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À Shajaiya, les civils en fuite sont également des cibles

jeudi 24 juillet 2014 - 07h:42

Asmaa al-Ghoul

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Une trêve de deux heures était déclarée pour évacuer les morts et blessés du quartier Shajaiya. Elle a été prévue entre 13 heures 30 et 15 heures 30 du dimanche 20 juillet, suite à une nuit de bombardement lourd pas les chars israéliens.

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Funérailles d’une famille de sept personnes massacrées à Shajaiya par les Israéliens - Photo : Tyler Hicks

Les forces d’occupation israeliennes ont continué à attaquer le quartier, faisant grimper le nombre de victimes, au moment de ce récit, à 72 tués et 400 blessés, selon le ministre de la Santé. La recherche des survivants se poursuit.

Moins d’une heure s’est écoulée avant que la trêve n’ait été brisée et que l’on entende à nouveau les tirs d’artillerie de l’armée israélienne. Il semble que les Israéliens ne se préoccupent guère de la trêve, pas plus que du bain de sang qu’ils provoquent à Gaza.

Nous avons réussi à accéder au quartier avec des journalistes et ambulances pendant le cessez de feu. Les équipes de secours ont pu retirer des corps d’en dessous les maisons détruites. Ces gens, portant toujours des sacs contenant leurs maigres avoirs, avaient essayé de se cacher avant que les obus ne prennent leurs vies.

Dans la rue Beltagy à Shajaiya, les maisons étaient vides et la plupart bombardées brulées. On a vu un militant de la Résistance habillé en noir et venu des premières lignes de combat.

Les gens toujours en vie quittaient leurs maisons, pendant que d’autres retournaient chez eux pendant le cessez-le-feu pour tenter de récupérer des choses.

Un père à la recherche de son enfant disparu, dit à Al-Monitor : « Je n’ai pas trouvé mon enfant dans les endroits où les habitants de Shajaiya se sont réfugiés. Il n y a pas d’hôpitaux ici – je pense qu’il est par là. »

On l’a aidé à déplacer un arbre détruit par un obus, pour chercher son fils. Nous n’avons trouvé que des fils électriques de partout. 

Mohammed Rabih, sortant de l’endroit calciné, dit à Al-Monitor : « Ils ont bombardé au hasard toute la nuit. Certains des habitants du quartier ont pu se sauver tandis que d’autres étaient coincés par le bombardement. »

On a essayé de marcher plus loin à l’intérieur du quartier. Des véhicules de pompiers essayaient d’éteindre un feu pendant que les ambulanciers cherchaient des personnes blessés ou mortes. Nous avons vu l’ambulance dans laquelle le journaliste Khaled Hamad et l’ambulancier Fouad Jaber ont étaient tués. Le véhicule a été détruit par un obus.

Nous continuons un peu plus loin avant d’arriver devant une maison fumante. A ce moment le cessez le feu était suspendu et on entendait à nouveau les explosions des obus israéliens. Quelques secondes plus tard ces explosions se sont rapprochées. Nous avons essayé de nous cacher au coin d’une maison avant de courir vers la voiture. Le journaliste d’Al-Jazeera, Wael Dahdouh, restait sur place en train de diffuser en direct.

Une fois dans la voiture nous avons rapidement quitté le quartier. En route nous avons vu les gens y retournant pour voir leurs maisons. Amar al-Zaeem, habillé en tenue de prière, nous a dit : « On est retourné chez nous pour récupérer nos vêtements. Nous n’avons pas pu entrer dans le quartier et par chance on a échappé aux bombardements. »

Les informations sur le massacre de Shajaiya ont commencé à être diffusées par certains des habitants tôt le matin, quand les hôpitaux étaient remplis de personnes blessées. Dans le département d’urgence de l’hôpital Al-Shifa un jeune de 15 ans, Mohammed Rahmed, perdait du sang de son visage. Il tient la main sur son visage pour empêcher le sang de couler. Son cousin, Amjad al-Yaziji, également 15 ans, tient la main sur son œil. L’infirmière appliquait un pansement sur la figure de Rahmeh pour essayer d’arrêter l’hémorragie.

« Il souffre de blessures à cause des éclats d’obus. J’ai peur qu’il y ait eu rupture d’une artère » dit l’infirmière.

