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En matière de vengeance, les Israéliens sont champions

vendredi 11 juillet 2014 - 05h:00

Jonathan Cook

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Une culture de la Haine ?

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Maisons palestiniennes démolies par des soldats israéliens en 2010 - Photo : EPA/Abed Al Hashlamoun

Etat de choc et colère ont submergé les sociétés israélienne et palestinienne la semaine dernière en apprenant l’assassinat barbare d’enfants de leurs communautés. Quelques heures après la découverte des corps des trois adolescents israéliens, longtemps après leur enlèvement, un jeune Palestinien, Mohammed Abu Khdeir, était enlevé, battu et brûlé vif apparemment en guise de vengeance. 

Ces événements glaçants devraient servir de leçon sur l’obscène inanité de la vengeance. Comme le faisait remarquer un parent de l’un des enfants assassinés : « Il n’y a pas de différence entre le sang et le sang ».

Hélas, ce n’est pas ce message-là que la couverture des événements a véhiculé la semaine passée. Ce même jour dans les médias sociaux, une juxtaposition d’images du New York Times montrait combien il est aisé d’oublier non seulement que notre sang est le même, mais que le chagrin l’est tout autant.

Un gros titre sur le « chagrin » des Israéliens était illustré de manière émouvante par les familles des trois jeunes Israéliens blotties les unes contre les autres, submergées par leur perte. Par contre, un compte-rendu de l’assassinat d’Abu Khdeir, âgé de 16 ans, était accompagné d’une image de jeunes masqués lançant des pierres.

Ces illustrations contrastées du deuil ont semé la confusion.

Il est vrai que des jeunes Palestiniens ont protesté violemment à Jérusalem et dans des communautés en Israël depuis l’inhumation d’Abu Khdeir. Mais des groupes d’Israéliens juifs en ont fait tout autant. Ils ont mis à sac des quartiers de Jérusalem et d’Israël en scandant « Mort aux arabes » et en s’attaquant à tout qui pouvait « avoir l’air » palestinien.

Cela n’a pas empêché Abraham Foxman, chef de la Ligue Anti-Diffamation, une organisation juive aux Etats-Unis qui prétend lutter contre l’intolérance, de colporter un message de division. Dans le Huffington Post il a évoqué une « culture palestinienne de la haine ».

Selon M. Foxman, les sociétés palestinienne et israélienne sont fondamentalement différentes. Le mécontentement palestinien est « avivé et incité à la haine par un soutien très répandu et sans retenue à la violence contre les juifs et Israël ».

Il se faisait l’écho d’un sentiment commun en Israël, exprimé par une phrase fameuse à la fin des années ’60 prononcée par le Premier Ministre de l’époque, Golda Meir. Elle suggérait que plutôt que de pardonner à l’ennemi arabe de tuer les fils d’Israël, il serait plus fort de « leur pardonner de nous avoir forcé à tuer leurs fils ».

Dans la même veine d’auto-satisfaction, beaucoup d’Israéliens reprochent aux parents palestiniens de mettre en danger leurs enfants en leur permettant de lancer des pierres sur les forces de sécurité israéliennes. Cela implique que les Palestiniens – résultat de leur culture ou de leur religion – accordent moins de valeur à la vie que les Israéliens.

Curieusement les Israéliens mettent rarement en question ce qu’implique la décision prise par 1 Israélien sur 10 de vivre dans des colonies illégales sur des terres palestiniennes volées. Les colons ont choisi de se mettre et de mettre leurs enfants eux aussi sur la ligne de front, alors même qu’ils ont infiniment plus de choix que les Palestiniens quant à leur lieu de vie.

En fait, ni les Israéliens ni les Palestiniens ne peuvent prétendre être au-dessus d’une culture de la haine. Aussi longtemps que l’occupation conquérante d’Israël se poursuit, leur vie commune sur une étroite bande de terre du Moyen-Orient continuera d’être fondée sur des poussées de confrontations violentes.

