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L’indépendance de l’Écosse : un point de vue palestinien

jeudi 2 mai 2013 - 11h:50

Jalal Abukhater

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Alors que je quittais la Palestine pour aller étuder en Ecosse, je pensais avoir laissé derrière moi une des régions les plus intéressantes dans le monde sur le plan politique, pour en rencontrer une autre.

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Un indépendance bientôt conquise de haute lutte ?

D’ici moins de 18 mois, les Écossais se rendront dans les bureaux de vote pour décider de l’avenir de leur pays – s’ils resteront dans l’union ou s’ils deviendront au contraire une entité indépendante dont l’avenir sera déterminé par son peuple. Alors que j’arrivais ici, j’avais une idée plutôt superficielle de ce que signifiait la question de l’indépendance de l’Écosse pour le peuple écossais, mais aujourd’hui je me retrouve à approuver sans réserve l’idée d’une Écosse devenant une nation indépendante. J’ai été assez chanceux de pouvoir visiter beaucoup d’endroits et de pouvoir rencontrer beaucoup de personnes remarquables qui m’ont aidé à apprendre et à comprendre. Aujourd’hui, j’ai donc décidé de partager avec vous mon point de vue en tant que Palestinien et internationaliste qui n’est pas né en Écosse, mais qui soutient le « Oui » au référendum sur l’indépendance fixé en septembre 2014.

L’Écosse est un lieu qui m’a depuis longtemps fasciné, avant que j’y sois même arrivé. C’est une des plus beaux pays dans l’hémisphère nord, avec des paysages parmi les plus beaux. Ses richesses historiques et culturelles attirent des touristes venant de partout dans le monde. Il entretient d’impressionnantes traditions, préservées depuis des siècles. Une de mes citations favorites est celle de l’ambassadeur israélien au Royaume-Uni (RU) et d’autres diplomates israéliens décrivant l’Écosse comme un « territoire ennemi » - ce qui est dû à tous les efforts déployés par les groupes de solidarité avec la Palestine, comme le PSC écossais, les Juifs écossais pour une paix juste, le réseau d’étudiants Nous sommes tous Hannah Shalabi, et bien d’autres qui refusent de rester silencieux et de considérer l’injustice comme normale. Être un passionné de l’Écosse n’est pas la raison qui me fait soutenir l’aspiration à l’indépendance, mais cela m’incite à vouloir le bien de l’Écosse, à désirer que les gens d’ici voient un meilleur avenir pour leur pays. Il est important de bien souligner que le soutien à l’indépendance ici ne s’apparente en rien à une forme ethnocentrique d’un nationalisme isolationniste. Cela n’a rien à voir avec le nationalisme orienté d’un Braveheart, mais c’est plutôt une forme de nationalisme social et contemporain qui stimule le désir de créer un pays plus juste, qui intègre tout un chacun et considère ce monde globalisé comme un associé, un partenaire.

Quand j’ai fait connaître pour la première fois à mon père, mes opinions sur l’indépendance de l’Écosse, il m’a demandé : « Pourquoi n’es-tu pas pour l’unité ? N’y a-t-il pas de la force dans l’unité ? » Ce sentiment est ce j’ai rencontré parmi la majorité de ce qui imaginent un État écossais indépendant comme trop pauvre. Mais ce n’est pas ce que l’indépendance propose. L’indépendance est une idée qui offre un véritable espoir d’un meilleur avenir pour l’Écosse : un petit pays qui prend soin de ses habitants et qui veut être un meilleur citoyen du monde. Aujourd’hui, la voix de l’Écosse est souvent marginalisée par un gouvernement centralisé et basé à Londres. L’Écosse a des lois et des réformes du système social qui lui sont imposées depuis Westminster. Un exemple est la Bedroom Tax imposée à l’Écosse alors que 91% des députés britanniques et écossais s’y sont opposés. Pendant 35 des 50 dernières années, les Écossais ont subi un gouvernement conservateur bien qu’il n’aient pas majoritairement voté pour lui. Une Écosse indépendante représenterait mieux ses citoyens, et donnerait aux Écossais le moyen de déterminer leurs propres politiques sur les questions internes comme internationales. Il est tout simplement question de permettre aux citoyens de prendre les décisions qui déterminent leur destin.

