16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

A Bagdad, l’armée américaine érige un mur de séparation

lundi 23 avril 2007 - 05h:05

Le Figaro

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Cette barrière de cinq kilomètres de long est censée protéger une enclave sunnite entourée de quartiers chiites, dans une partie de la capitale meurtrie par les violences interconfessionnelles.

« On est en Cisjordanie, ici ou quoi ? », s’interroge un pharmacien de Bagdad, cité par le Los Angeles Times. Si cet habitant de l’enclave sunnite d’Adhamiya s’inquiète des similitudes entre sa situation et celles de nombreux Palestiniens, c’est parce que depuis le 10 avril, l’armée américaine a entamé la construction d’un mur de cinq kilomètres, au c ?ur de la capitale irakienne. Objectif invoqué ? Protéger cette enclave entourée de quartiers chiites, dans cette zone « aspirée dans une spirale de violences et de représailles confessionnelles ».

Une fois achevée la construction de ce mur de béton de 3.5 mètres, fin avril, le quartier d’Adhamiya sera complètement « clôturé » et son accès sera limité par des postes de contrôle de l’armée irakienne.

JPEG - 13.6 ko

L’armée américaine est en train d’ériger un mur dans le quartier d’Adhamiyah, l’une des dernières enclaves sunnites dans l’est chiite de Bagdad, afin d’éviter les violences (Ph. AFP/Wisam Sami)

Par le passé, les forces de la coalition ont déjà érigés de telles barrières, notamment autour de marchés, de bases et de postes avancés pour prévenir tout risque d’attentat. Selon le Wall Street Journal, une barrière de ce type aurait également été construite dans le quartier de Dora pour séparer des quartiers sunnites et chiites.

Unifier Bagdad ?

Ces constructions font redouter un phénomène de « balkanistation » de la capitale, déjà largement exposée aux violences interconfessionnelles. L’US Army nie vouloir en faire une tactique centrale du plan de sécurité de la capitale, présenté le 14 février dernier. « Nous n’avons pas l’intention de construire des quartiers fermés à Bagdad. Notre objectif est d’unifier Bagdad, pas de la subdiviser en (enclaves) séparées », assure le général William Caldwell, porte-parole des forces de la coalition, au journal Stars and Stripes.

De leur côté, les habitants sunnites sont partagés sur cette question : « D’un côté, c’est bien pour limiter la violence et contrôler les terroristes, mais de l’autre, ce n’est pas bien d’être séparés les uns des autres. Nous devrions vivre comme des frères », juge Bachar Abdul Latif, enseignant. Ahmed Abdul-Sattar, fonctionnaire, est quant à lui plus pessimiste : « cela ne fera qu’élargir le fossé entre nous ».


Le Figaro, le 20 avril 2007


Le retour des escadrons de la mort

Le terrible bilan des attentats du 18 avril démontre l’échec du plan de sécurité de Bagdad annoncé en grande pompe au mois de février 2007. Et les Américains sont exaspérés par le manque d’autorité du Premier ministre irakien, Nouri Al-Maliki, révèle Elaph.

A Bagdad, les explosions de bombes et de voitures piégées se succèdent à un rythme de plus en plus soutenu. Hier, la pire journée qu’ait connue l’Irak depuis plus d’un an a fait plus de quatre cent cinquante blessés ou tués. Les habitants de la capitale disent que, depuis quelques jours déjà, ils observent un retour des escadrons de la mort et des miliciens. Ceux-ci avaient déserté les rues de la capitale depuis l’annonce du déploiement de 85 000 soldats américains et irakiens dans le cadre du plan de sécurité de Bagdad, en février dernier. Ce plan avait abouti à l’arrestation de plus de 5 000 personnes recherchées.
Mais, hier, quand les policiers et les forces de l’ordre se sont rendus sur les lieux des attentats, ils ont été accueillis dans certains quartiers par des jets de pierres, des insultes et des slogans hostiles au pouvoir et ont dû rebrousser chemin afin d’éviter que les choses ne dégénèrent. De même, le bilan de la journée se serait aggravé en raison d’hostilités qui auraient éclaté dans certains quartiers de la capitale à la suite des attentats. Ainsi, le quartier sunnite d’Al-Adhamiya serait depuis la nuit dernière le théâtre d’affrontements dont les échos résonnent au loin tandis que des hélicoptères américains survolent la zone.

