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L’assassinat de Chokri Belaid est une attaque contre la gauche tunisienne

samedi 9 février 2013 - 14h:59

Al-Akhbar

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Après l’assassinat mercredi de Chokri Belaïd, un des premiers dirigeants de la gauche tunisienne, l’opposition cherche à unifier ses rangs pour endiguer une vague de violence qui la prend pour cible.

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Des manifestants scandent des slogans derrière des barbelés devant le ministère de l’Intérieur à Tunis, le 7 février 2013, lors d’une manifestation contre l’assassinat de Chokri Belaïd, grande figure de l’opposition et avocat des droits de l’homme - Photo : AFP/Khalil

Mardi soir, Chokri Belaïd, âgé de 49 ans et un leader de l’opposition tunisienne, est apparu sur la chaîne de télévision Nessma, dans le cadre d’une discussion sur la violence et les assassinats politiques.

Le jour qui a suivi, à 8 heures du matin le 6 février 2013, Belaid a été abattu de trois balles devant son domicile. Il est la deuxième victime de meurtres à motivation politique après Lotfi Nakhd, assassiné en octobre 2012 par des membres de la Ligue nationale pour la protection de la révolution (LNPR) à Tataouine.

Belaid est devenu un militant politique à un jeune âge. Né dans la banlieue pauvre de Jebel Jalloud, proche du centre de la ville de Tunis, il s’est engagé dans l’action politique clandestine dans une des plus célèbres organisations de la gauche tunisienne, le Mouvement des patriotes démocrates, ou MPD (connu en arabe sous le nom de Al-Watad).

Il est rapidement devenu une figure de premier plan durant les manifestations d’étudiants en Tunisie dans les années 1980. Après son inscription à l’université, Belaid est devenu l’un des plus hauts dirigeants du MPD.

Alors jeune militant, ce responsable aujourd’hui assassiné était recherché par les services de sécurité, ce qui l’a poussé à passer à la clandestinité. Au milieu des années 80, il a été arrêté au cours d’affrontements entre les étudiants et les autorités. Il a ensuite été enrôlé de force avec un groupe d’étudiants pour servir dans l’armée à Rjim Maatoug, une région éloignée du désert tunisien.

Belaid a été libéré après que le général Ben Ali ait pris le pouvoir, dans une initiative qui visait à promouvoir une sorte de détente politique.

Belaid a poursuivi son militantisme jusqu’en 1992, devenant l’un des chefs historiques du mouvement étudiant tunisien. Dans la même année, il se rendit en Irak pour terminer ses études de Droit, puis en France pour ses études supérieures.

À la fin des années 90, il retourna en Tunisie où il commença son activité professionnelle de juriste. En tant que militant progressiste, défenseur des droits humains et avocat, il s’est engagé dans les affaires liées à la liberté d’expression et à la défense des syndicats.

Cet ’avocat de gauche n’a pas hésité à défendre les salafistes qui ont été arrêtés sous le régime de Ben Ali. Belaid a également puissamment défendu les prisonniers du bassin minier de Gafsa en 2008, et a pris part aux manifestations qui ont débuté le 17 décembre 2010. Il a été arrêté une journée avant que Ben Ali ne fuit le pays.

Ascendance post-révolutionnaire

Après la chute de l’ancien régime, Belaid a pu fonder officiellement le MPD. Lors de la dernière conférence générale tenue l’automne dernier, Belaid a été élu secrétaire général.

Il a réussi à ressusciter le Parti démocrate nationaliste unifié, dont il était le secrétaire général, et il a été également parmi les dirigeants qui ont fondé le Front populaire, une union des partis de gauche et baasiste.

Belaid donnait souvent des discours publics à travers les villes et les villages en Tunisie. Récemment, le parti al-Nahda (ou Ennahda) , ainsi que le ministre de l’Intérieur, Ali al-Arid, l’ont accusé d’être l’instigateur des manifestations dans les villes de Sidi Bouzid, Gafsa, Kasserine, et Siliana.

Depuis l’arrivée d’Ennahda au pouvoir, Belaid a été à plusieurs reprises la cible d’attaques dans les médias sociaux, suite à son ascension comme figure de l’opposition. Dans un clip qui a fait le tour des réseaux, un groupe de salafistes semblait même appeler à son assassinat.

En plus d’avoir vu sa maison mise en pièce durant le dernier Ramadan, sa femme et un certain nombre de ses amis et associés du Front Populaire, ont confirmé qu’il avait reçu des menaces de mort.

Belaïd avait dénoncé avec succès le gouvernement comme étant subordonné au « néo-colonialisme Qatari ». Il avait également accusé al-Nahda d’encourager le terrorisme en créant un climat de peur dans la population tunisienne.

La veille de son assassinat, il avait appelé à la tenue d’un dialogue national pour discuter de la violence, tout en exigeant que le gouvernement agisse contre les groupes qui s’attaquent aux libertés publiques dans le pays.

Un Front populaire sans Chokri Belaid

La mort de Belaid laisse de gros points d’interrogation sur l’avenir du Front populaire, en particulier l’organisation des patriotes démocrates. Malgré le fait qu’il n’était pas le plus ancien des dirigeants du MPD, il avait réussi à devenir l’un des plus en vue.

Avec sa disparation, la gauche perd la force de conviction de Belaid pour transformer le Front populaire en une force politique majeure devant imposer une forte présence lors des prochaines élections. De nombreux sondages ont déjà confirmé que le Front populaire gagnait rapidement du terrain.

Mais l’assassinat de Belaid pourrait pousser d’autres organisations de gauche à rejoindre le Front populaire. Après le meurtre, le Front a uni ses forces avec le Nida, ou parti de l’Appel de la Tunisie,afin de mettre en place une coalition.

Cette coalition de l’opposition, qui réunira de nombreux partis démocratiques, devrait représenter une force politique avec laquelle il faudra compter. Le gouvernement, en particulier al-Nahda, va se trouver face à un large front qui réunit la gauche radicale, le centre gauche et les libéraux.

Cette alliance politique n’aurait pas vu le jour s’il n’y avait pas eu l’assassinat de Belaid. Il est vrai que dans le passé, le Front Populaire et son dirigeant aujourd’hui assassiné, avaient refusé de s’associer avec le parti Nida. L’assassinat a donc eu pour effet d’unifier les voix de l’opposition contre le gouvernement et Ennahda, tenus par toutes les partis pour politiquement responsables du climat actuel de violence.

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7 février 2013 - Al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine - Claude Zurbach


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