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“Les Juifs ont oublié la compassion”

dimanche 26 mai 2013 - 09h:40

Ha’aretz/Courrier international

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Président de l’association Médecins pour les droits de l’homme, Rafi Walden estime que les dirigeants de l’Etat hébreu cultivent la “peur de l’autre” à des fins politiques. Interview.

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Rafi Walden lors de la 3ème édition des journées du grand reportage organisées par le Club de la presse, à Marseille, en juin 2010.

Je suis né en France. Durant la guerre, ma famille et moi vivions dans un petit village sous une identité d’emprunt et avec de faux papiers. Nous étions persuadés que personne ne savait. Un jour, un voisin est arrivé en courant et nous a dit : “Attention, les Allemands arrivent !” Et nous avons appris que tout le monde savait.

Les Français savaient et ils n’ont rien dit ?

Oui. Je viens de raconter cette histoire à la cérémonie de l’hôpital [où Rafi Walden est chirurgien et dont il est le directeur adjoint]. En chemin, j’ai entendu l’ancien ministre de la Défense Moshe Arens déclarer à la radio : “La leçon de l’Holocauste, c’est que nous devons être forts.” Pour moi, cette leçon a déjà été assimilée. La vraie leçon, c’est que nous devons être compatissants.

L’Holocauste a enseigné à votre famille la compassion et la solidarité. Ces valeurs sont ancrées en vous.

Elles sont ancrées en moi, mais elles ne se limitent pas à mon histoire personnelle : ce sont des valeurs juives. Les devoirs à l’égard des étrangers sont mentionnés trente-six fois dans la Torah, beaucoup plus que l’observance du shabbat, le respect des règles casher, etc. Pourtant, aujourd’hui, on voit des gens qui se disent les gardiens du judaïsme s’opposer radicalement à l’humanisme juif. Cela m’attriste beaucoup.

Qu’est-il advenu de cet humanisme juif ?

L’humanisme juif est axé aujourd’hui sur l’autodéfense. Nous continuons à nous comporter comme dans les shtetls [avant 1945, communautés villageoises juives d’Europe centrale] et à nous méfier des goys qui veulent nous attaquer. D’où l’importance accordée à la force, au pouvoir, à la résistance.

Quelle est l’influence du discours gouvernemental à ce sujet ? Le Premier ministre Nétanyahou ne cesse de promettre qu’il n’y aura pas de nouvel Holocauste.

Je pense qu’il utilise l’Holocauste à des fins détournées – comme lorsqu’il nous effraie avec toutes sortes de menaces iraniennes ou qu’il nous met en garde contre le risque qu’Israël soit envahi par 1 million d’Africains. C’est une méthode primitive pour maintenir les masses dans un état de peur permanente : si nous ne nous en remettons pas à un leader énergique, nous serons victimes d’un deuxième Holocauste. Les autorités cultivent cette névrose de l’Holocauste, c’est un stratagème pour conserver le pouvoir.

Vos détracteurs diront que vous représentez la gauche et vivez, comme elle, dans une bulle. Etes-vous sûr qu’Israël soit dans une telle position de force ?

Oui, plus que la majorité des pays occidentaux. Et les menaces qui nous entourent ne justifient pas la peur de l’Holocauste qui pèse sur nous comme une épée de Damoclès. C’est de l’intimidation, une exploitation cynique des peurs qui nous habitent. Au lieu de montrer la voie en chefs avisés, nos dirigeants alimentent nos peurs.

Une sorte d’opium pour les masses.

Il n’y a pas de moyen plus simple pour unir le peuple que d’évoquer un ennemi qui menace de nous détruire.



Propos recueillis par Ayelett Shani |

24 mai 2013 - Courrier international -


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