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Gaza risque de devoir fermer ses élevages de poissons

mercredi 5 juin 2013 - 08h:24

Abeer Ayyoub

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Quand Hassan al-Shaer faisait le tour de la bande de Gaza il y a quatre ans à la recherche de son poisson préféré, la dorade, il était surpris de constater que l’enclave côtière n’était plus aussi riche en poissons que par le passé.

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L’activité de la pêche sur les côtes de la bande de Gaza, est fortement pénalisée par les multiples interdictions et agressions de la marine de guerre israélienne - Photo : APA images/Naaman Omar

Avec un minimum de capital en main, Shaer avait alors décidé d’investir dans un grand élevage de poissons pour répondre à la pénurie de poisson dans Rafah.

La pêche a toujours été une activité importante pour les habitants de Gaza, mais les restrictions imposées par Israël sur la zone de pêche au large de Gaza l’ont sévèrement limitée, mettant des centaines de pêcheurs au chômage.

Avec la pénurie de poisson frais sur les marchés de Gaza, les poissonniers se sont tournés vers l’importation de poissons surgelés venant d’Égypte par les tunnels sous la frontière égypto-palestinienne. Bien que le poisson égyptien soit de moindre qualité que les poissons locaux, son prix plutôt bas pousse les habitants de Gaza à en acheter. Mais le souhait d’une partie des clients pour un poisson du cru a incité à l’ouverture de dizaines de fermes piscicoles dans Gaza.

Sur le front de mer surplombant Rafah, Shaer affirme que sa ferme d’élevage de dorades est la plus importante au Moyen-Orient. Le complexe de 4500 mètres, appelé Poisson frais, puise son eau directement dans la mer. Shaer importe des petites brèmes, ainsi que la nourriture pour poissons, d’Israël et d’Égypte.

Aujourd’hui, Shaer produit 150 tonnes de dorades par an, qu’il vend principalement aux restaurants de Gaza. Il a également un restaurant à la ferme.

« Je viens souvent ici. C’est le meilleur brème qu’on puisse manger dans la bande de Gaza. C’est beaucoup mieux que le poisson égyptien de mauvaise qualité », déclare à Al-Monito, Nasser Ziyad, installé dans la salle à manger. Ziyad est venu à Rafah depuis de la ville de Gaza juste pour les poissons.

Malgré le succès initial de son projet, Shaer a rencontré de nombreuses difficultés, à sa grande déception. Comme Gaza souffre constamment des coupures d’électricité, Shaer a dû acheter deux générateurs pour assurer l’arrivée d’eau à la ferme depuis la mer, ajoutant ainsi une charge au coût de fonctionnement de l’entreprise.

Shaer déclare aussi - bien que les pannes soient un problème constant - que la concurrence des importations est sa véritable préoccupation. Il dit qu’il ne vend pas de poisson sur les marchés car les consommateurs préfèrent le poisson égyptien moins cher. Un kilogramme de dorades élevées localement coûte l’équivalent de 11 dollars US, tandis que son concurrent égyptien se vend à moins de 9. « Les gens n’apprécient pas le poisson frais. Ils choisissent le poisson égyptien pas cher en dépit de sa mauvaise qualité, » assure Shaer.

La zone de pêche de Gaza a été une source fréquente de conflits entre l’occupant israéliens et les Palestiniens. Israël a restreint la zone à trois miles nautiques après que le Hamas ait pris le contrôle de Gaza en 2007. Ce fut en violation des Accords d’Oslo de 1993 entre l’Organisation de libération de la Palestine et Israël, qui stipulaient que les pêcheurs pouvaient travailler librement dans une zone de 20 miles nautiques.

Les Palestiniens et Israël ont convenu en novembre 2012 que l’accès soit étendu à six miles dans le cadre d’un cessez-le-feu négocié par égyptienne, mais les forces navales israéliennes ont continué à harceler régulièrement et à tirer sur les pêcheurs palestiniens. Puis Israël a de nouveau imposé une limite de trois mile en mars 2013 . Les forces israéliennes d’occupation ont annoncé ensuite le 21 mai qu’elles étendraient à nouveau la zone six miles nautiques, mais seulement à la fin de la saison de la pêche à la sardine, privant ainsi les pêcheurs palestiniens de revenus importants.

Face aux coûts de son installation, Shaer dit qu’il n’était plus motivé pour poursuivre son projet, car celui-ci ne produit pas les rendements qu’il avait prévus. « Je dépense 50 000 dollars par mois, alors que j’obtiens un rendement de seulement 20 000 dollars. C’est seulement grâce au restaurant que la ferme est toujours en activité », explique-t-il.

Shaer a approché d’autres exploitants, voulant mettre un terme à la contrebande de poissons égyptiens afin que les projets locaux, comme son activité de pisciculture, aient une chance face à la concurrence. Jusqu’à présent, ses demandes sont restées sans effet.

Adel Atallah, directeur général du Département de la pêche au sein du ministère de l’Agriculture dirigé par le Hamas, a déclaré que son ministère avait interdit l’importation de la dorade, tout en autorisant d’autres types de poissons à être importés.

« Nous avons interdit le trafic de ce type de poisson, en particulier pour permettre aux nouvelles piscicultures d’avoir une chance sur le marché local », a dit Atallah à Al-Monitor. Le fonctionnaire a toutefois concédé qu’il était difficile de réglementer les centaines de tunnels en exploitation. « Quels que soient les moyens que nous mettons pour contrôler ces importations de poissons, c’est vraiment difficile, surtout lorsque vous voulez bannir un type de produit », concède Atallah.

Les autorités n’arrivant pas à freiner les importations meilleur marché, Shaer a prévenu que cela pourrait lui coûter son entreprise. « C’est ma dernière tentative. Si les choses restent en l’état, je vais malheureusement devoir fermer. »

* Abeer Ayyoub est diplômée de l’Université islamique de Gaza en littérature anglaise. Elle est aujourd’hui journaliste et publie dans Al-Masry Al-Youm, Al Jazeera et Haaretz. Sur Twitter : @ Abeerayyoub.

30 mai 2013 - al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib


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