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Égypte : comment l’armée a manipulé ses adversaires

jeudi 11 juillet 2013 - 07h:43

Abdel Rahman Youssef - Al Akhbar

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Personne en Égypte ne s’en est sorti par le haut au cours des deux années passées, à l’exception du Conseil suprême des forces armées (SCAF), tant dans ses versions anciennes qu’actuelles.

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Des Jet égyptiens dessinent dans le ciel avec leurs traînées de condensation en survolant la place Tahrir, au Caire, le 7 juillet ; au sol, des dizaines de milliers personnes font une démonstration de force pour soutenir l’éviction par l’armée du premier Président d’Égypte librement élu.
(Photo : AFP - Khaled Desouki)




Depuis la révolution de 2011, l’arène politique a connu une intense mobilisation politique durant laquelle la popularité du SCAF est montée aux lendemains de l’éviction de Hosni Moubarak, avant de décliner progressivement.

Sa popularité a remonté quand le maréchal Tantawi et d’autres ont été limogés et remplacés par le général Abdul-Fattah al-Sisi, directeur des renseignements militaires à l’époque. Avant les manifestations du 30 juin, la cote de popularité du SCAF était montée à 94 % tandis que celle des Frères musulmans était à 28 % et celle de l’opposition à 38 %, selon l’enquête Zogby. Par conséquent, aucune voix n’est plus forte que celle de Sisi dans l’arène politique d’Égypte actuellement.

Comment le SCAF a-t-il fait ? Peut-être qu’au début, ce n’était pas programmé. L’étincelle du 25 janvier a été déclenchée par une jeunesse en révolution et la solidarité d’un peuple qui a été poussé à l’action par des années de corruption et de tyrannie.

L’armée s’est trouvée brusquement face à une situation surprenante, situation qu’elle a vite analysée comme une opportunité pour se débarrasser du projet de Moubarak pour sa succession héréditaire.

Le SCAF avait besoin d’un partenaire politique qui conviendrait à sa composition hiérarchique et à sa structure intellectuelle. Les militaires ont trouvé ce qu’ils cherchaient avec les mouvements islamistes, en particulier la Confrérie des Frères musulmans, laquelle avait pris une voie réformiste plutôt que révolutionnaire. Une deuxième étape, qui n’a pas surpris le SCAF, a commencé en mettant fin à la vague révolutionnaire et en protégeant leur ancien commandant, laissant les hommes de Moubarak circuler librement. Même l’ancien chef de cabinet présidentiel, Zakaria Azmi, pouvait toujours se rendre au palais présidentiel. Dans le 25 janvier, l’armée n’a pas vu une révolution, mais de simples évènements qui retourneraient bientôt au statu quo.

Le 30 mars 2011, la déclaration constitutionnelle est publiée à l’issue d’un référendum. Le général Mamdouh Shahin, conseiller juridique et constitutionnel du SCAF, affirme lors d’un entretien à la télévision que la déclaration constitutionnelle verra le jour, qu’elle soit adoptée ou non. La position autocratique du SCAF fait suite au partage de l’opinion publique égyptienne sur le référendum.

C’est ainsi que démarrent la divergence et la discorde entre les mouvements islamistes et les mouvements révolutionnaires.

Après les affrontements de la rue Mohammed Mahmoud, la popularité du SCAF tombe à son plus bas niveau et les mouvements islamistes restent silencieux sur la répression des manifestants. Certaines forces islamistes justifient le comportement du SCAF pendant que les autres refusent de le tenir pour responsable.

C’est la deuxième manche en manipulations de ses adversaires. Se servant des forces islamistes, le SCAF diabolise la jeunesse révolutionnaire et la pousse sur la touche, permettant aux islamistes de gagner les élections législatives. A l’instant, l’ancien régime commence à montrer ses griffes et réussit à provoquer des troubles. La nomination d’Ahmed Shafiq à la présidence symbolise cette phase.

Ainsi débute un conflit larvé entre le SCAF et la Confrérie pendant les élections, en particulier à cause de la déclaration constitutionnelle complémentaire qui mine les pouvoirs du président. C’est la Confrérie, représentée par Mohamed Mursi, contre l’ancien régime, représenté par Ahmed Shafiq. Mursi gagne avec une mince majorité.

L’armée ne soutient pas ses alliés parmi les hommes de Moubarak. Elle s’investit plutôt dans la victoire de Mursi, ce soldat loyal au sein de la Confrérie avec lequel elle compte négocier, qu’elle peut saper, et facilement griller.

La phase suivante débute quand Sisi prend ses nouvelles fonctions en tant que commandant des forces armées. Mursi croit que le changement va modifier la mentalité du SCAF. Cependant, cette nouvelle phase consiste à dresser la Confrérie contre ce qui reste des centres de pouvoir du Parti démocratique national. La Confrérie se laisse abuser, en pensant qu’elle peut vaincre ces forces à elle seule.

Les jeunes s’éloignent encore de la Confrérie après s’en être partiellement rapprochés en dépit de Shafiq. L’opposition se lance dans la confrontation avec Mursi, mais ses tentatives soit échouent, soit sont contrecarrées, ce qui fait penser à une direction aussi mauvaise que celle de la Confrérie. Pendant ce temps, les forces armées restent calmes tout en observant une guerre tous azimuts qui épuisent les autres forces, ouvrant la voie aux manifestations du 30 juin.

La dernière initiative du SCAF consiste à recruter l’aide du Parti Couch, ces citoyens silencieux qui craignent le plus l’instabilité. L’appel à l’armée devient alors la solution pour tous les partis et le vent tourne contre Mursi.

Le Caire, le 9 juillet 2013 - Al-Akhbar - traduction : Info-Palestine/JPP


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