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Comment mon ami et nominé aux Oscars, Emad Burnat, a été détenu et menacé d’expulsion à l’aéroport de Los Angeles

mercredi 27 février 2013 - 07h:26

Michael Moore

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Les Américains dans la salle du dîner se sont excusés auprès d’Emad pour la façon dont notre gouvernement et sa police de sécurité l’avaient traité. Puis, nous nous sommes assis à table, et nous avons mangé un bon rosbif à l’américaine.

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Hier soir avait lieu le dîner parrainé par l’Académie des arts du cinéma à Berverly Hills en l’honneur des réalisateurs et producteurs des cinq films nominés de cette année pour le meilleur documentaire. Ce dîner est une tradition occasionnelle que mon épouse et moi-même respectons depuis que, il y a six ans, nous avons emmené les autres nominés (nous, nous l’étions pour Sicko ) à un repas afin de nous connaître les uns les autres. L’Académie en a aimé l’idée et cette année, elle tient des dîners durant la semaine de l’Oscar pour les nominés aux Oscars de chaque catégorie séparée.

Ainsi hier soir, en tant que directeur élu de la catégorie Documentaire, avec mes collègues directeurs – Michael Apted et Rob Epstein - nous tenions ensemble le dîner des nominés pour les réalisateurs de documentaires. Mais l’un des réalisateurs nominés n’était pas là, Emad Burnat, coréalisateur du film nominé aux Oscars, Cinq caméras brisées, (avec Gui Davidi, israélien - ndt). Ce film exceptionnel, primé, qui montre comment le village d’Emad en Cisjordanie utilise la non-violence pour s’opposer à la décision du gouvernement israélien de construire un mur en plein sur leurs cultures et leur village – il suffit de voir (et de filmer sur caméra) les soldats israéliens tirant sur des civils palestiniens sans arme -, ce film est le premier documentaire palestinien nominé par l’Académie.

Alors que nous attendions l’arrivée d’Emad de l’aéroport – lui et sa famille avaient déjà perdu près de six heures à un checkpoint israélien pour aller à Amman prendre leur avion –, j’ai reçu un texto urgent d’Emad qu’il m’envoyait depuis une aire d’attente de l’aéroport de Los Angeles (LAX).

Voici ce qu’il y dit, dans un anglais quelque peu approximatif :

« Urgent – je suis à l’aéroport et là ils ont besoin de plus d’informations - pourquoi je viens ici – une invitation ou quelque chose – pouvez-vous aider – ils vont nous renvoyer si vous tardez – Emad »

Je lui ai répondu par texto aussitôt en lui disant que l’aide était en route. Il m’a dit alors que les services de l’Immigration et des Douanes les avaient placés, lui, son épouse Soraya, et leur fils de huit ans, Gibreel (et « vedette » du film), dans une pièce de détention de LAX. Me disant aussi qu’ils ne voulaient pas le croire quand il leur affirmait qu’il était réalisateur nominé aux Oscars et qu’il se rendait aux Oscars de dimanche et aux festivités à Los Angeles qui précèdent la cérémonie. Il est aussi palestinien. Et oléiculteur. Apparemment, ça faisait beaucoup trop à assimiler pour la Sécurité intérieure.

« Ils disent qu’ils vont nous mettre dans le prochain avion pour Amman », m’a-t-il écrit.

J’ai immédiatement contacté le directeur général de l’Académie, Dawn Hudson, et le directeur des opérations, Ric Robertson, qui sont à leur tour intervenus auprès du président de l’Académie, Hawk Koch. Ils ont mis la main sur l’avocat de l’Académie, lequel est aussi associé avec un avocat de l’immigration et ils sont allés travailler le problème. J’ai appelé le Département d’État à Washington DC.

J’ai dit à Emad de donner aux gens de la Sécurité intérieure mon nom et mon numéro de portable et de leur demander de m’appeler dès que possible pour que je puisse expliquer qui il est et pourquoi ils doivent le laisser passer.

Après l’avoir retenu quelque part pendant une à deux heures, en lui faisant comprendre de façon répétée que les USA ne pouvaient pas le laisser entrer dans le pays – qu’ils pourraient le renvoyer chez lui – les autorités se sont calmées, et ont libéré Emad et sa famille.

Je lui ai envoyé un texto lui disant que nous ne commencerions pas le dîner avant qu’il ne soit arrivé. Quand il est arrivé, il était choqué et bouleversé.

Il nous a dit que cette sorte de traitement est une chose à laquelle il est habitué « quotidiennement sous l’occupation  ». Il s’est adressé dans un discours impromptu, éloquent et émouvant, de sa voix douce habituelle, à tous ses collègues nominés. Il a dit que c’était son sixième voyage cette année aux États-Unis pour son film, et que c’était la première fois qu’il était mis en détention. Il nous a dit qu’ils voulaient voir un « document officiel » montrant qu’il était un nominé réel. J’ai demandé, « L’immigration n’a pas Google ? ».

Les Américains dans la salle du dîner se sont excusés auprès d’Emad pour la façon dont notre gouvernement et sa police de sécurité l’avaient traité. Puis, nous nous sommes assis à table, et nous avons mangé un bon rosbif à l’américaine.

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Les nominés dans la catégorie Documentaire. A gauche Emad et sa famille. Assis, au milieu, Gui Davidi, coréalisateur du film, israélien, qui n’a eu apparemment aucun problème à l’aéroport.
Source Paris-Match




Lire aussi :

- « Cinq caméras brisées » nominé pour les Oscars est-il un film israélien, ou palestinien ? - Asa Winstanley - The Electronic Intifada - 11 janvier 2013
- À hurler de Pierre Foglia - 22 novembre 2012

20 février 2013 - Michael Moore - traduction : Info-Palestine/JPP


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