Pendant ce temps, le Premier ministre, Nouri Al-Maliki, tente de limiter les risques d’aggravation des tensions. Il a ordonné l’arrestation du chef des forces de sécurité de certains quartiers chiites, accusé de ne pas avoir su empêcher les attentats. Les Américains menacent le gouvernement irakien en lui disant que le temps commence à être compté pour maîtriser la situation sécuritaire et politique. Selon le chef du Commandement central américain pour le Moyen-Orient, l’amiral William J. Fallon, le plan de sécurité de Bagdad constitue peut-être la dernière occasion pour les dirigeants irakiens d’établir l’autorité effective de l’Etat. Ils doivent savoir la saisir et prendre aussi rapidement les décisions qui s’imposent dans d’autres domaines, a-t-il estimé, en parlant notamment de la nécessité de réformes législatives et constitutionnelles, et de la loi sur l’exploitation du pétrole. De même, il a fait remarquer que, quatre années après l’invasion américaine, l’Irak n’a toujours pas réussi à avoir un gouvernement représentatif de l’ensemble de la population et capable d’agir effectivement sur le terrain.

Un autre indice du retour des escadrons de la mort et des pratiques de purification confessionnelle réside dans le fait que les forces de l’ordre ont trouvé vingt-cinq cadavres dans les rues de différents quartiers de la capitale, portant des traces de torture. De même, dans un centre médico-légal, un ordinateur portable aurait été volé avec plus de mille cinq cents photos de cadavres non identifiés trouvés dans les rues. Ces photos servent habituellement à faciliter l’identification des cadavres par plus d’une centaine de personnes qui se présentent chaque jour au centre à la recherche de proches. Selon les sources contactées dans les milieux médico-légaux, ce vol constitue une catastrophe et risque d’aggraver la crise sécuritaire et d’alimenter la haine confessionnelle.


Oussama Mahdi, Aleph - via Le Courrier internaltional, le 19 avril 2007


Bush a perdu son pari

Les attentats du 18 avril à Bagdad signent l’échec de la stratégie de sécurisation lancé le mois dernier par les Américains, estime l’éditorialiste du The Daily Telegraph, habituel soutien de la guerre en Irak.

Les attentats à la bombe d’hier ont tué plus de 170 personnes à Bagdad. C’est un coup terrible pour George W. Bush, qui avait misé sur un renforcement de la présence militaire américaine dans la capitale. La semaine dernière, les GI avaient déjà essuyé un autre camouflet lorsqu’une attaque suicide avait été perpétrée contre le Parlement, situé au c ?ur de la Zone verte, pourtant redoutablement fortifiée. Cette fois, les soldats américains et leurs homologues irakiens ont été ébranlés par la frappe de loin la plus meurtrière depuis le 14 février, jour où la "nouvelle vague" de déploiement a été officiellement lancée.

Comme bien souvent auparavant, la cible principale était un marché. Celui-ci avait déjà été frappé le 3 février par un camion piégé qui avait tué au moins 130 personnes. Cela en dit long sur l’efficacité des efforts américains et irakiens afin de protéger ces espaces publics en les entourant de murs.

En annonçant l’envoi de renforts, Bush avait rappelé que 80 % des violences intercommunautaires en Irak avaient lieu dans un rayon de 45 kilomètres autour de Bagdad. Il avait alors affirmé qu’en accroissant les effectifs militaires américains et irakiens, et en appliquant de nouvelles règles d’engagement, il serait possible non seulement de nettoyer les quartiers concernés, mais aussi de les tenir, une fois chassés les terroristes.

Les attentats d’hier, qui comptent parmi les plus sanglants commis depuis la chute de Saddam Hussein, en 2003, accroissent l’impression que ces renforts de dernière minute décrétés par le président américain sont trop peu nombreux et trop tardifs. Depuis le début, l’occupation de l’Irak a souffert d’une pénurie de troupes étrangères. C’était prendre un risque que de calculer qu’en déployant cinq brigades supplémentaires on parviendrait à faire pencher la balance.

Peut-être peut-on se consoler en considérant un autre événement qui s’est produit hier en Irak. Les Britanniques ont transféré la responsabilité du maintien de la sécurité aux autorités irakiennes dans la province de Maysan. C’est comme si les deux principaux acteurs de la coalition vivaient aujourd’hui dans des mondes différents : les Britanniques préparent leur retrait, tandis que les Américains sont désespérément pris au piège de leur tentative de redresser une opération militaire qui est un ratage monumental.

Toute avancée dans le Sud est la bienvenue, mais ce sont la capitale multiethnique et ses environs qui détiennent la clé de la sécurité du pays. Conséquence des dernières atrocités, qui ont eu lieu dans des quartiers essentiellement chiites, on court le risque de voir l’Armée du Mahdi de Moqtada Al-Sadr descendre dans les rues pour riposter, prenant les forces de sécurité dans les tenailles d’une mini-guerre civile.

Il faut continuer d’espérer qu’au cours des prochains mois les militaires réussissent à prendre le dessus, ce qui permettrait aux Irakiens d’assumer la responsabilité totale de leur sécurité d’ici à la fin de l’année. Mais les derniers attentats laissent peu de place à l’optimisme.


The Daily Telegraph, via Le Courrier international, le 19 avril 2007


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.