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Égypte : douteux parrainages - Échecs

samedi 13 juillet 2013 - 08h:53

K. Habib/M. Saadoune - Le Quotidien d’Oran

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Les monarchies de la région n’ont pas pris fait et cause pour les « révolutionnaires de la place Tahrir » mais pour le retour en Égypte d’un pouvoir autoritaire et conservateur ...

Personne ne sait comment vont évoluer les choses en Égypte. Mais au lieu de trop se précipiter à conclure, béatement, à l’échec d’un courant politique qui de toute façon restera présent, il vaut mieux s’intéresser à ce qui pourrait éviter à l’Égypte de sombrer dans la guerre civile. Dans cette hypothèse effrayante, on ne parlera pas d’échec des islamistes…

Égypte : douteux parrainages

par Kharoubi Habib

L’armée et les nouvelles autorités à qui elle a confié la mission de mettre en œuvre le plan de transition formulé par elle après la destitution de Mohamed Morsi pratiquent la politique de « la carotte et du bâton » à l’égard des Frères musulmans qui entretiennent la protesta dans la rue contre l’éviction du président déchu.

La carotte a consisté à leur proposer de participer au processus de transition et à prendre part au gouvernement que le Premier ministre désigné est en train de constituer. Le bâton a la forme de la menace très ferme lancée à leur encontre par les militaires qu’ils ne tolèreront pas que le « délicat et complexe processus de transition soit perturbé » et surtout sous celle d’un mandat d’arrestation émis par le parquet égyptien à l’encontre du guide de la confrérie et d’autres de ses dirigeants. Les Frères musulmans n’ont été sensibles ni aux offres qu’ils ont reçues, ni au durcissement de ton de l’armée à leur égard. Ils poursuivent donc leurs manifestations de rue et ont déclaré être déterminés à les poursuivre jusqu’à obtenir le retour à l’ordre constitutionnel et par voie de conséquence le retour au pouvoir du président déchu Mohamed Morsi.

Ils sont encouragés à persister sur cette voie au constat que la protesta qu’ils ont initiée rassemble de plus en plus de manifestants. Le retour au calme sur lequel ont tablé les militaires en pensant avoir affaibli les Frères musulmans en les écartant du pouvoir est loin d’avoir été un objectif atteint. Le temps joue désormais contre l’armée car l’ébullition qu’entretient dans le pays la protesta non-stop des pro-Morsi fait obstacle à la mise en œuvre du plan de transition censé aboutir à la « normalisation » dans le pays. La crédibilité de ce plan n’est pas évidente dès lors que les Frères musulmans n’en sont pas partie prenante et que paradoxalement il ne fait même pas l’unanimité dans le camp des anti-Morsi.

Le gouvernement que le Premier ministre nommé par le président intérimaire du pays s’échine à former va se retrouver confronté à une situation explosive qui rendra quasi impossible qu’il puisse respecter le calendrier politique que lui a fixé le plan de transition. Son seul réconfort est que l’Égypte a eu des promesses d’aides financières d’importance dont il pourra user sur le volet économique et social pour contrer la campagne que les Frères musulmans mèneront contre lui. Des aides consenties par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït qui par ce geste se sont dissociés des Frères musulmans qui bénéficient de l’appui du Qatar.

Certes, leurs contributions financières constituent une bouffée d’oxygène pour l’Égypte asphyxiée par l’effondrement de son économie. Mais l’influence dans le pays qu’elles octroient à leurs donateurs présentera une menace sur leurs aspirations que les anti-Morsi ne devront pas sous-estimer. Les monarchies de la région n’ont pas pris fait et cause pour les « révolutionnaires de la place Tahrir » mais pour le retour en Égypte d’un pouvoir autoritaire et conservateur qui ne s’avisera pas de réaliser les objectifs du mouvement qui a fait tomber le régime de Hosni Moubarak, puis celui de Mohamed Morsi et des Frères musulmans.

