Lorsque les choses vont mal en interne, les États arabes se mettent trop souvent à la recherche d’un bouc émissaire, de préférence faible.

Palestiniens enfuis du camp de réfugiés de Yarmouk à Damas, et dans l’attente d’une prise en charge minimale dans la ville de Homs - Photo : AFP

Et ce bouc émissaire s’avère souvent être les Palestiniens vivant dans le pays. Les accusations et les rumeurs fabriquées de toutes pièces peuvent facilement conduire à des campagnes haineuses qui parfois dégénèrent en massacres.

Au Koweït, les Palestiniens ont payé un lourd tribut pour l’occupation décidée par l’ancien président irakien Saddam Hussein, alors que la majorité d’entre eux condamnaient l’occupation et voulaient un retrait irakien complet.

En Irak, les Palestiniens ont été massacrés par les milices des différentes sectes. Cette tragédie s’est répétée dans le camp de réfugiés de Nahr al-Bared au nord du Liban et dans celui de Yarmouk en Syrie. Et ceci ne doit pas nous faire oublier que l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi avait chassé les Palestiniens du pays en raison d’un conflit avec leurs dirigeants.

À présent, les médias égyptiens ont commencé à diffuser des bruits sur 7000 combattants du Hamas qui se seraient infiltrés dans le pays via les tunnels transfrontaliers de Rafah. À certains moments, ils protègent le palais du Président Morsi, à d’autres ils libèrent les criminels des prisons.

Selon ces accusations fantaisistes, le nombre d’agents infiltrés augmenterait de jour en jour et ceux-ci seraient chargés d’exécuter des attaques terroristes en Égypte pour appuyer le président Mohammed Morsi et les Frères musulmans, afin de les défendre contre leurs « ennemis » libéraux et laïcs du Front du Salut National [FSN] et du parti Al-Dustour, dirigé par Mohammed el-Baradei.

Le choix du Hamas n’est en rien dû au hasard, puisque le mouvement palestinien est affilié aux Frères musulmans. Le Hamas est considéré comme une extension militaire du mouvement des Frères, et c’est ainsi que les partis d’opposition ont réagi face à la dernière diabolisation du mouvement palestinien.

Le Hamas n’a pas 7000 combattants à envoyer sur la place Tahrir ou à l’Ittiyihada [club de football]. Et s’il disposait d’un tel nombre, comment ces combattants auraient-ils traversé 400 kilomètres de désert du Sinaï, en passant le canal de Suez puis allant jusqu’au Caire, sans attirer l’attention des forces de sécurité égyptiennes ? Si le Hamas avait réussi cela, ce serait une terrible insulte aux forces armées de l’Égypte.

Les Frères musulmans, qui jouissent encore du soutien de millions d’Égyptiens, n’ont pas besoin du renfort de quelques individus - appartenant à un mouvement assiégé dans la bande de Gaza - pour protéger le palais présidentiel. Le Hamas n’a jamais envoyé de saboteurs en Égypte durant l’ère Moubarak, malgré l’hostilité et la haine de l’ex-Président à l’égard des Palestiniens. Alors, pourquoi iraient-ils tenter de déstabiliser l’Égypte sous le règne d’un président qui s’active à alléger le blocus imposé à la bande de Gaza ?

La campagne actuelle, faite pour alimenter les divisions entre les peuples égyptien et palestinien, n’est pas la première de son genre. Une campagne de diffamation similaire a été lancée autour d’un supposé plan pour réinstaller les habitants de Gaza dans le Sinaï, avec le soit-disant soutien de la Confrérie Musulmane.

Les personnes qui propagent ce genre de mensonges sournois utilisent toujours la carte de la réinstallation, connaissant le caractère sacré du territoire national pour le peuple égyptien. Les Égyptiens ne savent pas que les habitants de Gaza ont déjà refusé des transferts vers le Sinaï, soutenue d’ailleurs par l’ancien président Gamal Abdel Nasser.

Rappelez-vous... En dépit d’un blocus israélien vieux de huit ans contre la bande de Gaza, les Palestiniens ne sont jamais partis pour le Sinaï.

N’oublions pas que lorsque les Israéliens ont occupé la bande de Gaza et le Sinaï en 1967, ils ont établi un camp de réfugiés le long de la frontière - l’appelant le Camp Canada - et lorsque les troupes israéliennes se sont retirées, les Palestiniens du camp ont demandé à rentrer à Gaza.

Les Palestiniens de Gaza ne voulaient pas rester dans des territoires non-palestiniens, ce qui ne les empêchait pas d’exprimer leur gratitude au peuple égyptien de les avoir accueillis sur une si longue période.

Et pourtant, la haine contre les Palestiniens continue de se propager - une haine qui ne fait pas de distinction entre les partisans du Hamas et du Fatah, et qui a commencé 20 ans avant que le Hamas n’existe.

Après la signature de l’accord de Camp David, qui a humilié le peuple égyptien et les humilie encore aujourd’hui, certaines voix égyptiennes font maintenant de l’incitation à la haine contre les Palestiniens, en se focalisant sur les quelques villas que de riches citoyens possèdent en Jordanie et dans les États du Golfe - tandis que les Égyptiens ont du mal à joindre les deux bouts.

Pendant la guerre du Koweït, le même type de campagne avait été lancée dans la presse égyptienne, affirmant que les Palestiniens étaient retombés au pied d’une échelle qu’ils avaient auparavant escaladée, sous le nez de leurs frères égyptiens.

Les partisans du régime de Moubarak sont les responsables de ce genre de campagne. Les nostalgiques du régime reviennent à leurs vieux trucs pour capitaliser sur la crise actuelle qui menace l’unité nationale en Égypte.

Je ne m’attendais pas à avoir à écrire cet article, car je pensais que le peuple égyptien ne se laisserait pas abuser par ces mensonges. Mais un confrère égyptien d’al-Ahram m’a appelé pour exprimer sa colère que les Palestiniens aient recours à la violence contre l’Égypte.

Si un journaliste expérimenté, qui aime la Palestine - il a déjà pris la rue pour manifester contre le blocus israélien, et il a même été agressés par les forces de sécurité - peut croire à ces mensonges, alors que dire des millions d’Égyptiens du peuple ?

Nous aimons l’Égypte : nous considérons ce pays comme un phare qui peut conduire la Palestine à la sécurité et aider notre nation à se libérer d’une subordination qui dure depuis trop longtemps. Nous aimons l’Égypte indépendamment de ses dirigeants. Si un pouvoir est bon et honnête, très bien, mais s’il est corrompu, nous irions encore et toujours soutenir les Égyptiens dans leur lutte contre la corruption et la tyrannie.

Les Palestiniens soutiennent l’Égypte. Nous espérons seulement que les magiciens de l’ex-Pharaon vont mettre fin à leurs tentatives de sédition, car ils ne représentent pas le pays ni ses habitants.

* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.

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30 janvier 2013 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.bariatwan.com/english/?p=1250
Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib