16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Le silence israélien sur la Syrie est stratégique

lundi 4 février 2013 - 07h:21

Dan Williams – Ma’an News Agency

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Les secrets militaires ne sont pas divulgués avec empressement, nulle part. Mais en Israël, le silence général qui entoure les dirigeants après un évènement comme la mystérieuse frappe aérienne de mercredi dernier en Syrie illustre une stratégie plus profonde impliquant à la fois dissuasion et sensibilisation.

JPEG - 14.1 ko
Les restes d’un char d’assaut israélien photographiés sur les Hauteurs du Golan
Maan Images




Au-delà de la préoccupation coutumière qui est la leur à protéger des espions et des tactiques pour un gouvernement engagé en ce moment dans une confrontation plus importante avec l’Iran, les Israéliens voient dans une telle réserve le moyen permettant à leurs ennemis de sauver la face et réduisant donc les risques de représailles et d’escalade.

Se taire, et ainsi éviter les accusations de fanfaronnades provocantes sur ses exploits, facilite aussi la coopération discrète d’Israël avec ses voisins musulmans – telles la Turquie ou la Jordanie – qui pourraient autrement se sentir obligés de prendre leur distance.

Les dirigeants israéliens trouvent aussi un avantage interne à ne pas claironner un succès qui pourrait donner à leur opinion, voire à leurs alliés occidentaux, une confiance exagérée dans les capacités de leurs forces.

Et compte tenu des protestations internationales à attendre après une attaque sans provocation préalable contre un pouvoir souverain, attaque qui constitue une violation du droit international, reconnaître le fait ne ferait que provoquer des complications sur le plan diplomatique.

Ainsi, en 2007, quand le Premier ministre d’alors, Ehud Olmert, a muselé son cabinet après le bombardement d’un réacteur atomique syrien suspect – une politique consistant à ne faire aucun commentaire toujours en vigueur, même si les États-Unis ont librement discuté de cette sortie israélienne et de sa cible.

Olmert « voulait éviter tout ce qui pourrait acculer la Syrie et obliger à Assad à des représailles  », rappelle le président US de l’époque, George W. Bush, dans ses mémoires.

Un ancien collaborateur d’Olmert a confirmé cette version, disant à Reuters que le Premier ministre craignait aussi pour ses liens militaires étroits avec la Turquie, dont le territoire avait été survolé par les avions israéliens en route pour la Syrie.

Les Israéliens étaient alors – comme aujourd’hui – prêts à menacer de guerre leur ennemi juré, l’Iran. Olmert, qui se demandait si Israël avait assez de poids pour tenir à distance un adversaire beaucoup plus important, ne voulait pas tromper son opinion en montant en épingle un succès, mais un raid sur une beaucoup petite échelle contre la Syrie toute proche.

« Nous savions que le message sur ce qui s’était passé serait reçu par les dirigeants syriens et iraniens, et cela nous suffisait », affirme cet ancien collaborateur sous couvert d’anonymat.

Donc, si Israël a attaqué un convoi d’armes syrien se dirigeant vers les guérilléros du Hezbollah du Liban, ou un centre militaire proche de Damas, mercredi à l’aube, comme l’affirment différentes sources, une même logique pourrait amener le Premier ministre Benjamin Netanyahu, son cabinet et ses responsables de la Défense à rester discrets.

S‘attaquer au programme nucléaire iranien est la priorité absolue d’Israël, ce qui le rend hésitant à s’embarquer dans d’autres conflits – spécialement avec le gouvernement Assad syrien, un vieil ennemi dont les menaces se sont édulcorées, aux yeux des Israéliens, avec les deux ans de rébellion.

Israël ne cherche pas davantage à s’emporter avec le Hezbollah, lequel n’a pas déclenché de tirs depuis leur guerre de 2006 dans le sud du Liban.

Les lignes et les alliés

La Russie, depuis longtemps fournisseur d’armes de Damas, a déclaré que toute attaque aérienne israélienne équivaudrait à une ingérence militaire qui serait inacceptable.

Un ancien conseiller israélien à la sécurité nationale, Giora Eiland, a approuvé. Si Israël attaquait effectivement la Syrie, a-t-il dit, esquivant l’examen juridique qui pourrait constituer une deuxième raison au silence d’Israël : « les Nations-Unies ne se lèveront jamais pour soutenir une opération militaire – certainement pas par Israël », a déclaré Eiland à Reuters.

Ayant à l’esprit, peut-être, le silence auto-imposé qui ferait suite à tout raid, les officiels israéliens pourraient avoir pris soin de fournir au préalable des justifications à toute intervention.

Pendant des mois, ils ont déclaré que si le Hezbollah soutenu par les Iraniens, ou les rebelles islamistes de Syrie, acquéraient des armes chimiques syriennes ou des missiles russes perfectionnés, alors que l’emprise d’Assad faiblissait, cela pourrait constituer un nouvel ordre de menace pour Israël – une « ligne rouge » que le gouvernement Netanyahu a dit qu’il ne fallait pas franchir.

De tels avertissements se sont multipliés en début de cette semaine, puis se sont étouffés quand la nouvelle de l’opération de mercredi est tombée – quoique quelques heures après qu’elle ait eu lieu, un décalage attestant par lui-même de la discrétion israélienne et, peut-être, de la réticence syrienne et libanaise à la révéler à l’opinion.

Les censeurs militaires d’Israël sont alors rapidement intervenus, interdisant aux médias de rapporter quoi que ce soit là-dessus à partir de sources israéliennes.

Que des médias israéliens fassent des commentaires même anonymes sur une attaque contre la Syrie par les dirigeants israéliens ne ferait que rendre plus difficile pour le gouvernement israélien d’éviter une provocation hostile de la Turquie, de l’Arabie saoudite et d’autres sur lesquels ils comptent pour au moins être tranquilles dans leur lutte avec l’ennemi commun, Téhéran.

L’ancien conseiller d’Olmert a déclaré que la politique du secret d’Israël équivalait à « une reconnaissance de la virilité du Moyen-Orient » - ne pas ajouter l’insulte à la blessure pour les ennemis, comme pour les amis. La maîtrise de leurs propres médias par les censeurs illustre le fait que, « dans cette partie du monde, beaucoup considèrent le message venant d’un média d’un pays comme un message venant du gouvernement de ce pays. »

Ainsi, si Israël veut éviter de provoquer la Syrie, le Hezbollah et l’Iran, ou de s’aliéner la Turquie et les Arabes sunnites, selon l’ancien conseiller : « le silence est la meilleure des voies à suivre  ».

Sur le sujet :

- Israël intervient ouvertement sur le front syrien - Al-Akhbar
- La frappe aérienne israélienne sur la Syrie : une occasion à saisir - Al-Akhbar

Jérusalem, le 1er février 2013 - Ma’an - traduction : Info-Palestine/JPP


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.