BDS augmente à chaque nouvelle agression et les attaques de 2009, 2012 et 2014 de Gaza représentent des étapes décisives du développement du mouvement boycott, désinvestissement et sanctions.

Au moment où nous commémorons le cruel bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki, il y a 70 ans, nous vous supplions de sortir de votre silence et de faire cesser cette nouvelle agression barbare contre Gaza. En mémoire de tous ceux qu’Israël a assassinés, et si vous vous souciez vraiment de nous, de nos enfants et de notre avenir, décrétez immédiatement un embargo sur les armes, rejoignez le mouvement BDS et répondez à l’appel de Gaza en sortant tous dans la rue le samedi 9 août pour exiger des sanctions contre Israël.

Nous refusons de vivre en esclaves dans un ghetto. Nous refusons de mourir en silence. Vous aussi, vous pouvez décider de ne pas vous taire et de vous associer au Jour de Colère de Gaza. Puissions-nous toujours nous souvenir et agir en conséquence.

* Ayah Bashir est titulaire d’une maîtrise en politique internationale de la London School of Economics and Political Science (LSE). Elle est également diplômée en langue et littérature anglaise. Elle est membre du comité d’organisation basé à Gaza, pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS) contre Israël.

8 août 2014 - Middle East eye - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeasteye.net/column...
Traduction : Info-Palestine.eu - Dominique Muselet


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