Beaucoup prétendent que l’Écosse ne serait pas économiquement viable, ce qui est une idée fausse souvent exploitée comme tactique alarmiste, afin de pousser les Écossais à s’éloigner de l’idée d’indépendance. Sarah Glynn, une amie qui milite pour l’Indépendance Radicale (RIC) à Dundee et qui est membre des Juifs écossais pour une paix juste, a dit dans un discours à l’occasion du lancement de la campagne du RIC : « Vous avez probablement entendu dire que nous recevons plus que notre part des dépenses du gouvernement - 9,3% alors que nous représentons 8,4% de la population - mais ce que vous entendez moins souvent, c’est que nous contribuons pour 9,9% aux impôts britanniques. » Sarah a alors poursuivi en insistant sur l’idée que le RU pénalise l’Écosse sur le plan économique et gêne son potentiel pour la croissance : « L’Écosse a également un déficit budgétaire beaucoup plus petit que le reste du RU. Nous avons également d’énormes ressources naturelles en réserves de pétrole et un grand potentiel pour l’énergie verte. Si l’Écosse pouvait investir dans le développement comme le logement municipal, l’énergie viable et les transports en commun, alors notre économie serait beaucoup plus saine. » La vision de Sarah est partagée par un grand nombre de gens, qui espèrent voir un meilleur avenir grâce à l’indépendance.

À l’échelle mondiale, j’ai tendance à voir l’indépendance de l’Écosse comme une force positive influençant le monde entier. Les grands changements commencent toujours par des étapes considérablement plus petites. D’autres aspects importants de l’indépendance écossaise sont une meilleure politique étrangère, une politique pour le désarmement, l’opposition aux guerres illégales comme l’invasion de l’Irak en 2003. Nous ne pouvons pas strictement dire que l’indépendance Écossaise est une suite du combat du 20ème siècle contre l’impérialisme occidental, car l’Écosse a tiré historiquement d’importants bénéfices de l’Empire Britannique. Mais nous pouvons dire que l’indépendance écossaise fournit une opportunité pour s’attaquer au néo-impérialisme et donner à l’Écosse une occasion d’agir en citoyen positif du monde. L’indépendance fournira aux Écossais la possibilité d’élever la politique étrangère de leur gouvernement au niveau de qu’ils veulent et voient comme acceptable, plutôt que de se voir entraînés dans une politique étrangère décidée à Westminster, de tout temps influencée par les États-Unis et considérée comme inacceptable par la plupart des Écossais.

J’étais assez chanceux d’avoir comme conférencier en sciences politiques pendant le premier semestre à l’université de Dundee, le Dr. John MacDonald, un commentateur politique et l’universitaire qui enseigne actuellement à l’université de Glasgow. Le Dr. John m’a livré son analyse d’un État Écossais indépendant pouvant exercer une influence positive au delà de ses frontières. J’ai eu la chance d’avoir quelques discussions avec John sur l’indépendance écossaise et comment celle-ci peut être considérée comme une cause internationale. Il m’expliqua comment l’approche de Downing Street en politique internationale va totalement à l’encontre de ce que beaucoup d’Écossais veulent ou considèrent comme acceptable. Nous avons discuté de la flotte britannique de sous-marins nucléaires, hébergée dans des bases navales à proximité du plus grand de population de l’Écosse, Glasgow.

