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Les étudiants de Gaza restent bloqués à la frontière de Rafah

jeudi 3 octobre 2013 - 06h:35

Mohammed Suliman

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VILLE DE GAZA, Bande de Gaza – Le passage frontalier de Rafah a été fermé aux Palestiniens cherchant à voyager en dehors de la Bande de Gaza. Cette fermeture intervient au lendemain des développements qu’a connu le voisin Egyptien et ses répercussions dramatiques sur les relations entre le pouvoir Egyptien appuyé par l’armée et le gouvernement Hamas.

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18 septembre 2013 - Les voyageurs en attente se rassemblent autour de la porte de sortie de Rafah avec l’Égypte, en protestant contre les conditions qui leur sont imposées et avec l’espoir de pouvoir traverser la frontière - Photo : Reuters/Ibraheem Abu Mustafa

A cause de la fermeture prolongée du passage israélien d’Erez, situé au nord de la Bande de Gaza, le passage de Rafah qui donne sur l’Egypte est devenu l’unique exutoire et la seule voie accessible pour les 1.7 millions de Palestiniens vivant dans la Bande de Gaza assiégée. La fermeture de Rafah a, par conséquent, eu un profond impact négatif sur la situation humanitaire des Palestiniens bloqués dans la Bande de Gaza.

Parmi les voyageurs présents sur les lieux, il y a un groupe assez particulier, à savoir les étudiants Palestiniens. Ces derniers constituent la catégorie la plus sévèrement affectée par la décision de fermeture de la frontière appliquée par les autorités égyptiennes. Des milliers d’étudiants Palestiniens avaient été bloqués à Gaza, incapables de voyager à l’étranger pour rejoindre les bancs de leurs universités.

Yousef al-Jamal est un cas parmi d’autres. Agé de 23 ans, ce bloggeur et traducteur de Gaza a décroché une bourse d’études pour un programme de master en sciences politiques à l’université de Malaya, en Malaisie. En juillet dernier, Jamal fut coincé en Malaisie après sa participation à une conférence. Il n’avait pas l’autorisation d’entrer en Egypte pour retourner à Gaza. Aujourd’hui dans la Bande, Jamal a tenté d’entrer en Egypte via le passage frontalier de Rafah, mais ses deux tentatives ont échoué et il a été éconduit.

A présent, Jamal s’inquiète pour ses études, et s’il n’arrive pas en Malaisie d’ici une semaine, il perdra sa bourse car l’université lui a fait une dérogation en prolongeant à titre exceptionnel de deux semaines l’échéance de la bourse d’études.

Il explique à ce titre : « Lorsque le passage a été ouvert la semaine dernière, j’ai à deux reprises tenté de voyager, mais en vain. J’ai attendu à la frontière pendant de longues heures mais seulement une poignée d’étudiants a réussi à passer. J’ai été contraint de changer les réservations de mes vols en attendant les nouvelles de la frontière. Ma bourse d’études avait un délai pour le 22 septembre, mais l’université a promis de prendre en considération mon cas et de prolonger cette échéance d’une ou de deux semaines. Là j’ai vraiment peur de perdre la bourse et la chance de poursuivre mes études. »

Tout comme Jamal, Shahd Abu Salama s’est retrouvée coincée à Rafah. Agée de 22 ans, cette diplômée en littérature anglaise, artiste et bloggeuse, a obtenu une bourse pour des études de troisième cycle à Istanbul. Elle risque également de perdre sa bourse d’études si elle ne quitte pas Gaza à temps.

Décrivant la situation au niveau du passage de Rafah, Shahd témoigne : « Ce que j’ai vu à Rafah n’a rien d’encourageant. Une foule nombreuse s’est entassée sur chaque côté du portail de l’humiliation, rôdant aléatoirement autour du hall d’attente de Rafah, guettant impatiemment quelque nouvelle qui pourrait leur redonner de l’espoir et courant après les policiers pour demander de l’aide et pour leur expliquer leur besoin urgent de voyager. »

[En date du 30 septembre, Shahd Abu Salama a enfin réussi à traverser la barrière de l’humiliation et est entrée en Égypte. Pendant ses journées d’attente, elle a été victime de harcèlement sexuel. Heureusement que les caméras et appareils photo ont pu permettre d’identifier la personne responsable, ce qui a permis à Shahd de déposer plainte contre lui. La police dit avoir mis la main sur lui - N.d.T]

