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En Israël, des milliers de survivants de la Shoah se sentent abandonnés par l’Etat

mercredi 18 avril 2007 - 12h:11

Benjamin Barthe - Le Monde

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Lundi 16 avril, à 10 heures, les sirènes ont retenti dans les villes d’Israël, et le pays tout entier s’est comme pétrifié. L’espace de deux minutes, les passants se sont figés dans les rues, les employés se sont dressés dans leurs bureaux, les automobilistes ont pilé et sont sortis de leurs véhicules. Comme chaque année, à l’occasion de la Journée de commémoration officielle de la Shoah, la population juive s’est mise au garde-à-vous en hommage aux victimes de la barbarie nazie.

Pour les 240 000 rescapés des "camps de la mort" qui vivent en Israël, ce rituel a paradoxalement un goût amer. Car le gouvernement, si prompt à honorer la mémoire des morts, est en revanche beaucoup moins pressé quand il s’agit de subvenir aux besoins des survivants. Lors d’une session spéciale de la Knesset tenue dimanche 15 avril, un responsable du ministère des finances a reconnu que 180 000 d’entre eux, soit 70 %, ne percevaient aucune compensation au titre de la déportation. D’après un autre participant, Noah Flug, président d’un collectif d’organisations de rescapés, 80 000, soit un tiers d’entre eux, vivent en dessous du seuil de pauvreté. "C’est un fiasco qui laisse une marque noire sur notre société, a déclaré à cette occasion Yitzhak Herzog, le ministre des Affaires sociales : Israël a une dette morale et financière à l’égard de ceux dont le temps est désormais compté."

Selon la députée travailliste Colette Avital, plusieurs propositions de loi destinées à venir en aide aux rescapés les plus démunis ont été repoussées, par le passé, au nom de considérations budgétaires. Le cadre législatif actuel prévoit que seuls les survivants arrivés en Israël avant 1953 ont droit au versement d’allocations. Du coup, tous ceux qui sont issus de l’ex-Union soviétique et qui ont immigré durant les vingt dernières années ne reçoivent aucune aide de l’Etat.

C’est notamment le cas de Peter Greenfeld, un habitant d’Ashkelon, dont l’ancien député de gauche Yossi Sarid a décrit le calvaire dans une chronique au vitriol publié par le quotidien Haaretz. Interné, encore enfant, dans le camp d’Auschwitz-Birkenau, il a servi de cobaye au tristement célèbre docteur Josef Mengele. Aujourd’hui âgé de 67 ans, il conserve toujours des douleurs des expérimentations médicales qu’il a subies à cette époque - injections dans le dos, aiguille dans le crâne, gouttes dans les yeux - mais, faute d’argent, il n’a pas les moyens de les soigner.

Manifestation de soutien

"Nul ne dénie l’Holocauste en Israël, mais certains l’oublient, affirme Yossi Sarid, à la lumière de l’histoire de Peter Greenfeld : on ne veut se souvenir que des morts, car cela ne coûte rien et le ministère des Finances n’a pas besoin de leur allouer un budget."

Lundi après-midi, alors que les noms des victimes étaient lus par les membres de la Knesset, une manifestation de soutien aux survivants a eu lieu à l’extérieur du bâtiment. Plusieurs centaines de personnes ont dénoncé le traitement dégradant qui leur est réservé. En réaction, le gouvernement s’est engagé à réformer son système d’aides d’ici la fin de l’année. "Nous ne devons jamais accepter que même un seul rescapé de la Shoah vive en Israël sans dignité", a solennellement prévenu Dalia Itzik, présidente de la Knesset.

Benjamin Barthe, correspondant à Jérusalem du quotidien Le Monde, le 18 avril 2007

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