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Les malades atteints du SIDA dans la bande de Gaza, face à l’isolement et l’humiliation

mardi 20 mai 2014 - 08h:59

Asmaa al-Ghoul

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Umm Hamdan a semblé hésitante quand je lui ai tendu la main : « Les gens qui connaissent mon état ​​ me serrent rarement la main. »

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"Là où il y a une volonté il y a un chemin" - Oeuvre de l’artiste Damien Hirst - Photo : Reuters/Chip East

Elle ressent la même chose à propos de la préparation du café dans sa modeste maison. « Je fais rarement quelque chose qui exige l’utilisation de mes mains, comme la cuisine, mais j’embrasse mes enfants et petits-enfants », dit-elle.

Avec ces quelques phrases, Umm Hamdan (un pseudonyme) a résumé l’état ​​d’isolement dans lequel elle vit et le secret qu’elle cache depuis 16 ans. Elle est simplement l’un des 11 patients soignés pour le SIDA dans la bande de Gaza. C’est son mari qui lui a transmis la maladie, lui-même a été contaminé alors qu’il travaillait en Israël. « J’ai découvert ce que j’avais en 1997, après que je me sois trouvée enceinte de ma fille et que je l’ai allaitée. Mais elle a subi des tests et je sais qu’elle est indemne », dit-elle.

« Au début, quand j’ai appris que j’étais infectée par le virus, je me suis effondrée et j’ai pleuré. Mon mari aussi. Nous avions peur pour nos autres enfants, mais le test a permis de savoir qu’ils allaient très bien. Mon mari est mort environ un an plus tard, » se souvient Umm Hamdan.

Umm Hamdan a ajouté qu’elle n’avait jamais pris de médicament pour traiter sa maladie jusqu’à il y a trois ans. Elle ne pouvait pas en demander à la pharmacie, et il ne lui a rien été délivré jusqu’à ce que soit mis en place un programme de soins pour les malades du SIDA en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

« Peu de membres de la famille de mon mari connaissent ma maladie. Parfois, je leur pardonne d’avoir peur. Je n’ai pas beaucoup de contacts avec eux. Je suis traitée de façon injuste, mais je ressens surtout ma maladie comme une source d’humiliation et de pitié », dit-elle.

Elle a rappelé la situation la plus pénible qu’elle ait jamais subie. « Je suis allée une fois à la pharmacie dans une clinique gouvernementale pour obtenir des médicaments. Il y avait un pharmacien qui avait l’air dégoûté et qui a dit devant tout le monde que j’étais infectée par le SIDA. Alors j’ai dû crier que je n’étais pas malade du SIDA », a-t-elle ajouté.

Demande en mariage

Salem (un pseudonyme) a été contaminé par le VIH alors qu’il était dans le Golfe. À son retour à Gaza il y a quatre ans, il est tombé amoureux d’une fille. Le sentiment était réciproque, mais elle ignorait sa maladie.

Contrairement à Umm Hamdan, Salem ne pouvait pas garder le secret pour lui-même car l’un de ses proches avait révélé à sa famille et aux personnes de son entourage qu’il était malade .

Au téléphone Salem a déclaré à Al -Monitor, « Personne n’a eu pitié de moi. Je me sens comme un paria, mais malgré cela, je veux faire ma vie. »

« J’ai tout dit à la fille que j’aime au sujet de ma maladie. Elle a accepté le fait et a rencontré les médecins qui supervisent mon état. Sa mère est aussi d’accord, et nous attendons que notre situation financière s’améliore pour nous lier », a-t-il dit .

Majdi Dheir, le médecin traitant, responsable du Département de médecine préventive de Gaza, a déclaré : « La jeune fille est venue nous voir, et nous lui avons tout expliqué. Elle insiste sur son engagement à ses côtés. Nous avons rencontré sa mère, à qui cela ne pose pas de problème non plus, mais l’accord du tuteur est imposé par la charia ».

Il a précisé que le couple pourrait avoir des rapports sexuels protégés après le mariage, pour autant que les mesures préventives soient suivies avec constance afin de prévenir la transmission du virus.

« S’il prend le bon médicament, et que la concentration du virus dans le sang diminue, il sera possible pour sa femme d’être enceinte et d’avoir un enfant en bonne santé sans attraper le virus. Il y a aussi des traitements préventifs pour la mère et l’enfant, » a-t-il ajouté.

Les malades du SIDA ne sont pas dangereux

M. Dheir a déclaré à Al -Monitor que le premier cas de SIDA a été découvert dans la bande de Gaza en 1986. Une femme a contracté le virus par une transfusion sanguine lors d’un accouchement par césarienne.

« Nous offrons des services complets pour les malades du SIDA, comprenant les tests, les médicaments, les consultations et le traitement en cas de besoin, et nous respectons la vie privée des patients », a-t-il précisé , ajoutant que le ministère met en œuvre un protocole thérapeutique qui est conforme aux normes internationales.

Il a souligné qu’ils font notamment porter leurs efforts aux classes sociales qui peuvent être plus vulnérables à l’infection par le VIH, telles que les toxicomanes, les homosexuels et les personnes qui sont en contact avec d’autres patients.

