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Israël insulte l’UE et les Etats-Unis, qui en redemandent...

dimanche 26 janvier 2014 - 07h:41

Ramzy Baroud

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Comment un pays de la taille d’Israël peut-il avoir une telle emprise sur les plus grandes puissances mondiales, en extorquant tout ce qu’il veut si ce n’est plus, tout en les insultant régulièrement pour ensuite avancer de nouvelles exigences, interroge Ramzy Baroud ?

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Le degré zéro de la diplomatie ?... Ashton [à g.] avec Fabius, le petit télégraphiste de Tel Aviv au ministère français des affaires étrangères

Israël est en général considéré par les politiciens de Washington comme leur allié le plus « stable » dans le Moyen-Orient.

Mais la stabilité, du point de vue des États-Unis, peut signifier beaucoup de choses. La première est qu’un « allié » doit sans réserve obeïr aux diktats du gouvernement américain. Cette règle s’est imposée depuis que les États-Unis ont prétendu après la Deuxième guerre mondiale, à la domination si ce n’est à la complète hégémonique sur beaucoup de régions du monde. Israël, cependant, reste une exception.

Les règles qui régissent les relations américano-israéliennes sont sans doute les plus ahurissantes des relations pouvant exister entre deux pays dans le monde.

Le ministre israélien de la Défense, Moshe Ya’alon a déclaré à Ynetnews récemment : « Le plan américain de sécurité qui nous a été présenté ne vaut même pas le papier sur lequel il a été écrit. »
Il se référait aux efforts déployés depuis juillet par le Secrétaire d’Etat des Etats-Unis John Kerry, « qui se montre ici au-delà d’une obsession mal placée et dans une attente fervente du Messie. »

Kerry « n’a rien à m’apprendre sur le conflit avec les Palestiniens, » a indiqué Ya’alon. A ce jour, Kerry a déjà fait 10 allers-retours au Moyen-Orient dans l’objectif d’aboutir à un accord entre Israël et l’Autorité palestinienne (AP).

Il semble que le projet d’accord en question est rédigé d’une telle manière qu’il s’aligne en grande partie sur les caprices et les obsessions « sécuritaires » israéliennes, avec entre autres une proposition de maintenir sous contrôle militaire israélien les régions orientales de la Cisjordanie et la vallée du Jourdain.
En fait, il y a un intérêt grandissant pour l’idée d’un « échange de terres » avancée il y a déjà 10 ans par le bien connu ministre israélien des Affaires étrangères Avigor Lieberman.

« Quand Lieberman a proposé la première fois de déplacer dans un Etat palestinien les villes israéliennes majoritairement peuplées de citoyens arabes et situées près de la frontière, en échange de l’incorporation en Israël des grands blocs de colonies juives situées en Cisjordanie, il a été taxé d’incendiaire raciste, » écrivait The Economist le 18 janvier dernier. « Les libéraux l’accusaient de favoriser un plan ’de transfert par la force’, similaire à de la purification ethnique comme celle que défendait le rabbin Meir Kahane, lequel n’avait de cesse de vilipender les Arabes tout en réclamant un état purement juif. »

Ces jours sont loin. La société israélienne a totalement viré à droite.

« Même quelques israéliens dits ’de gauche’ trouvent de telles idées raisonnables. »

À l’époque, les États-Unis eux-mêmes étaient gênés aux entournures toutes les fois que ce genre d’idées de « transferts de population » et de purification ethnique étaient mises en avant par l’extrême-droite israélienne.

Aujourd’hui c’est Kerry lui-même qui est à l’initiative de des efforts américains pour se conformer à la liste sans fin des exigences israéliennes de sécurité et d’exclusion raciste, même si c’est aux dépends des Palestiniens.

Aussi, de quoi Ya’alon se plaint-il ?

Le ministre de la Défense qui était assis immédiatement à côté du Premier ministre Benjamin Netanyahu pendant les entretiens avec Kerry, défendait son raisonnement : « Notre présence permanente en Judée et Samarie et sur le fleuve Jourdain est hors de toute discussion. »

Cela signifie une occupation militaire israélienne à durée illimitée de la Cisjordanie et de Jérusalem-est. Netanyahu est un spectateur guère innocent, et c’est pour des raisons diplomatiques qu’il confie souvent à ses subordonnés du gouvernement la mission d’envoyer ce genre de messages.

Le premier ministre est très occupé à publier de plus en plus d’instructions pour remplir la Cisjordanie sous occupation de colonies juives, et à réprimander les gouvernements qui n’acceptent pas ce type de comportement insidieux en les traitant d’anti-israélien, ou de « pro-palestinien » ou, pire encore, d’antisémites.