Mais cela ne veut pas dire que culpabilité palestinienne et israélienne soient égales. La réalité c’est que les Israéliens, contrairement aux Palestiniens, ont un Etat souverain qui les représente et les protège avec une armée forte.

La semaine dernière, l’armée israélienne annonçait qu’elle avait arrêté plusieurs soldats qui mettaient en ligne des photos d’eux-mêmes jurant de se venger des « arabes » - alimentant une partie des flots d’appels à la vengeance sur les médias sociaux hébreux. Ces arrestations collaient bien avec l’image d’Israël comme pays qui applique la règle du droit, mais elles recelaient aussi des vérités plus profondes.

La première, c’est que la soif israélienne de représailles n’est que l’écho de leurs politiciens et de leurs hiérarques, dont les appels à la vengeance surpassent la démagogie menaçante du Hamas qui s’était félicité du rapt des adolescents israéliens.

Le Premier Ministre Benjamin Netanyahu avait ouvert le bal, citant un vers fameux de la poésie hébreue : « Le diable lui-même n’a pas imaginé la vengeance de la mort d’un petit enfant ! ». Son Ministre de l’Economie, Naftali Bennett, incitait les Israéliens à « devenir fous furieux », tandis qu’un ancien parlementaire faisait le vœu qu’Israël fasse du Ramadan un « mois de ténèbres ». Un rabbin influent et supposé modéré a dit espérer « une armée de vengeurs ».

La semaine passée, des Israéliens de gauche ralliaient Tel Aviv pour punir le gouvernement Netanyahou de ses « incitations à la violence ». Mais même cela est une sous-estimation du problème.

Les menaces des dirigeants israéliens ne font pas que simplement attiser le ressentiment de la rue. Les gros bras de l’appareil sécuritaire israélien obéissent eux aussi à leurs ordres. Une illustration graphique en a été données par une vidéo de la police armée à Jérusalem passant à tabac, sans répit, à coups de poings et de pieds, un enfant – un Américain de 15 ans parent d’Abu Khdeir – allongé menotté et impuissant sur le sol.

Le cabinet prépare une vengeance plus subtile. Il prévoit de construire de nouvelles colonies - violence envers la vie des Palestiniens sur les petites bandes de territoire qui leur sont laissées – spécialement en l’honneur des trois ados. Les colons ont déjà installé un nouveau campement en Cisjordanie, gardé par l’armée.

Entre-temps l’armée a lancé une série de bombardements sur Gaza, culminant dans une nouvelle opération à large échelle baptisée Bordure Protectrice. Elle a aussi ranimé une politique de destruction de maisons de parents de Palestiniens soupçonnés de terrorisme. Soutenus par les tribunaux, les soldats ont fait exploser les maisons familiales de deux hommes accusés d’être derrière l’enlèvement des adolescents.

Comme met en garde Human Rights Watch, les actions récentes d’Israël – arrestations de masse, raids armés, meurtres de Palestiniens, notamment de mineurs, bouclages de villes, démolitions de maisons et frappes aériennes font partie du « châtiment collectif », un euphémisme pour ce que le droit international qualifie de vengeance à l’encontre des Palestiniens.

Devant la violence inextinguible de l’occupation israélienne et le permis d’humilier et d’opprimer qu’elle confère aux soldats, les Palestiniens ordinaires ont un choix difficile : se soumettre ou résister.

Les Israéliens ordinaires, par contre, n’ont pas à chercher vengeance pour leur propre compte. L’État israélien, les militaires et les tribunaux s’en chargent à leur place tous les jours.

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* Jonathan Cook a reçu le Prix Spécial de journalisme Martha Gellhorn. Ses derniers livres sont Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the to Remake the Middle East (Pluto Press) et Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair (Zed Books). Voici l’adresse de son site : http://www.jkcook.net.

Du même auteur :

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8 juillet 2014 - The National – Vous pouvez consulter cet article à
http://www.thenational.ae/opinion/c...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM


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