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Les leçons de l’histoire

vendredi 30 août 2013 - 08h:45

Jean-Paul Piérot - L’Humanité

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Et maintenant la Syrie ! Le chaos où n’en finit pas de sombrer l’Irak dix ans après le déclenchement de la guerre de Bush, l’échec de douze années de présence militaire occidentale en Afghanistan, où les talibans tiennent toujours le haut du pavé, la déshérence où se perd la Libye déchirée en factions rivales.

Toutes ces impasses où se sont fourvoyées les grandes puissances occidentales auraient dû inciter leurs dirigeants à faire preuve de sagesse pour l’avenir. Mais leur incapacité à tenir compte des leçons de l’histoire ne connaît pas de limites. À moins que les aventures guerrières, auxquelles ils se livrent régulièrement depuis les années 1990, n’aient développé chez eux une sorte d’addiction. J’interviens militairement donc je suis, ce serait une affaire de standing, une manière de signifier son appartenance au clan des barons de l’Empire.

Comme pour l’Irak en 2003, l’opération armée sera-elle décidée en dehors de toute légalité internationale ? Le Conseil de sécurité sera peut-être contourné. Mais différence de taille avec la situation d’il y a dix ans : à l’époque, la France s’était dressée contre la tentative de George Bush d’enrôler l’ONU dans sa croisade contre Bagdad. Aujourd’hui, comment ne pas déplorer que le président François Hollande se soit porté au premier rang des candidats au largage de bombes ?

Bachar Al Assad porte une très lourde responsabilité dans le tour dramatique qu’a pris le conflit au cours de ces deux ans et demi qui viennent de s’écouler depuis que le vent démocratique du printemps arabe s’était mis à souffler sur Damas. Les premières manifestations populaires, dominées par la jeunesse, revendiquaient des réformes politiques, un État de droit, pluraliste, les libertés publiques. Elles ne réclamaient même pas le départ du président. Faute d’avoir entendu les éléments les plus progressistes de l’opposition, celui-ci a pris le risque d’exacerber la confrontation, de favoriser une sorte de face-à-face avec les courants extrémistes de l’islamisme politique, dont il pensait sans doute aisément sortir vainqueur. L’engagement des émirats du Golfe, l’envoi de djihadistes sur le terrain ont contribué à brouiller les cartes et à empêcher tout règlement politique. L’utilisation d’armes chimiques est le signe terrifiant que la logique de guerre, de lutte à mort pour le pouvoir, a désormais aboli toutes les limites de l’inhumanité.

Mais, en bombardant la Syrie, les dirigeants américains, français et britanniques ajouteraient la guerre à la guerre, et éloigneraient encore davantage la possibilité de règlement politique démocratique, que réclament de nombreuses personnalités de l’opposition syrienne, hostiles à toutes les dictatures tant militaires que théocratiques. Or c’est la seule issue à la crise. Les bombes n’ont jamais fait un règlement politique. Piaffant d’impatience de voir les missiles Tomahawk fondre sur Damas, David Cameron a présenté hier un projet de résolution imputant la responsabilité de l’attaque chimique à l’armée syrienne, avant que les inspecteurs de l’ONU aient rendu leur rapport. S’affranchir de l’ONU ferait courir le risque de faire reculer la communauté internationale, qui peine à se donner des règles. Plusieurs pays s’en alarment, comme l’Italie et la Norvège, qui ont exprimé leur opposition à toute décision d’intervention prise sans l’aval du Conseil de sécurité. Dommage que la France ne se trouve pas cette fois-ci dans le camp de la raison.

29 août 2013 - L’Humanité - Éditorial


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