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Azmi Bishara : une menace brillante

samedi 21 avril 2007 - 09h:21

Asaad Talhami - Al-Ahram Weekly

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"Tandis que la pression politique sioniste s’exerce sur le député arabe Azmi Bishara, les médias israéliens mènent leur propre offensive de relations publiques", écrit Asaad Talhami.

S’il y a un brin de vérité un peu solide qui puisse sortir de la couverture par la presse israélienne du faux [procès concocté à l’encontre d’Azmi Bishara, c’est que l’establishment sioniste est unanimement d’avis que l’élimination de ce député au Parlement écartera un obstacle majeur dans son offensive visant à imposer une citoyenneté israélienne aux Arabes résidant à l’intérieur des frontières qu’Israël s’est unilatéralement fixées. L’affaire elle-même repose sur les documents élaborés par divers partis arabes et ONG, où ceux-ci prennent position sur la relation entre la minorité arabe et l’Etat, et qui, selon les Israéliens, promeuvent l’idée formulée il y a 10 ans par Bishara et d’autres intellectuels, selon laquelle Israël devrait être un Etat pour tous ses citoyens ; une hérésie maintenant épousée par la majorité des forces politiques arabes en Israël.

La presse en hébreu, qui répond définitivement au doigt et à l’oeil à l’establishment militaire israélien, s’est récemment abandonnée à une orgie d’invectives, d’incitation et de malveillance, avec pour objectif premier de souiller le nom et la réputation de Bishara.

Pour Uzi Benziman, commentateur au quotidien Haaretz, la judéité d’Israël constitue un article de foi immuable et qui passe toute autre considération. Il écrit : « l’affaire Bishara met au premier plan le tournant atteint par les relations entre Juifs et Arabes à l’intérieur de la Ligne Verte ». Il poursuit : « Le point décisif se situait dans la formulation des documents élaborés par d’importantes organisations de la communauté arabe (Les « Dix points », « La vision future pour les Arabes palestiniens en Israël », la « Proposition de Constitution démocratique » et la « Déclaration de Haïfa » qui doit encore être officiellement publiée). Ces documents sont tramés comme une doctrine idéologique et politique méthodique qui défie le caractère actuel de l’Etat d’Israël... En pratique, ces documents posent les fondements idéologiques pour un soulèvement des Israéliens arabes contre leur Etat. »

Apparemment, Benziman a dû estimer qu’il n’avait pas encore parfaitement mis en valeur son argument car il a ajouté ceci : « Il s’agit d’une mutinerie menée, pour le moment, par des moyens entièrement légitimes - dépôt de requêtes auprès des tribunaux, élaboration de documents formulant des prises de position, lancement de recherches, campagnes de ralliement de l’opinion publique. Mais elle ouvre la voie aux radicaux, pour recourir à des méthodes illégitimes. »

On en a déjà, déclare Benziman, des présages menaçants. Un de ces présages étant une récente étude portant sur les Arabes d’Israël et qui montrait que 86% des personnes interrogées soutenaient le retour des réfugiés dans leurs maisons d’origine et que 40% étaient favorables à ce qu’Israël se transforme en un Etat de tous ses citoyens. Benziman en appelait à la majorité juive pour qu’elle réponde, « dans ses propres termes », à tous ces documents.

Benziman écrivait : « En contraste avec le discours arabe-palestinien sur l’histoire du conflit, il y a une version israélienne juste qui présente les efforts investis par les vestiges d’une petite nation pour conserver précieusement sa patrie et parvenir, sans succès, à un compromis avec ses voisins arabes. » L’effet de cette position juive sera de clarifier pour la minorité arabe les « lignes rouges » qui dessinent les paramètres d’un règlement possible, que Benziman définit comme « les lignes de 1967 en guise de frontières entre un Etat national palestinien et l’Etat sioniste d’Israël ». Et il ajoute : « La majorité juive ne peut rencontrer les attentes de la minorité arabe de transformer Israël en un Etat binational. »

Revenant promptement à sa bête noire, Benziman poursuit : « La majorité juive éprouve de plus en plus de difficultés à supporter l’idéologie et la conduite d’Azmi Bishara que les Juifs estiment glisser souvent dans des zones illégitimes de soutien aux ennemis de l’Etat. Tel était le cas avec le voyage de Bishara au Liban et en Syrie ces dernières années, et aussi durant la seconde guerre du Liban. » Benziman conclut par une ferme mise en garde à l’adresse des députés arabes : il feraient bien de rester à l’intérieur des règles du jeu d’un Etat démocratique, sinon « ils se retrouveront dans la même situation que Bishara ».