« Malheureusement, les citoyens ordinaires ne font pas volontairement de dépistage du VIH, malgré les promesses de confidentialité du département d’épidémiologie. Cela signifie que le nombre réel de patients est probablement plus élevé. »

Le docteur Dheir explique qu’ils identifient souvent les patients lorsqu’ils sont expulsés du pays qui interdisent aux malades du SIDA d’y résider, ou lors de l’examen d’échantillons de dons de sang.

« Les malades du sida peuvent vivre avec le VIH comme avec une maladie chronique et sont toujours capables d’être actifs dans la communauté sans présenter de danger pour leur propre vie ou la vie des autres. Par exemple, il y a un médecin contaminé qui pratique encore dans la bande de Gaza », a déclaré M. Dheir. Il a souligné que ce médecin ne pratique aucun acte qui présente le risque de transmettre l’infection.

82 patients

Randa Abu Rabie, qui est à la tête du programme contre le VIH/SIDA mené par l’ Organisation Mondiale de la Santé dans les territoires palestiniens, est très populaire parmi les malades du SIDA en raison de sa cordialité et de l’attention qu’elle leur porte.

« Il s’agit d’un projet national financé par le Fonds des Nations Unies. En 2008, l’intérêt pour le SIDA a commencé à se manifester, après que des malades du SIDA, précédemment traités dans les hôpitaux israéliens soient morts pour la plupart d’entre eux dans la Bande parce qu’ils ne pouvaient pas sortir en raison du blocus ou des guerres. Désormais il existe un protocole national pour le traitement social, médical et psychologique des patients », a déclaré Me Abu Rabie.

Elle souligne que la scission entre la Cisjordanie et la bande de Gaza n’a pas affecté les résultats de ce programme. Elle fait remarquer que le nombre de malades est passé de 82 à 24 en Cisjordanie et 11 dans la bande de Gaza parce qu’un certain nombre d’entre eux sont décédés.

« Nous étions assez inquiets au début de l’application du programme dans la bande de Gaza,. Nous craignions d’amener les patients à participer aux réunions régulières. Mais il n’a pas fallu longtemps avant de vérifier leur esprit d’ouverture », a ajouté Abu Rabie.

Elle dit que les patients dans la bande sont pour la plupart des veuves qui ont été infectées par leur époux, et tous sauf une ont des enfants. Une des femmes a donné naissance à un enfant porteur du virus. Son fils a maintenant 27 ans. Une autre a une petite fille de 5 ans, atteinte du VIH.

« Je ne sympathise pas avec ces patients parce qu’ils sont séropositifs ou en raison de leur dénuement, mais plutôt parce que socialement ces femmes ont été démolies dix fois plus que les hommes. Malgré tout, le virus est bien associé à un comportement sexuel spécifique », a-t-elle ajouté.

Les dernières statistiques du Ministère de la Santé montrent qu’un cas de VIH a été détecté en Cisjordanie et un dans la bande de Gaza en 2013. Selon une étude menée conjointement par ce ministère, le Bureau Central Palestinien des Statistiques et le Fonds des Nations Unies pour la Population, le nombre cumulé de malades du VIH dans les territoires occupés depuis les années 1980 a atteint 66 en 2010.

Elle estime également qu’Israël est l’une des zones les plus à risque quant à la facilité de la transmission du virus vers les territoires palestiniens, en raison du contact quotidien entre Palestiniens et Israéliens, en particulier dans les zones frontalières.

Toujours selon cette étude, 75 % des personnes qui ont été interrogées pensent que la plupart des 61 000 Palestiniens qui travaillent en Israël ont des relations sexuelles avec des Israélien(ne)s, soit que souvent ils sont éloignés de leurs conjoint(e)s pour une longue période, soit parce qu’ils sont célibataires. En outre, certains travailleurs sont victimes d’abus sexuels.

Il n’y a pas de compte-rendu officiel sur les résultats des campagnes de sensibilisation pour des relations sexuelles protégées. Cependant, d’autres rapports médicaux, les cliniques et les hôpitaux publics ou privés qui ont des programmes liés au SIDA mentionnent la distribution gratuite de préservatifs en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, en particulier aux toxicomanes.

Abu Rabie souligne que depuis le début du programme il y a quatre ans, le travail est permanent. Dans le cadre de l’OMS, les employés sont motivés par la santé des patients, ajoutant : « La plupart des malades de Cisjordanie ont des diplômes universitaires et ont été infectés au cours de leurs études à l’étranger. Mais dans la bande de Gaza, ces patients sont en majorité des femmes et des jeunes ».

Elle fait observer la présence de médecins contaminés en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et qui sont toujours en exercice, mais sans pratiquer d’actes chirurgicaux. Elle souligne qu’il existe une clinique dentaire privée avec des équipements spéciaux pour les malades du SIDA en Cisjordanie, ajoutant qu’elle se rend à Gaza régulièrement et approvisionne les patients en paniers de denrées alimentaires.

Umm Hamdan, quant à elle, m’a rendu ma poignée de main et offert un adieu chaleureux, bien que son cœur soit pourtant empli de la souffrance que lui inflige sa maladie, gardée secrète à ses enfants depuis des années.

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* Asma al-Ghoul est journaliste et écrivain, du camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

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1e mai 2014 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ren...
Traduction : Info-Palestine.eu - Brigitte C.


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