Ces réserves inutiles d’armes de destruction massives (ADM), devraient prochainement être destinataires de financements massifs allant jusqu’à 130 milliards de livres sterling, pour être renouvelées alors que la santé, l’éducation, les retraites, et les pensions d’invalidité sont réduites par Westminster. De récents sondages d’opinion suggèrent que jusqu’à 80% des Écossais sont opposés à l’hébergement d’armes nucléaires sur leur sol. John est persuadé qu’un vote positif au référendum de l’année prochaine, serait salutaire pour les Écossais puisqu’il permettra de se débarrasser de ces ADM. Mais il servirait également un objectif bien plus large. Toujours selon John, il y a de quoi s’interroger sérieusement sur la capacité du gouvernement britannique à stocker ailleurs ses missiles nucléaires car il n’y a de pas autres sites appropriés pour accueillir ces armes, et le coût pour en construire un nouveau pourrait être hors de portée. Ce qui reviendrait à pousser le RU, bien qu’à contre-coeur, à abandonner ses ADM. Le Dr. John Macdonald conclut la conversation en disant : « Un vote en faveur du ’oui’ cimentera le statut de l’Écosse comme Zone-Libre-d’Armes-Nucléaires, et jouera peut-être le rôle de catalyseur pour remettre en cause le status quo nucléaire anglo-américain. Si l’Écosse est disposée à dire ’oui’, cela aura des implications positives bien au-delà de ses frontières. »

Une Écosse indépendante ne signifie pas la division d’une nation. Il est question au contraire de donner du pouvoir aux peuples des deux côtés des frontières. Les partis politiques comme le Parti Travailliste ont décidé de soutenir la campagne pro-union « Mieux ensemble », contre l’indépendance, sans se soucier du fait qu’en perdant l’Écosse, le parti Travailliste sera condamné à traiter avec un parti conservatrice dominant dans le reste de la Grande-Bretagne. Il faut savoir que les Écossais n’ont pas voté pour un gouvernement conservateur depuis plusieurs décennies. Mais comme les statistiques l’ont montré, les électeurs écossais n’ont eu aucun impact sur les élections générales britanniques au cours de 62 des 67 dernières années, c’est-à-dire depuis la seconde guerre mondiale.

Jusqu’ici, la campagne pro-union s’est d’avantage appuyée sur les tactiques alarmistes concernant l’économie, plutôt que sur des débats concrets sur ce que signifierait une Écosse indépendante pour ceux qui y vivront comme pour ceux de l’extérieur. « Mieux ensemble » glorifie le rôle des armées britanniques comme « les meilleures du monde », tandis que beaucoup de militants pro-indépendance sont des pacifistes qui militent contre les interventions militaires, pour des zones débarrassées du nucléaire, contre les guerres illégales dans les territoires étrangers. Peut-être l’indépendance écossaise pourra-t-elle influencer le reste de la Grande-Bretagne et lui faire adopter une politique étrangère plus morale, en cessant peut-être de vendre des armes aux États despotiques dans le Golfe ou à des Etats asiatiques (comme le Sri Lanka) accusés de graves violations des droits de l’homme. Pour que cela se produise, le statu quo actuel doit être bousculé, et voter ’oui’ au référendum sur l’indépendance est le meilleur moyen d’y parvenir.

Quoique le gouvernement écossais actuel ait pu atténuer légèrement les dommages provoqués par les gouvernements de Westminster, une Écosse indépendante signifierait qu’un meilleur avenir est possible. Cela donnerait même de l’espoir à ceux qui vivent au delà de ses frontières. L’indépendance signifie une meilleure représentation. Elle signifie aussi donner aux gens la capacité d’agir sur le champ international selon ce qui sera considéré comme acceptable. Le peuple d’Écosse ne mérite pas de subir les méfaits d’un gouvernement qu’ils n’ont pas choisi, et ils ne méritent pas de voir leurs politique internationale totalement dominée par Westminster. L’Écosse indépendante sera également profitable pour le reste du R.U. Coopérant et commerçant sur chaque aspect important, les deux pays gagneront à être associés plutôt que de voir un gouvernement centralisé dominant l’autre de façon injuste. Un pays plus petit, un peuple responsabilisé et des liens plus étroits avec des pays partout dans le monde … Tout cela représente assurément un avenir possible avec un vote « oui » au référendum de 2014.

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* Jalal Abukhater est un Palestinien âgé de 18 ans, originaire de Jérusalem (al-Qods). Il est étudiant de première année à l’Université de Dundee, en Écosse, où il étudie la politique et les relations internationales.

25 avril 2013 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://nationalcollective.com/2013/...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach


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