Tommy Lapid, journaliste et ancien Ministre israélien de la Justice, soutient que la meilleure réponse que le gouvernement israélien puisse donner à Bishara serait de changer sa politique discriminatoire à l’égard des Arabes. Ecrivant dans Maariv, Lapid déplore les conditions difficiles existant dans les municipalités arabes (et dont il affirme que les Arabes portent une large part de responsabilité), mais plus grave est l’injustice qui est faite aux Arabes parce que les Juifs les regardent comme des citoyens de second ordre. Seule cette inégalité entre Arabes et Juifs a pu rendre Bishara et ses idées attrayants aux yeux des citoyens arabes.

Bien évidemment, Bishara lui-même est diabolique : « Nous avons affaire à un homme qui est plus intelligent et plus érudit que la majorité des membres arabes et juifs du Parlement... Il parle quatre langues... Il cherche à faire ses preuves en épousant des positions extrémistes... Jamais auparavant, le Parlement n’avait vu un député arabe donner ainsi libre cours à son incitation à la haine contre Israël et soutenir la cause palestinienne et même des saboteurs, comme Azmi Bishara. » Pourtant, dit Lapid pour rassurer ses lecteurs, Bishara n’est pas si dangereux que cela. « Il n’est dangereux que lorsqu’il dit la vérité sur la discrimination dont la minorité arabe est l’objet en Israël. » Par conséquent, « pour ôter à son incitation toute efficace, nous devons veiller à ce que les Arabes israéliens - en particulier les jeunes Arabes israéliens instruits - cessent de se sentir comme des sous-citoyens. » Sur quoi il ajoute : « si nous ne le faisons pas, nous aurons une Intifada faite maison auprès de laquelle les deux précédentes paraîtront une partie de plaisir. »

En milieu de semaine, la nouvelle de l’intention de Bishara de renoncer à son poste de député au Parlement a dominé la presse en hébreu, et cela d’autant plus qu’une interdiction judiciaire empêche de divulguer les détails du « procès décisif » qui lui est fait. Les réactions, dans les médias et les milieux officiels, allaient du soulagement éprouvé à l’idée d’être débarrassé d’un « extrémiste », à des appels à resserrer les contrôles de sécurité sur les Arabes en Israël. La nouvelle a également offert une ouverture à des représentants de divers partis sionistes pour donner libre cours à leur colère rentrée et réclamer que des lois limitent la liberté des parlementaires arabes et leur imposent de faire une déclaration de loyauté à l’égard d’Israël « en tant qu’Etat juif et démocratique » comme condition préalable à leur entrée au Parlement israélien.

Journaux et chaînes de télévision ont également accordé une grande place aux différentes étapes de la carrière politique de Bishara, en insistant lourdement sur l’appel de son National Democratic Rally (NDR) à un Etat de tous ses citoyens que les partis sionistes tiennent pour une « menace stratégique dans le long terme pour Israël ». Cette dernière remarque est attribuée à Youval Diskin, chef des services de renseignements, lors d’une rencontre à huis clos avec le Premier ministre Ehoud Olmert.

Le conseiller juridique du gouvernement et secrétaire général du parti, Meni Mazouz, est censé donner une réponse à la Cour suprême israélienne, la semaine prochaine, au sujet d’un appel déposé par un avocat israélien en vue de la dissolution du NDR au motif que ses trois députés se sont rendus en Syrie et au Liban l’automne dernier et que le parti recherche la destruction d’Israël. Il y a eu, en outre, des appels émanant de l’hémicycle pour annuler la citoyenneté israélienne de Bishara. Le Ministre de l’Intérieur a le pouvoir de lancer un décret administratif à cet effet contre tout citoyen, y compris des membres du Parlement, dans la mesure où ce pouvoir prime sur l’immunité parlementaire.


Asaad Talhami est un journaliste palestinien.


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Azmi Bishara

Azmi Bishara est issu d’une famille chrétienne palestinienne, cependant son positionnement politique est laïc. Il devient membre de la Knesset en 1996, et est l’un des membres fondateurs du parti Balad. Il défend l’option d’un « État de tous les citoyens » par opposition au concept d’« État juif », et critique dans cette optique l’idéologie sioniste d’Israël.

Azmi Bishara publie également des ouvrages en langues arabe, anglaise, germanique et hébraïque, sur les sujets de la démocratie et de la société civile, sur les droits des minorités nationales en Israël, sur l’islam et la démocratie et sur la question palestinienne, au sein de la société israélienne, dans les Territoires occupés et dans les autres États (Source : Wikipedia)

Note ajoutée par la publication

Asaad Talhami - Al-Ahram Weekly, semaine du 19-25 avril 2007 : Azmi Bishara : a brilliant threat
Traduit de l’anglais par Michel Ghys

Par Azmi Bishara :
- Retour à la case départ
- Plutôt que l’apaisement


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