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L’Egypte et la question palestinienne

samedi 6 avril 2013 - 09h:02

Hicham Mourad - Al-Ahram/Hebdo

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L’Egypte doit relancer prochainement sa médiation entre l’Autorité palestinienne, qui règne sur la Cisjordanie, et le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, pour une réconciliation interpalestinienne. C’était l’une des raisons de la visite au Caire du « premier ministre » du gouvernement du Hamas, Ismaïl Haniyeh, le 30 mars. L’effort égyptien intervient à la suite de l’appel lancé par le récent sommet arabe de Doha (26-27 mars) pour une reprise des discussions inter-palestiniennes, interrompues en février, sur la mise en oeuvre de l’accord de réconciliation signé au Caire en mai 2011.

L’intérêt que porte L’Egypte post-révolution, notamment depuis l’accession au pouvoir d’un président islamiste issu des Frères musulmans, à une unification des rangs palestiniens montre la nouvelle voie qu’elle s’est assignée vis-à-vis de la question palestinienne. L’Egypte sous Moubarak a, certes, soutenu également la réconciliation interpalestinienne, car les divisions entre factions, notamment le Fatah du président Mahmoud Abbas et le Hamas, compromettaient toute chance de reprise des négociations de paix avec Israël. Mais l’Egypte à l’époque avait clairement accordé ses préférences au modéré Mahmoud Abbas plutôt qu’à l’islamiste Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas. L’ancien président Hosni Moubarak, qui combattait les islamistes en Egypte considérés comme le principal danger à son pouvoir, n’avait aucun intérêt à mettre les islamistes de Gaza sur un pied d’égalité avec le Fatah. Au contraire, il cherchait à les isoler politiquement et participait silencieusement, en gardant le poste-frontière de Rafah hermétiquement fermé, à la politique d’Israël d’asphyxier le Hamas qui contrôle depuis juin 2007 la bande de Gaza après en avoir chassé par la force les troupes du Fatah.

Aujourd’hui, c’est l’inverse qui s’est mis en place. Depuis le renversement du régime de Moubarak, les dirigeants du Hamas sont accueillis au Caire au niveau politique et non seulement, comme avant, par des responsables du service de renseignements, qui sont en charge du dossier palestinien. L’arrivée de Mohamad Morsi au pouvoir, fin juin, a marqué une nouvelle étape dans la consécration du Mouvement de la résistance islamique. Pour la première fois, ses dirigeants sont accueillis en fanfare, fin juillet, par le chef de l’Etat qui a promis de réduire les effets du blocus israélien sur la bande de Gaza. Mais si le rapprochement entre Le Caire et le Hamas irrite le président palestinien, ancien favori des autorités égyptiennes, le mouvement islamiste palestinien n’a pas obtenu un blanc-seing de l’Egypte. Au contraire, le Hamas se plaint amèrement de la fermeture des tunnels de contrebande, seul moyen de contourner le blocus israélien, menée activement par l’armée égyptienne dans le Sinaï ces derniers mois. L’Egypte sous Morsi a également refusé jusqu’ici l’ouverture d’un bureau du Hamas au Caire et l’accès à sa demande de laisser transiter les marchandises par le poste-frontière de Rafah ou de créer une zone conjointe de libre-échange. L’Egypte a en revanche grandement réduit les restrictions imposées au passage des personnes au terminal de Rafah, encouragé l’acheminement de l’aide humanitaire et permis l’entrée de plusieurs délégations locales et étrangères, venues exprimer leur solidarité avec les Palestiniens de Gaza. L’Egypte cherche à l’évidence à maintenir un certain équilibre entre les deux principaux protagonistes palestiniens, le Hamas et le Fatah, pour garder sa crédibilité en vue de continuer à jouer le rôle du médiateur entre factions et du mentor de la question palestinienne. Car, même affaibli et sur le déclin, le Fatah, soutenu par les Etats-Unis et les Européens, reste essentiel pour une réconciliation interpalestinienne.

L’Egypte sous Morsi met l’accent sur cette réconciliation et évite de parler de processus de paix ou d’une éventuelle reprise des négociations avec Israël. Les chances d’une telle reprise sont certes presque inexistantes, notamment avec la récente formation d’un gouvernement israélien extrémiste. Mais les Frères musulmans au pouvoir penchent du côté de la logique du Hamas, qui ne croit pas aux négociations avec Israël et lui préfère la résistance, y compris armée. Par ailleurs, une médiation égyptienne pour une reprise des négociations suppose une implication au plus haut niveau politique. Or, le président Morsi, depuis son accession au pouvoir, évite soigneusement tout contact avec des responsables israéliens. La confrérie a bâti une bonne partie de son crédit auprès de l’opinion publique sur son discours hostile à Israël et sa politique agressive contre les Palestiniens. Et il lui serait difficile, au moins à court terme, de battre en brèche cette rhétorique anti-sioniste, même si ce discours a été grandement édulcoré dans le programme politique du Parti Liberté et justice, bras politique des Frères musulmans, avant les législatives de fin 2011, première consultation populaire post-révolution. Ainsi, les termes les plus virulents contre Israël, qui existaient dans le programme des législatives 2010, ont été supprimés et une partie sur la question palestinienne enlevée pour garder la porte ouverte à des changements futurs.

L’Egypte est certes intervenue en novembre dernier entre le Hamas et Israël pour mettre un terme à l’offensive israélienne contre la bande de Gaza consécutive à des tirs de roquettes palestiniens contre Israël. Mais cette intervention s’est faite au niveau du service de renseignements, le président évitant tout contact direct avec les Israéliens. Loin de viser une quelconque reprise d’un processus de paix en panne, cette intervention cherchait à « sauver » les habitants de la bande de Gaza des effets dévastateurs de l’attaque israélienne et à venir au secours du Hamas, mais aussi à éviter toute répercussion négative d’une offensive israélienne prolongée sur la sécurité fragile du Sinaï voisin. La médiation de l’Egypte, nécessaire, était ainsi destinée à « éteindre l’incendie » à ses frontières, à « gérer la crise » qui a éclaté à sa porte, et non à engager une quelconque action politique en direction d’Israël.

Ainsi, malgré les signes de changement qui ne trompent pas, la continuité prévaut dans les fondements de la politique égyptienne à l’égard de la question palestinienne et d’Israël : respect du traité de paix de 1979, malgré des demandes de modification de certaines dispositions concernant la sécurité dans le Sinaï ; maintien du rôle du mentor de la cause palestinienne à travers la médiation entre factions pour une réconciliation interpalestinienne. Et en dépit du penchant du nouveau pouvoir pour le Hamas, en raison de leurs affinités idéologiques, Le Caire tient à maintenir un certain équilibre entre ce dernier et le Fatah. L’Egypte doit également tenir compte, à cet égard, des positions des puissances régionales, notamment l’Arabie saoudite, et internationales, les Etats-Unis et l’Europe, qui soutiennent l’Autorité palestinienne. Ces puissances ont un rôle crucial dans le soutien financier, dont a grand besoin l’économie égyptienne .


Voir aussi :

- Ghazi Hamad, vice-ministre des Affaires étrangères du Hamas : « La réconciliation palestinienne passe par la formation d’un gouvernement d’union nationale »

Al-Ahram/Hebdo - Semaine du 3 au 9 avril 2013 - Numéro 968


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