Morsi, l’homme musulman, se dit coupable de deux chefs. Le premier ne relève pas de son choix. Le second est d’être ce que doit être un musulman, et un homme.

Comment doit-il plaider ?

Coupable, votre Honneur !

Morsi, l’homme, modeste, humble, humain… et musulman.

Dans la dernière semaine, beaucoup a été dit sur les échecs prétendus du Président Morsi, et sur Morsi, l’homme politique. Il a essayé d’en faire trop, ou pas assez, il a pris trop de pouvoir (pour son parti), ou pas assez (sur les services militaires et de la sécurité). Il est allé trop vite, ou pas assez vite. Certains ont diagnostiqué un échec à cause de son défaut de charisme, en le comparant avec le « plus charismatique Khairat El-Shater » ou en louant le « charismatique, Sisi, à la mâchoire proéminente – comme si le charisme était un substitut à une direction honnête, ou à une légitimité politique.

Il nous suffit de nous retourner vers les États-Unis et Israël pour voir ce que le charisme d’une direction sans scrupules est capable de produire, et notamment de distribuer les promesses électorales. Vous rappelez-vous la fermeture de Guantanamo et de la réduction du chômage, promises par le Président américain Barack Obama ? Vous rappelez-vous la promesse du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, de nommer l’ancien ministre des Communications, Moshe Kahlon, à la présidence de l’Autorité de la terre d’Israël ? Et n’oubliez pas non plus le terrorisme sans retenue de ces dirigeants, chez eux et à l’étranger…

Morsi, l’homme, en revanche, est celui que la majorité du peuple égyptien a élu, lors d’élections libres et équitables reconnues internationalement, et cela non pour son charisme, mais pour son humanité.

Morsi, l’homme, modeste, humble, humain… et musulman.

Morsi, l’homme musulman, qui exhiba sa poitrine à son investiture pour bien montrer qu’il ne portait pas de gilet pare-balles, et montrer sa confiance et sa foi dans le peuple égyptien. Dont certains de ce peuple aujourd’hui le trahissent, et eux avec.

Morsi, l’homme musulman, qui, en 2005, a conduit les manifestations pour soutenir l’indépendance pour tous les juges. Don certains aujourd’hui le trahissent, et eux avec.

Morsi, l’homme musulman, qui a passé trois décennies sous le régime Moubarak, dans et hors de ses prisons, « à cause de sa position constante et ferme » contre ses mesures répressives et ses pratiques oppressives. Dont ce qu’il reste de ce régime continue de trahir son peuple.

Morsi, l’homme musulman, essayant de sortir son pays de trente années de corruption et d’une énorme dette publique, en transformant les rouages de la dictature Moubarak en « un pouvoir exécutif représentant la volonté réelle du peuple et mettant en œuvre ses intérêts publics, » selon les principes islamiques de justice, égalité, tolérance, honnêteté, connaissance, travail, persévérance, et pardon.

Morsi, l’homme musulman, qui ne l’avait pas cherché, mais qui a été propulsé à la présidence de l’Égypte, par son parti et par la majorité du peuple égyptien. Et dont la plus grande partie de ce peuple est toujours derrière lui.

Morsi, l’homme musulman, déposé et arrêté.

Pour quoi ? Pour avoir été élu démocratiquement par le peuple d’Égypte ? Quel plus grand effet dissuasif pourrait-il y avoir pour les futurs candidats à la présidence… si en effet, il devait y avoir un autre processus électoral libre et juste maintenant que la démocratie égyptienne a été si honteusement usurpée.

Pour n’avoir pas réussi à faire en une année ce qu’aucun dirigeant, où que ce soit et à n’importe quelle époque, n’a jamais réussi : un redressement complet en 12 mois d’un système corrompu et enraciné, vieux de plusieurs décennies.

Pour avoir traité équitablement et ouvertement avec un autre parti politique démocratiquement élu, et islamique, le Hamas ? Les accusations portées contre lui selon la rumeur le laisse entendre fortement.

Pour l’ouverture de la frontière à Rafah à ses frères et sœurs de la bande de Gaza assiégée pour permettre à un souffle de vie d’y entrer, et à la puanteur fétide de l’oppression sioniste de s’en échapper et retourner l’estomac du monde ? La fermeture rapide du passage de Rafah, et la jubilation à peine contenue de l’administration israélienne, le suggèrent aussi fortement.

Morsi, l’homme musulman, se dit coupable de deux choses : d’avoir été élu président de l’Égypte, et d’être honnête.

La première ne relève pas de son choix.

La seconde est d’être ce que doit être un musulman, et un homme.

Comment doit-il plaider ?

Coupable, votre Honneur.



Julie Webb-Pullman est un écrivain freelance de Nouvelle Zélande basée à Gaza. Elle écrit sur les questions de justice sociale et politique pour le site d’informations indépendant néo-zélandais SCOOP depuis 2003, de même que pour des sites en Australie, Canada, États-Unis, et Amérique latine, et elle a participé à plusieurs missions d’observation sur les droits de l’homme. Elle a rédigé cet article pour PalestineChronicle.com.


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8 juillet 2013 - Palestine Chronicle - traduction : Info-Palestine/JPP