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Égypte : des réactions internationales mitigées
Éviter le pire

samedi 6 juillet 2013 - 08h:56

K. Habib/M. Saadoune - Le Quotidien d’Oran

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Des réactions enregistrées émanant des chancelleries étrangères, il ressort toutefois qu’il y a eu peu de condamnations sans équivoque de l’action assumée par l’institution militaire égyptienne... Les États occidentaux, si prompts à donner des leçons de démocratie, ne parlent pas de coup d’État.

Égypte : des réactions internationales mitigées

par Kharroubi Habib

La destitution en Égypte par l’armée du président islamiste Mohamed Morsi après son refus de l’ultimatum qu’elle lui avait signifié a été diversement accueillie et appréciée sur la scène internationale. Des réactions enregistrées émanant des chancelleries étrangères, il ressort toutefois qu’il y a eu peu de condamnations sans équivoque de l’action assumée par l’institution militaire égyptienne que Morsi et ses partisans qualifient de « coup d’État » contre un président et un « processus » démocratique et puisant leur légitimité dans la volonté populaire s’étant exprimée lors de la révolution du 25 janvier 2011 et à travers les élections qui ont eu lieu dans le sillage de son triomphe.

L’étrange est que cette thèse n’a pas été explicitement reprise à leur compte par des Etats régionaux notamment qui ont semblé proches de Morsi et des Frères musulmans arrivés au pouvoir en Égypte. A l’exception en effet du gouvernement turc qui l’a reprise à son compte et exprimé une ferme réprobation contre la destitution du président égyptien, les autres ont pris « acte » du changement intervenu au Caire et émis le souhait de voir l’Égypte dépasser la crise politique qu’elle traverse. Washington et les capitales européennes n’ont pas été plus loin dans leur appréciation de l’événement survenu en Égypte. Aucune n’a en effet qualifié l’éviction du président élu Morsi de coup d’État. Non pas parce qu’elles n’y voient pas un coup de force contre un président dont elles ont salué l’investiture comme une « avancée » de la démocratie dans son pays, mais par « réalisme » et « pragmatisme » prenant en compte la complexité et la délicatesse de la situation créée en Egypte par l’insurrection populaire généralisée qui a conduit l’armée à prendre position contre le président Morsi.

Il apparaît toutefois clairement que les chancelleries étrangères cultivent le doute que l’intervention de l’armée en Égypte a mis fin à une situation qui menaçait de plonger le pays dans le « chaos » et que le processus de reconstruction de l’État égyptien dévoilé par les militaires dans leur feuille de route va se dérouler de façon pacifique. Doute partagé par l’opinion internationale à la considération qui est en train de s’imposer que les partisans du président déchu ne vont pas s’incliner devant le fait accompli que l’armée veut leur faire accepter. Morsi et les principaux dirigeants du mouvement des Frères musulmans ont certes appelé leurs ouailles à s’opposer pacifiquement au « coup d’État » en occupant à leur tour la rue pour exiger le retour à la « légitimité » constitutionnelle et électorale.

Pourront-ils imposer ce cours à la protestation de leurs partisans ? L’armée laissera-t-elle ceux-ci occuper en cette forme la rue ? Autant d’interrogations qu’inspire la tournure prise par les événements en Égypte et qui n’incitent pas à l’optimisme sur ce qui va advenir dans ce pays. Hier vendredi, des postes de l’armée ont été les cibles d’attaque pour des assaillants qui seraient des « terroristes islamistes ». Difficile de ne pas voir dans ces actions la manifestation d’une autre forme de « résistance » contre le coup de force des militaires contre Morsi et le pouvoir islamiste qu’il a instauré. Et que cela va être la stratégie que les islamistes vont suivre dans leur bras de fer avec l’institution militaire et le camp des anti-Morsi qui a applaudi à son intervention. Morsi mis hors jeu, l’Égypte n’a pas pour autant terminé avec la crise politique qui a fracturé sa société en deux camps irrémédiablement antagonistes sur leur vision de l’avenir du pays.

