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Dépitée par son échec en Syrie, l’UE s’attaque à la résistance libanaise

mardi 23 juillet 2013 - 13h:39

Nour Samaha

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Les analystes pensent que la décision de l’UE de placer sur sa liste noire l’aile militaire du Hezbollah, n’aura guère d’impact sur le terrain.

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Rassemblement du mouvement du Hezbollah, la résistance libanaise

Il y a un an cette semaine, la ville côtière habituellement tranquille de Burgas, en Bulgarie, a été secouée quand une bombe a explosé dans un bus touristique, tuant cinq vacanciers israéliens et leur chauffeur de bus bulgare.

Quelques heures à peine après l’attentat, Israël a prétendu que le Hezbollah était responsable de l’attaque, et a commencé à demander à l’Union européenne, avec une vigueur renouvelée, de placer le groupe sur sa liste noire comme organisation terroriste.

Le gouvernement de la Bulgarie, soutenue par le Royaume-Uni, a bientôt réitéré les allégations d’Israël, le ministre de l’Intérieur à l’époque prétendant que les deux suspects responsables de l’attentat « étaient des membres de l’aile militaire du Hezbollah ».

Pourtant, les incohérences remplissent l’enquête, selon les critiques, et cette année a vu une série de déclarations contradictoires émerger de Bulgarie sur si oui ou non le Hezbollah était en fait derrière l’attentat. Le nouveau gouvernement a paru à un moment donné se distancier des propos tenus par son prédécesseur, avant de se mettre lui aussi à accuser le Hezbollah.

La Bulgarie n’a toujours pas bouclé son enquête sur l’attentat, selon le ministre de l’Intérieur.

Peu importe, c’était cela le prétexte - avec une condamnation par un tribunal chypriote contre un Libanais qui est dit avoir avoué être un messager du Hezbollah - utilisé derrière la décision de l’UE ce lundi de placer l’aile militaire du groupe [de la résistance libanaise] sur sa liste des organisations terroristes.

Chypre, pour sa part, aurait été l’un des pays opposés à l’ajout sur cette liste de l’aile militaire du Hezbollah.

La décision « montre qu’aucune organisation ne peut commettre des actes terroristes sur le sol européen, comme le terrible attentat en Bulgarie il y a un an, sans devoir faire face aux conséquences », a affirmé William Hague, le ministre des Affaires étrangères de Grande-Bretagne.

Certains experts, cependant, pensent que cette décision de l’UE est politiquement motivée et directement liée au rôle du Hezbollah dans la guerre civile en Syrie.

Les retombées de la situation en Syrie

« C’est 100 pour cent relatif au rôle du Hezbollah en Syrie, à la chute de Qusayr, et à la défaite des rebelles syriens , » a déclaré à Al Jazeera Amal Saad-Ghorayeb, une analyste politique et spécialiste du Hezbollah, se référant à la victoire du régime syrien en juin dernier dans la bataille pour la ville stratégique de Qusayr où le Hezbollah a confirmé avoir joué un rôle actif aux côtés de l’armée syrienne.

« L’Occident comprend que le régime syrien ne va pas tomber, et c’est cela qui a poussé l’UE à prendre cette décision », a-t-elle encore dit. « C’est une guerre de relations publiques où ils essaient de marquer le Hezbollah comme terroriste, et de l’assimiler à des groupes comme al-Qaida. »

Yezid Sayigh, un collaborateur du Carnegie Middle East Center à Beyrouth a déclaré à Al Jazeera que cette initiative était plutôt symbolique et sans un impact réel sur le terrain, au Liban et en Europe.

« Il s’agit plus d’un geste symbolique, car l’UE n’a pas été jusqu’à placer l’aile politique sur la liste des organisations terroristes », a-t-il déclaré à Al Jazeera.

« Les impacts à ce stade seront assez limités, en partie parce que les contacts entre le Hezbollah et l’UE sont limités, et que le Hezbollah dispose d’une présence et d’un activité très réduite dans les pays de l’UE. »

Pour Sayegh, le rôle du Hezbollah en Syrie a eu pour effet de « durcir » les positions de l’UE et de certains pays qui autrement n’auraient pas soutenu une telle décision.

Le Hezbollah a publiquement confirmé jouer un rôle militaire en Syrie aux côtés de l’armée syrienne, rôle se limitant aux zones frontalières où résident les Libanais, ainsi qu’à la sécurité du sanctuaire religieux chiite de Sayda Zaynab, à Damas.

L’opposition en Syrie réfute ces allégations, accusant le groupe de jouer un rôle plus important dans le conflit en cours.

