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Al-Sissi ferait bien d’y penser : il est dangereux de vouloir gouverner l’Egypte

samedi 9 novembre 2013 - 07h:28

Robert Fisk

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Celui qui était le Président doit comparaître devant le tribunal dans un moment de forte tension, même selon les normes égyptiennes.

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Une des nombreuses manifestations de soutien au Président élu, Mohammed Morsi

Ce n’est pas tous les jours qu’on doit faire la queue pour avoir un billet pour le procès du premier président élu de l’Égypte. Mais il y avait M. Fouad assis dans le centre de presse du gouvernement hier - exactement là où je l’ai vu la première fois il y a 37 ans - qui heureusement nous à dit à nous tous de revenir après cinq heures, comme s’il arrangeait une ballade sur ​​le Nil à l’extérieur de son bureau, plutôt que de fournir des sièges au premier rang pour le procès de l’ancien président Mohamed Morsi. Personne ne nous avait même dit où il devait faire son apparition comme vedette aujourd’hui, ni s’il allait se présenter en personne.

M. Morsi se voit infliger un procès, ainsi que 14 de ses compagnons, membres des Frères musulmans, pour avoir incité le peuple « à commettre des crimes délibérés et prémédités » et « à faire usage de la violence, la brutalité, la coercition, à posséder des armes à feu, des munitions ... et à arrêter illégalement et torturer des manifestants pacifiques ».

Ces accusations délirantes se réfèrent à la violence devant le palais présidentiel en décembre lorsque cinq civils ont été tués - mais elles pourraient tout aussi bien avoir été faites contre les flics et leurs voyous - les Baltagi - qui se sont déchaînés contre la Fraternité sur une échelle beaucoup plus grande en août, massacrant plus de 600 hommes, femmes et enfants. Trente-six hommes ont été brûlés vifs dans un camion de la police alors qu’ils étaient en route pour la prison.

Être un leader égyptien, cependant - et si nous arrivons à voir l’homme d’aujourd’hui, M. Morsi dira sûrement qu’il est toujours le président de l’Égypte - est une profession plutôt douteuse. Le roi Farouk a été renversé en 1952, mais il a été autorisé à naviguer au loin sur son yacht royal, jusqu’en Italie. Le général Mohamed Naguib a été mis en résidence surveillée par Gamal Abdel Nasser, puis Nasser est mort d’une crise cardiaque en 1970, trois ans après avoir perdu son armée de l’air, ses armées de terre et le désert du Sinaï face à Israël. Puis un de ses sous-officiers, Anouar el-Sadate, récupéra une partie du Sinaï, s’est rendu à Jérusalem et a été abattu par un de ses propres soldats pour avoir signé la paix avec Israël. Son copain de l’armée de l’air, Hosni Moubarak, a alors pris le pouvoir et s’est retrouvé en procès à la suite du soulèvement du Printemps arabe de 2011. Moubarak en est maintenant au stade de faire appel, et aujourd’hui, son successeur sera aussi en procès.

Nous ne connaissons pas, bien sûr, le sort futur de l’homme qui a renversé M. Morsi - le Bien-Aimé et Sublime général Abdul Fattah al- Sisi - qui ne nous a pas encore dit s’il serait candidat à la présidence égyptienne. Regardez bien, c’est tout ce que je peux vous dire ...

« Nous ne nous amusons pas » est certainement le trait dominant des dirigeants actuels de l’Égypte, dont certains ont travaillé pour le Général Moubarak et dont au moins l’un d’eux - le Bien-Aimé et Sublime Général al-Sisi, rien de moins - a travaillé pour M. Morsi. Prenons le cas de Mohamed Youssef, champion d’Égypte de kung-fu et médaillé d’or au championnat de Saint-Pétersbourg le mois dernier. Il a été assez imprudent pour porter un T-shirt avec le symbole pro-Morsi fait de quatre doigts d’une main sur un arrière-plan de couleur jaune. Il le portait à la cérémonie de remise des médailles, dit-il, en souvenir de ses amis parmi les victimes du massacre de la mosquée Rabaa Al-Adawiya en juillet. Dommage pour lui. Il a été ramené chez lui de façon anticipée et temporairement interdit de prendre part à des compétitions - décision prise avec le plein appui du ministre égyptien du sport.

Ce week-end, Bassem Youssef - chirurgien du cerveau et humoriste politique par excellence au milieu des émissions de télévision sordides de la télévision égyptienne - a également obtenu sa dose. Pas une seule fois M. Morsi - alors à la Présidence - n’avait répondu aux attaques calomnieuses et permanentes de Youssef contre lui-même et ses amis de la Fraternité, mais son nouveau programme qui se moquait du nouveau gouvernement égyptien, non élu, et du Bien-Aimé et Sublime Général - mais sans le nommer directement - a conduit la station a retirer l’émission de M. Youssef. Selon ses détracteurs, il y avait tout simplement de trop nombreuses obscénités dans le programme de la chaîne égyptienne CBC. Ses partisans affirment cependant qu’il va simplement revenir à YouTube, où il a commencé sa vie comme satiriste. Et le programme qui s’est fait censuré ? Il allait l’envoyer à la presse en piteux état du pays.

La police, loin d’éprouver des remords concernant les meurtres commis en août, attend juste d’avoir une journée d’exercice sur le terrain pour appliquer « l’état ​​d’urgence » post-14 août - la loi même qui selon les manifestants révolutionnaires de 2011, devait être abrogée. La police doit désormais être informée de toute manifestation 24 heures à l’ avance, avec les noms de tous les organisateurs, et elle a le pouvoir d’annuler toute protestation sans fournir la moindre raison. Suite aux hurlements de la bande des libéraux totalement en déclin dans le pays, il y aura un « dialogue » pour discuter de la loi avant qu’Adly Mansour - qui était juge constitutionnel de M. Morsi, mais qui est maintenant président par intérim (et donc ne sera pas face à la cour demain avec son ancien pote) - n’applique dessus son tampon.

Les partisans de M. Morsi, cependant, promettent de nouvelles manifestations dans les rues du Caire et d’autres villes aujourd’hui, et les types en bleu - bien qu’en Égypte, la plupart d’entre eux portent des uniformes noirs plutôt miteux - prieront pour que les manifestants ne perturbent pas le procès de M. Morsi. A condition que la police elle-même puisse savoir où ce procès aura lieu...

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* Robert Fisk est le correspondant du journal The Independent pour le Moyen Orient. Il a écrit de nombreux livres sur cette région dont : La grande guerre pour la civilisation : L’Occident à la conquête du Moyen-Orient.

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4 novembre 2013 – The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/voices...
Traduction : Info-Palestine.eu - Al-Mukhtar


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