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Les Palestiniens à l’ONU : des entreprises canadiennes font des profits dans les colonies

vendredi 12 avril 2013 - 07h:24

Jillian Kestler-D’Armours – Al-Monitor

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Dans une initiative qui pourrait considérablement influer sur les actions des pays tiers et des sociétés qui actuellement font des profits avec l’entreprise coloniale illégale d’Israël en Cisjordanie, le village palestinien de Bil’in a finalement déposé plainte contre le Canada devant les Nations-Unies.

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Un manifestant palestinien place un drapeau sur la barrière israélienne controversée lors d’affrontements avec des agents de la sécurité israélienne (absents sur la photo) après un rassemblement commémorant le 48e anniversaire de la création du mouvement Fatah, dans le village de Bil’in, près de Ramallah, en Cisjordanie, le 4 janvier 2013.
(Photo Reuters/Ammar Awad)


Les habitants soutiennent que le Canada n’a pas su empêcher deux entreprises canadiennes – Greenpark International et Greenmount International – de construire et de tirer des profits de maisons de colons bâties sur leur terre, dans la colonie israélienne de Modi’in Illit.

« Elles ne respectent pas le droit international quand elles viennent et construisent des colonies avec des méthodes illégales sur nos terres » a expliqué Abdallah Abu Rahmah, militant et membre du Comité populaire de Bil’in.

Bil’in a déposé son dossier le 18 mars au Comité des Droits de l’homme des Nations-Unies, un organisme d’experts judiciaires qui surveille la mise en œuvre par les États du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les demandeurs mettent en avant que le Canada « a violé son obligation extraterritoriale d’en garantir le respect », pour cinq articles du Pacte.

Ce n’est pas la première fois que les habitants de Bil’in poursuivent les deux sociétés immatriculées au Canada. Les habitants ont porté leur cause devant la Cour supérieure du Québec à Montréal en 2008, accusant les entreprises de « se faire les complices de la perpétration d’un crime de guerre  ».

Cependant, la Cour du Québec a débouté les villageois de leurs demandes, jugeant que le Canada n’avait pas la compétence dans ce domaine, et que la plainte devait être entendue en Israël.

« Mais nous savons quelle est la situation en Israël. Les tribunaux et le système appuient la construction des colonies » a déclaré Abu Rahmah à Al-Monitor. Et d’indiquer que le manque de justice dans les tribunaux israéliens et canadiens a poussé Bil’in à demander des comptes devant les Nations-Unies.

Mettre fin à l’impunité

La Quatrième Convention de Genève stipule qu’une puissance occupante ne peut pas transférer sa population civile dans le territoire qu’elle occupe, et que le faire constitue un crime de guerre en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).

La Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale stipule également que ces entreprises – de même que les pays où elles sont immatriculées – doivent s’assurer qu’elles respectent les normes du droit international dans leurs activités professionnelles, notamment celles de la Déclaration universelle des droits de l’homme comme des autres conventions internationales.

« Ceci est approche nouvelle dans l’application des droits de l’homme en droit international  » explique Michael Sfard, l’avocat israélien qui représente les villageois de Bil’in dans leur procédure. « L’idée est que les obligations des États ne s’arrêtent pas à les contraindre de ne pas violer directement les droits de l’homme, mais aussi de devoir contrôler l’activité de leurs ressortissants et entreprises quand ils agissent à l’étranger. »

Sfard a déclaré à Al-Monitor que le Canada avait six mois à compter de la date du dépôt de la plainte (le 18 mars) pour répondre. Le Comité des Nations-Unies devra ensuite rendre sa décision.

« Si (le Comité décide) que le Canada est dans son tort, alors j’espère qu’il indiquera aussi quelles sont les voies de recours qu’il doit garantir  » a-t-il ajouté.

« Le Canada n’a pas fait connaître quelles étaient les voies de recours aux victimes de ces violations. Après notre longue tentative pour obtenir réparation devant les tribunaux canadiens, tentative qui a été rejetée… les tribunaux canadiens nous ont renvoyés devant les tribunaux israéliens. Fondamentalement, les tribunaux israéliens ne sont pas compétents puisque, en Israël, les tribunaux ont arrêté que la question des colonies n’est pas une question qui relève (de la décision) des tribunaux. »

Des décennies de confiscations des terres par Israël

Le village palestinien de Bil’in – qui n’est qu’à 12 kilomètres de Ramallah, en Cisjordanie occupée – compte environ 1800 habitants. Depuis 2005, les villageois organisent des manifestations hebdomadaires, tous les vendredis, pour dénoncer le mur de séparation israélien qui traverse leur terre, et la poursuite de l’expansion coloniale et de l’occupation.