Analyse



Échecs

par M. Saadoune

La crise en Égypte n’en est qu’à ses débuts et pourtant certains semblent très pressés de conclure que l’islam politique a échoué et que ce grand pays a tourné la page. Et que le monde arabe va suivre à son tour et on spécule, déjà, sur la chute prochaine des islamistes en Tunisie. Que les islamistes n’avaient pas la potion magique pour gouverner et diriger, on le devinait bien et on attendait l’épreuve de la gouvernance pour que la « magie » de l’opposition vertueuse se heurte aux réalités. C’était en cours… Mais l’empressement actuel à les considérer comme durablement « défaits » est un souhait, ce n’est pas une analyse.

L’éviction de Mohamed Morsi n’a pas été « sanctionnée » par des électeurs mais par un coup de force de l’armée et cela relativise considérablement la notion d’échec. Au contraire, leur inaptitude à gouverner, leur extrême naïveté politique et leur vision étriquée deviennent, au moins pour leurs partisans qui n’ont rien de groupusculaires, très secondaires. Ce qu’ils retiennent est qu’ils ont été évincés brutalement du pouvoir au mépris des règles. Cela suffit pour les auréoler du rang de victimes des militaires et des « démocraties qui ne respectent pas la démocratie ». Quant à l’invocation de la rue et des « 33 millions de marcheurs » qui auraient enlevé sa « légitimité » à Morsi, elle ne résiste pas à l’analyse. Il ne pouvait pas y avoir, dans les espaces où se sont déroulées les grandes manifestations du 30 juin dernier, plus d’un demi-million de personnes. Et ce n’est pas en matraquant les chiffres que cela changera les choses.

Bien entendu, les Américains, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la démocratie, se refusent à parler de coup d’État et ils considèrent même que le « peuple a parlé » par la rue. Les Américains comptent beaucoup, bien entendu. Mais les Égyptiens comptent aussi. Le fait qu’ils soient divisés est un fait. Mais il n’y a pas mille moyens d’arbitrer ces différends : il y a les urnes ou… la dictature. On ne fait pas une démocratie avec le bannissement d’une partie de la population. On favorise par contre l’autoritarisme. Dans le cas de l’Égypte, l’échec des islamistes aurait été probable dans les urnes. Il cesse d’être évident en raison de la manière dont ils sont éjectés du pouvoir… vers les prisons. Ceux qui portent au pinacle la « rue » trouvent désormais anormal que les islamistes jouent à leur tour la « rue » et ils en tirent même la conclusion que cela est un signe de leur « échec ». On aurait aimé que cela soit vrai.

Quand on sort de l’incantation et de l’idéologie, on sait de manière prosaïque qu’une démocratie ne peut se faire sur l’exclusion. En réalité, l’échec n’est pas seulement des islamistes, il est aussi celui des laïcs, des libéraux et de la gauche. C’est le processus démocratique qui cale et on sait qu’il ne peut reprendre si la confrontation dans la rue actuelle débouche sur des violences. Personne ne sait comment vont évoluer les choses en Égypte. Mais au lieu de trop se précipiter à conclure, béatement, à l’échec d’un courant politique qui de toute façon restera présent, il vaut mieux s’intéresser à ce qui pourrait éviter à l’Égypte de sombrer dans la guerre civile. Dans cette hypothèse effrayante, on ne parlera pas d’échec des islamistes…

Editorial



De K. Habib :

- Égypte : rien ne va plus
- Égypte : des réactions internationales mitigées
- Syrie : l’étonnant rétropédalage de Paris
- Paris ne digère pas la défaite de Qousseir
- Conflit syrien : ingérence de part et d’autre
- Conférence internationale sur la Syrie : l’irréfléchi préalable français
- Attentat en Turquie : la piste syrienne ne convainc pas

[...]

De M. Saadoune :

- Éviter le pire
- Syrie : l’étonnant rétropédalage de Paris
- Paris ne digère pas la défaite de Qousseir
- Conflit syrien : ingérence de part et d’autre
- Conférence internationale sur la Syrie : l’irréfléchi préalable français
- Attentat en Turquie : la piste syrienne ne convainc pas
- Attentat en Turquie : pourquoi Damas et pas d’autres commanditaires ?

[...]

13 juillet 2013 - Le Quotidien d’Oran


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