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Emmurés de Palestine

jeudi 3 mai 2007 - 06h:35

Marina Da Silva

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Le 9 juillet 2004, la Cour internationale de justice (CLJ) de La Haye condamnait le mur qu’Israël construisait en Cisjordanie, soulignait son obligation de le démanteler et de dédommager les Palestiniens lésés...

Un enfer au quotidien

...La CIJ affirmait l’obligation de tous les Etats d’adopter des mesures efficaces afin d’amener Israël à respecter le droit international. Cet avis a été ratifié le 20 juillet 2004 par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU). Il n’a été suivi d’aucun effet.

Le mur, qui devait atteindre six cent soixante-dix kilomètres et permettre à Israël de contrôler, vallée du Jourdain comprise, la moitié de la Cisjordanie, a été conçu pour protéger les colonies et fait partie intégrante du plan de colonisation. En isolant totalement Jérusalem-Est et en scindant la Cisjordanie en trois zones distinctes (le nord, jusqu’au sud de Naplouse ; la région de Jérusalem ; le sud de la Cisjordanie), il rend impossible la création d’un Etat palestinien viable et indépendant et encore plus infernale la vie des Palestiniens, séparés de leurs familles, privés de travail, d’accès à leurs champs, aux hôpitaux, aux écoles... à tous les services vitaux et économiques.

Rédacteur en chef au Nouvel Observateur, René Backmann, dans Un mur en Palestine (1), dresse un rigoureux état des lieux des deux côtés du mur. C’est en 2001 que le gouvernement Sharon décidait de mettre à l’étude un projet de barrière infranchissable pour « empêcher l’infiltration des terroristes et interdire l’introduction clandestine d’armes et d’explosifs ». Mais l’idée d’une ligne de séparation entre les deux peuples n’est pas nouvelle et avait été formulée vingt-cinq avant la création de l’Etat d’Israël par Vladimir Zeev Jabotinsky, idéologue de la droite nationaliste.

La séparation a d’abord été expérimentée par l’armée israélienne autour de la bande de Gaza, et la construction du mur, en 2002, s’inscrit dans une continuité. Trois millions de Palestiniens se retrouvent ainsi coincés sur une surface qui ne représente plus que 12% de l’ancienne Palestine. Et ce que le gouvernement israélien appelle « assurer la sécurité » consiste à faire pénétrer le mur si loin dans les territoires occupés qu’il entraîne, selon un document des Nations unies de juillet 2004, l’annexion de 8% à 12% de l’étendue totale de la Cisjordanie.

Qu’est-ce que le mur exactement ? « Une haie composée de rouleaux de barbelés ?lames de rasoir’ empilés en pyramides sur 2 mètres, suivie d’un fossé anti-véhicule profond de 2,50 mètres et large de 3 à 5 mètres, puis d’une route de patrouille pour l’armée israélienne. De l’autre côté de la route, un grillage de 3 mètres de haut équipé de senseurs électroniques capables de détecter toute intrusion. Puis encore une piste de ?détection des intrusions’ large de 3 mètres le long de laquelle court une autre route de patrouille et parfois une seconde piste ?anti-incursions’. Le tout jalonné de tours blindées abritant des observateurs et des pylônes portant des caméras télécommandées et des radars. »

Quelque deux cent quarante mille Palestiniens, explique Backmann, se retrouvent ainsi pris en étau entre l’extérieur du mur et la frontière de 1967, dont vingt mille piégés dans des « zones fermées » où tout est soumis à l’obtention de sévères laissez-passer.

Sylvain Cypel, journaliste au Monde, avait déjà évoqué le mur dans un excellent ouvrage, qui vient d’être réédité en poche, Les Emmurés (2). L’analyse de celui-ci comme dispositif stratégique de la colonisation est corroborée par les Notes sur l’occupation d’Eric Hazan (3) à Naplouse, Kalqilyia, Hébron, qui montrent aussi que le mur sépare surtout les Palestiniens d’autres Palestiniens, disloquant les relations économiques, sociales et familiales, ruinant l’agriculture et le commerce, et multipliant la pauvreté. De ces témoignages recueillis dans la rue, dans des familles, auprès de responsables politiques, entre mai et juin 2006, « période considérée comme calme, où l’on ne tuait guère chaque semaine qu’une demi-douzaine de jeunes gens », l’auteur relève que tous semblent avoir fait leur deuil d’un Etat palestinien indépendant et ne veulent plus entendre parler de simulacre de paix.


1) - Un mur en Palestine, Fayard, Paris, 2006, 308 pages, 20 euros.

2) - Les Emmurés. La société israélienne dans l’impasse, La Découverte, coll. « Poche », Paris, 2006, 462 pages, 13,50 euros. Le livre a obtenu le prix Mahmoud-Hamchari.

3) - Notes sur l’occupation. Naplouse, Kalkilyia, Hébron, La Fabrique, Paris, 2006, 120 pages, 7 euros.

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Ici, le mur traverse le village de Baqa.
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La saignée qui coupe vergers et oliveraies pour la construction du mur, ici entre Jayyous et Falamya (au nord-est de Qalqilya).

Le Monde diplomatique - mai 2007 - n° 638 (photos par la publication)


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