La colonie – pour juifs seuls – de Modi’in Illit, qui comporte aujourd’hui plus de 46 000 résidents – a été construite sur une terre qu’Israël a confisquée au village, pendant que la construction du mur de séparation d’Israël sépare Bil’in de la moitié de ses terres.

En 2007, la Cour suprême israélienne a ordonné à l’État de démanteler et de reconstruire une section du mur qui passe à travers Bil’in. La décision a enfin été exécutée en 2011, avec 25 % de la terre qui ont été rendus aux habitants du village.

Il y a actuellement 520 000 colons juifs israéliens installés en Cisjordanie, dont 200 000 à Jérusalem-Est. Au cours de la dernière décennie, la population de colons israéliens a augmenté de 5,3 % chaque année, à comparer avec une croissance de seulement 1,8 % en Israël même.

« Ils nous rendent la vie très difficile. Ils ont confisqué notre terre. Ils ne nous autorisent pas à y travailler  » a dit Abdallah Abu Rahmah, expliquant que les autorités israéliennes n’autorisaient l’accès des habitants à des parties importantes de leurs terres agricoles que seulement une fois par an.

« Ce que nous réclamons, c’est le retrait des colonies de notre terre, et la destruction du mur sur notre terre. Et puis, Bil’in est un modèle dans le monde entier dans l’emploi de la résistance non violente, et pour cela nous continuerons notre lutte jusqu’à ce que nous éradiquions l’occupation de notre terre. »

Créer un précédent

Une récente mission d’enquête désignée par les Nations-Unies pour évaluer l’impact des colonies israéliennes sur les Palestiniens déclare que les pays doivent s’assurer que les entreprises, dont le siège est dans leur juridiction, qui ont une activité dans – ou en lien avec – les colonies israéliennes respectent bien les droits de l’homme fondamentaux des Palestiniens.

« Les entreprises privées doivent évaluer l’impact sur les droits de l’homme de leurs activités et prendre toutes les mesures nécessaires – y compris en mettant fin à leurs intérêts commerciaux dans les colonies – pour garantir que ces activités n’ont aucun effet négatif sur les droits de l’homme du peuple palestinien » conclut cette mission.

Depuis que la Palestine a été élevée au niveau d’observateur non-membre aux Nations-Unies l’année dernière, de nombreux groupes locaux ont exhorté l’Autorité palestinienne (AP) à faire rendre des comptes à Israël devant la CPI pour ses crimes de guerre allégués.

Alors que l’AP avait menacé publiquement d’aller à la CPI, elle vient d’annoncer qu’elle suspendait ses efforts pour utiliser les mécanismes des Nations-Unies, afin de donner aux négociations de paix conduites par les États-Unis une chance de devenir une réalité. Le secrétaire d’État US, John Kerry, a rencontré séparément le Président de l’AP, Mahmoud Abbas, et le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, en début de cette semaine.

Selon l’avocat Michael Sfard, la plainte de Bil’in aux Nations-Unies pourrait ne pas seulement créer un précédent important pour les Palestiniens, mais aussi modifier la conduite de toutes les entreprises qui font des affaires à l’extérieur de leurs frontières nationales.

« Si nous gagnons dans cette plainte, cela signifiera que nous nous assurerons un outil très puissant » a affirmé Sfard. « Cela signifiera que les États devront… contrôler la conduite extraterritoriale des entreprises. Ce serait une énorme, énorme évolution dans le droit international des droits de l’homme. »

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*Jillian Kestler-D’Amours : journaliste canadienne basée à Jérusalem depuis mai 2010 et réalisatrice du documentaire « Sumoud » sur le combat d’un village bédouin du Negev.

Son site : http://jkdamours.com/

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Bil’in, Cisjordanie occupée, le 10 avril 2013 - Al-Monitor
Traduction : Info-Palestine.eu - JPP


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