Analyse



ÉVITER LE PIRE

par M. Saadoune

L’armée égyptienne a accompli un coup d’État. Les démocrates ou ceux qui se prétendent comme tels qui font dans l’exégèse spécieuse pour parler « d’acte II de la révolution » ou « de coup d’État démocratique » ne se moquent que de leur intelligence. Que ce coup d’État soit apprécié par une partie de la population ou des partis politiques ne change rien aux choses. C’est par le droit - notion constamment foulée aux pieds dans notre aire « spécifique » - que l’on qualifie le coup d’État.

On n’est d’ailleurs pas surpris de voir qu’à quelques rares exceptions, les États occidentaux, si prompts à donner des leçons de démocratie, ne parlent pas de coup d’État. Ce n’est pas un reproche qu’on leur fait, il s’agit juste de rappeler que leurs positions de « principe » sont à géométrie et à géographie très variables. Et surtout que leurs principes suivent leurs intérêts et ne vont jamais contre. Même si c’est une évidence, il faut toujours le rappeler à ceux qui donnent des leçons aux pauvres arriérés qui ne supportent pas, chez eux, les seins à l’air des Femen, présentées comme le nec plus ultra de la liberté. Ce qui est déplaisant dans ce refus chez les démocrates arabes ou prétendus tels d’admettre qu’il y a eu un coup d’État est qu’il dispense de poser ouvertement la question du rôle politique de l’armée.

En Égypte, disent-ils, l’armée n’a fait qu’accomplir la volonté du peuple. Et après ? Elle va donner le pouvoir à qui ? A Hamdine Sabahi, qui est devenu le plus fervent admirateur d’une armée qui n’a pourtant rien de « socialiste » et qui est, structurellement, insérée dans le business ? Il est absurde, du point de vue de l’analyse politique, de faire semblant que le droit a été respecté et que la rue a ôté la légitimité à un président élu. C’est un coup d’État que l’on approuve ou que l’on désapprouve ! L’admettre publiquement permet de soulever le débat de fond ! L’armée égyptienne n’est pas l’armée tunisienne, elle est au pouvoir depuis des décennies et les trois précédents présidents, avant Morsi, en sont issus. Cette armée a géré le pays de manière calamiteuse après la chute de Moubarak, elle a accepté après beaucoup d’hésitation l’élection de Morsi, négocié un modus vivendi avec lui. Elle est de nouveau au cœur du jeu. Et dans une situation beaucoup plus dangereuse.

Les premières actions du « nouveau pouvoir » sont marquées du sceau de la répression. Les dirigeants des FM passent ainsi du pouvoir à la prison et leurs médias sont fermés. Officiellement, l’armée affirme qu’elle ne compte pas prendre de « mesure exceptionnelle ou arbitraire » contre les Frères musulmans et respectera la liberté d’expression et de manifestation. Concrètement, ces mesures sont déjà prises. Les Frères musulmans sont ciblés et les discours diffusés dans les télévisions égyptiennes - beaucoup appartiennent aux nababs du système Moubarak - n’ont, c’est un euphémisme, rien d’apaisant. Les Frères musulmans feraient une grave erreur s’ils basculent dans la violence. Pour l’instant, ils s’accrochent à la légitimité et appellent à des manifestations pacifiques. Le resteront-elles dans la dynamique de haine qu’entretiennent les médias ? Il faut l’espérer.

Mais les militaires qui sont, plus que jamais, la réalité du pouvoir auraient tort de penser qu’étouffer et embastiller les Frères musulmans est une réponse à la crise actuelle. Certes, les salafistes, avec un opportunisme remarquable et probablement sur incitation des Saoudiens, soutiennent de facto l’intervention des militaires. Mais le mouvement des Frères musulmans a atteint depuis longtemps une masse critique, il a une présence très dense dans le tissu social. Le bannir du jeu est ce qu’il ne faut pas faire. Le pire n’est jamais bien sûr. Mais ce sont les décisions que prennent ceux qui détiennent les leviers qui sont déterminantes. Et ce sont les militaires qui les détiennent même s’ils ont Al-Azhar, l’Eglise copte et Al-Baradei avec eux.

Éditorial



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Samedi 6 juin 2013 - Le Quotidien d’Oran


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