Au Liban, l’Arabie saoudite et les États-Unis, soutenus par le mouvement du 14 mars, ont longtemps tenu le Hezbollah responsable des problèmes de sécurité dans le pays, pointant son rôle en Syrie comme une cause directe de l’instabilité au Liban.

En mai, le Courant du Futur, une faction au sein de la coalition du 14 mars, a accusé le Hezbollah de « s’être transformé d’un mouvement de résistance en une milice agissant sous les ordres iraniens ».

Terroristes ou un mouvement de résistance ?

Le Hezbollah n’est pas totalement exempt d’accusations de terrorisme, en plus de son implication en Syrie.

Formé au début des années 1980 au milieu de la guerre civile au Liban, le mouvement a été créé comme un mouvement de résistance à l’occupation israélienne. Le Hezbollah (Parti de Dieu), une organisation politique et militaire chiite soutenue par l’Iran, est considérée comme l’une des factions politiques les plus fortes à l’intérieur du pays, et a une présence au sein de l’actuel gouvernement du Liban.

Il dispose d’un vaste programme de protection sociale à travers le sud du Liban, la vallée de la Bekaa et la banlieue sud de Beyrouth, et il est réputé au niveau international pour ses opérations militaires.

Plusieurs pays, comme les États-Unis, Israël, le Canada, les Pays-Bas et la France, considèrent déjà le Hezbollah dans son intégralité comme une organisation terroriste. Le Royaume-Uni a indiqué qu’il considérait son aile militaire comme une organisation terroriste.

Le mois dernier, le Conseil de coopération du Golfe, en prétextant e rôle du Hezbollah en Syrie, a qualifié le groupe dans son ensemble comme une organisation terroriste. Les États riches en pétrole se sont engagés à prendre des mesures décisives contre ceux qu’ils considèrent être affiliés avec le Hezbollah.

Al Manar, une chaîne de télévision affiliée au groupe, a déclaré que la décision de l’UE a été faite conformément à la demande d’Israël.

« Les dirigeants de l’État ennemi (Israël) ont essayé pendant des années de pousser l’Europe à prendre cette décision », dit le site, ajoutant qu’il s’agissait d’une agression flagrante contre le Liban et sa résistance.

Le Hezbollah est considéré comme un mouvement de résistance de premier plan par de nombreux chiites et d’autres Libanais appartenant à différentes communautés, et les efforts européens pour faire peur à ceux qui soutiennent [le groupe] seront en pure perte, selon Saad Ghorayeb.

« Le Hezbollah forme une communauté, c’est un ensemble de gens s’appuyant sur un mouvement populaire », dit-elle. « Vous ne pouvez pas détruire cela. »

"Bien qu’il y ait l’inquiétude que tout chiite qui soit sympathisant du Hezbollah - vivant en Europe ou voyageant vers l’Europe - devra y réfléchir à deux fois, je ne pense pas que cela va éloigner les gens du Hezbollah", dit-elle encore. « Cela déclenchera plutôt la colère de la communauté chiite. »

Walid Sukkarieh, un député du Hezbollah, a déclaré à des radios libanaises plus tôt ce lundi, que « cette étape n’affectera pas le Hezbollah ou la résistance. La résistance est présente sur le territoire libanais et non en Europe. »

Sayegh et Saad Ghorayeb conviennent que vouloir différencier l’aile militaire du Hezbollah d’autres aspects de l’organisation peut être une cause de préoccupation.

« L’aile militaire est très clandestine », a déclaré Saad Ghorayeb, « aucune agence de renseignement ne connaît les noms des combattants pour geler leurs avoirs et leur refuser des visas, de sorte que cela signifie qu’ils vont commencer à pénaliser les familles des martyrs ou leurs parents ? »

« Je pense qu’il va être difficile de maintenir la distinction entre les différentes branches du mouvement, mais je ne pense pas que le modèle des Emirats Arabes Unis est celui qu’ils suivront », a déclaré Sayegh, se référant à l’État du Golfe qui a expulsé un grand nombre des chiites qui résident dans les Émirats, dont beaucoup prétendent avoir aucun lien avec le groupe.

Est-ce que cette initiative de l’UE va pousser le Hezbollah à réévaluer son rôle en Syrie ? C’est très peu probable, selon Sayigh.

« Le Hezbollah est maintenant engagé dans une évolution stratégique, et il n’y a rien qu’il puisse faire maintenant qui pourrait convaincre ses ennemis de traiter avec lui, ou de diminuer leur hostilité. Donc il va tout simplement ignorer ce genre de décisions. »

22 juillet 2013 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/fe...
Traduction : Info-Palestine.eu - al-Mukhtar


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