Cependant, et contre vents et marrées, c’est Rana Baker, une jeune étudiante palestinienne de Gaza qui a réussi à se frayer un chemin de sortie en réussissant à surmonter tous les obstacles pour voyager en direction de la Grande-Bretagne en vue d’entreprendre sa maîtrise à l’École d’Études Orientales et Africaines [School of Oriental and African Studies (SOAS)]

Baker a souligné que malgré les entraves rencontrées sur le chemin de l’École d’Études Orientales et Africaines, l’expérience de voyager par le passage frontalier de Rafah reste pour elle « l’étape la plus horrible de son périple. »

La vie des étudiants palestiniens, selon Baker, a été transformée en un « cycle sans fin d’attente, de suivi des nouvelles de la frontière, et de départs se concluant par un faire demi-tour. »

Avant qu’ils ne décident de fermer la frontière à la suite des attaques meurtrières contre des soldats égyptiens dans le désert du Sinaï, les autorités égyptiennes avaient diminué le nombre d’heures de fonctionnement de la frontière à quatre seulement, ce qui permet à seulement 300 Palestiniens de se déplacer chaque jour, au lieu de 1200 sous la présidence de Mohammed Morsi. De plus, le passage a été totalement fermé à trois reprises depuis.

Baker décrit avec vivacité sa situation lorsqu’elle était restée piégé dans la bande de Gaza. « Chaque jour, je suis collée à mon ordinateur, rafraîchissant toutes les quelques minutes les nouvelles de sites Web, pour finir par apprendre que la frontière restera fermée pour une nouvelle journée.Cela me tourmentait énormément et je ne pouvais supporter l’idée de manquer mon programme de MA pour aucune raison. Je suis allée à Rafah trois fois,et je m’en suis retournée la première et la deuxième fois, mais finalement j’ai pu traverser la troisième fois. Je pense que je suis très chanceuse. Beaucoup d’étudiants sont toujours pris au piège dans la bande de Gaza, et, inutile de le dire, c’est totalement injuste. »

Bien que les efforts de Baker aient finalement porté leurs fruits, des milliers d’autres n’ont pas réussi à franchir le passage de Rafah pour se rendre dans leurs universités à l’étranger .

Les étudiants palestiniens peuvent, par conséquent, manquer la nouvelle année universitaire tandis que d’autres sont confrontés à la perspective de perdre des bourses pour lesquelles ils ont travaillé avec acharnement.

Jamal a affirmé que la fermeture du passage frontalier de Gaza et le refus de respecter les droits des Palestiniens, notamment le droit à la liberté de mouvement et à l’éducation, constituent une forme de punition collective du peuple palestinien dans la bande de Gaza.

« Toutes les personnes ont le droit d’ entrer et de sortir de leur pays, sans obstacles, mais ce n’est pas applicable pour nous ici. La punition collective n’est pas acceptable. L’occupation israélienne est responsable de cela au premier chef, parce que c’est la responsabilité d’Israël en tant que puissance occupante d’organiser ce processus, puis à l’Égypte, puis à l’Autorité palestinienne, à la fois à Gaza et en Cisjordanie » , dit-il.

Le 19 septembre , l’Égypte a ouvert partiellement le passage de Rafah pendant deux jours, suite à une requête de l’ex-président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, pour répondre aux besoins humanitaires des Palestiniens à Gaza, en particulier les étudiants et les malades. Mais seulement une centaine de Palestiniens ont été autorisés à voyager.

Par ailleurs, dans un communiqué à la presse, le Conseil palestinien des organisations de défense des droits humains a déclaré : « Tout en se félicitant de la décision des autorités égyptiennes d’ouvrir le passage de Rafah pour deux jours, nous estimons toujours que ce n’est pas suffisant compte tenu en particulier du grand nombre de voyageurs toujours bloqués dans la bande de Gaza. Nous rappelons également, aujourd’hui plus que jamais, que la communauté internationale a l’obligation morale et légale de faire pression sur Israël pour qu’il lève son blocus et assure la libre circulation des personnes et des marchandises dans et hors de la bande de Gaza ».

* Mohammed Suliman est un écrivain basé à Gaza et militant des droits de l’homme. Mohammed a obtenu une maîtrise en droits de l’homme de la London School of Economics. Ses écrits sont publiés sur différentes publications en ligne, y compris Al Jazeera English, openDemocracy, The Electronic Intifada et Mondoweiss. Sur Twitter : @imPalestine

Du même auteur :

- Accusez les Gazaouis et punissez-les -22 août 2011
- Le siège israélien de Gaza a affranchi la jeunesse palestinienne - 29 mai 2011
- La révolution égyptienne est une source d’inspiration pour la jeunesse de Gaza - 5 février 2011

26 septembre 2013 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - CZ & Niha


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