C’était à nouveau le cas ces derniers jours après une autre annonce d’extension coloniale. Le 17 janvier dernier, Netanyahu a invité l’Europe à arrêter d’être « hypocrite. » Le même jour le ministère israélien des affaires étrangères convoqua les ambassadeurs de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Italie et de l’Espagne, accusant leurs pays respectifs d’adopter un biais pro-palestinien. Selon lui, « la position perpétuellement unilatérale » de ces pays est inacceptable.

Pourtant, lorsque l’on sait que l’Europe a soutenu l’occupation illégale des territoires palestiniens par Israël pendant des décennies, renforcé économiquement « l’État juif » et sa centaine de colonies - toutes illégales au regard du droit international - et fait bénéficier Israël d’un appui militaire inconditionnel, ces accusations peuvent sembler aussi étranges et déconcertantes que celles de Ya’alon à l’égard de Kerry.

Comment un pays de la taille d’Israël peut-il avoir une telle emprise sur les plus grandes puissances mondiales, en extorquant tout ce qu’il veut si ce n’est plus, tout en les insultant régulièrement pour ensuite avancer de nouvelles exigences ?

Les pays européens se sont retrouvés dans la ligne de mire des Israéliens parce qu’un jour plus tôt, les quatre pays mentionnés plus haut avaient pris la mesure inhabituelle de sermonner les ambassadeurs israéliens à la suite de l’annonce par le gouvernement Netanyahu d’une nouvelle extension coloniale, celle concernant les 1400 nouvelles unités habitation coloniales supplémentaires.

Catherine Ashton, représentante de la politique étrangère de l’UE, est allée jusqu’à qualifier les colonies juives « d’obstacle à la paix, » bien qu’il soit difficile de considérer cela comme une position bien courageuse si l’on se souvient que le projet colonial israélien dans les territoires palestiniens [occupés en 1967] est en marche depuis 46 années.

Mais même cela est inacceptable du point de vue israélien.

« L’UE convoque nos ambassadeurs en raison de la construction de quelques maisons ? » a interrogé Netanyahu lors d’une conférence de presse le 16 janvier, comme s’il était dérouté par une initiative apparemment sinistre.

Il eut même l’audace de dire : « Ce déséquilibre et cette polarisation contre Israël ne font pas avancer la paix » et : « Je pense qu’elle repousse la paix au loin parce qu’elle revient à dire aux Palestiniens : ’Fondamentalement, vous pouvez faire ce que vous voulez, dire toutes les choses que vous voulez... Vous ne serez jamais jugés responsables’. »

Il n’y aurait aucun sens à vouloir argumenter contre la logique tordue de Netanyahu, mais la question de la main-mise israélienne sur les États-Unis et l’UE demeure plus pressante que jamais, particulièrement quand on contemple la confusion qui règne en ce moment dans le Congrès américain.
Le Congrès ne se révolte pas en raison du pouvoir indiscutable du lobby sioniste, mais pour une raison bien plus intéressante.

Il semble y avoir un certain niveau de flottement car les membres du Sénat s’attendent à une sérieuse pression venant de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac) concernant une loi proposant plus de sanctions contre l’Iran.

« Le puissant lobby pro-Israël ne s’est pas engagé dans une campagne pour courtiser des sénateurs rétifs et pour pousser Harry Reid, le leader de la majorité au Sénat, afin qu’il programme un vote sur la loi. »

« Tandis que le groupe en question soutient la loi – signée par Sens. Mark Kirk and Robert Menendez – il ne vient pas jouer des muscles en poussant à un vote immédiat, » rapporte le journal Politico qui cite des sénateurs de premier rang et leurs assistants.

Pour ne pas dire plus, il est assez stupéfiant d’apprendre que le Sénat américain est déboussolé par le fait que l’Aipac, qui défend les intérêts d’une puissance étrangère, n’ait pas encore donné ses instructions aux représentants politiques américains censément les plus respectés.

« Je ne sais pas où en est l’Aipac. Je n’ai parlé à personne, » a déclaré Carl Levin, président de la commission des forces armées au Sénat.

« Je ne sais pas ce qu’ils font, » a dit de son côté John McCain.

Ce seul fait devrait jeter une certaine lumière sur la question apparemment ahurissante « du lien fort » et de l’alliance « stable » d’Israël avec les États-Unis et à un degré moindre avec l’UE.

Tout ceci n’est pas pour suggérer qu’Israël domine dans sa totalité la politique étrangère des États-Unis au Moyen-Orient, mais ignorer le rôle indéniable d’Israël dans l’élaboration de la politique étrangère américaine est malhonnête et en contradiction avec les faits.

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* Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest

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21 janvier 2014 - The Morning Star - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.morningstaronline.co.uk/... - Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach


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