Un autre infirmière prends Yaziji pour couvrir ses yeux avec un pansement, mais il est revenu pour être avec son cousin. Yaziji n’était pas en état de parler à Al-Monitor, mais son frère de 24 ans, Mohamed al-Yaziji, nous dit : « Mohammed s’est réfugié avec sa famille dans notre maison. On était assis dans la maison quand un char nous a tiré dessus et ils ont été blessés tous les deux. »

Sur un autre lit, Iman al-Atwitiens serrait dans ses bras sa nièce de 3 ans, Nawal, qui pleurait des blessures d’éclats d’obus et criait le nom de « Tala ».

Atwi a expliqué à Al-Monitor : « Tala est la sœur de Nawal. Sa tête était par terre, elle a été décapitée dans un bombardement. Nous n’avons pas quitté la maison toute la nuit, alors que les bombardements continuaient. On ne savait pas où aller. Mais quand les obus tombaient autour de la maison, le murs ont commencer à tomber sur nous. Avec ma famille nous avons pris la voiture pour nous réfugier chez des voisins. Mes cinq nièces Tala, Assil, Nawal, Kinda et Diana étaient blessées et je savais que Tala était morte. »

L’hôpital d’Al Shifa était devenu un abri – des milliers de civils du quartier de Shajaiya ont préféré rester dans l’hôpital ou dans ses environs au lieu de retourner vers la mort.
La famille Misbah est assise devant l’hôpital. La mère, Abla, entourée de ses enfants et petits-enfants, a dit : « Nous habitons sur la frontière entre Shajaiya et le point de passage de Karni. On a reçu des menaces de l’armée israélienne il y a plus d’une semaine et aucun de nous n’a voulu quitter sa maison. Mais les bombardement sont devenus plus intenses hier soir et on est parti pour Shajaiya, où les bombardements l’étaient autant. Donc nous avons fui à nouveau. »

Elle nous montre les pieds noircis de son petit fils de 3 ans, et nous dit : « Il est venu ici à pied. On a marché parmi les destructions et sous les bombardement pour rester en vie. » 

L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche Orient (UNRWA) a diffusé sur twitter le fait d’un nombre de 85000 personnes à la recherche d’assistance dans 67 centres d’abris UNRWA.

Devant la porte du département d’urgence, où la famille Misbah avait construit leur résidence temporaire, était garée un ambulance. Trois ambulanciers sortaient du véhicule, un d’eux, Ahmed Sabah, précisant à Al-Monitor : « On vient d’enterrer un autre ambulancier. Il etait dans un ambulance avec un journaliste près d’une maison à Shajaiya. L’administration de l’hôpital a décidé de rendre les corps aux proches au lieu de les garder dans la maison. Il n y a plus de place pour tous les corps. »

Nabil Saker, volontaire et collègue de Sabah, ajoute : « Depuis la nuit dernière (le 19 juillet) nous essayons de trouvé les blessés, mais c’est une tâche difficile. Nous étions informés hier soir par les institutions internationales qu’Israel avait déclaré l’endroit zone militaire. La grande partie des personnes transportées de Shajaiya ces dernières heures étaient mortes ou sévèrement blessées – la plupart des blessures sont à tête et au torse. »

Selon le ministre de la Santé, arrivé le soir du 20 juillet, le taux de morts est monté ce jour-là à 97 dans la bande de Gaza. Certaines personnes sont arrivées à la morgue de l’hôpital pour chercher leur proches.

Il n y avait pas assez de place dans le morgue pour tous les corps, alignés par terre est couverts par des draps. Le directeur du département de médecine légale, Ihab Khail, dit à Al-Monitor : « Certains des morts, dont des femmes, n’ont pas été identifiés. Ils ont été transportés jusqu’ici dans des ambulances pendant la trêve. »

Un homme très âgé, Saeed al-Qunfud, était à la recherche d’un membre de sa famille nommé Marwan al-Qunfud. Il dit à Khail : « Je ne me souviens pas de ce qu’il portait mais sa jambe était coupée ». Khail répondit : « C’est le corps d’un jeune homme. Sa jambe est coupée mais il est aussi décapité. Comment vas-tu le reconnaitre ? »

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* Asma al-Ghoul est journaliste et écrivain, du camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

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21 juillet 2014 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Nadim


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