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Jugeons le Hamas sur pièces

samedi 14 avril 2007 - 11h:33

Chris Patten - Jeune Afrique

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Le Hamas a d’abord été la branche palestinienne, dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, des Frères musulmans. Au départ, il se consacrait à la politique et à l’aide sociale. Il s’est radicalisé et s’est tourné vers le terrorisme, y compris les attentats-suicides, en réponse à l’occupation de la Palestine et dans le cadre de la bataille d’influence avec le Fatah de Yasser Arafat. Le Hamas a été responsable de quelques actes de terrorisme effroyables.
En 2006, sous la pression des États-Unis et de l’Union européenne (UE), des élections démocratiques ont été organisées en Palestine.

Aucun obstacle n’a été mis à sa participation. Au grand étonnement des services de renseignements et des diplomates occidentaux, le Hamas a remporté une nette victoire. Il a alors - c’est le jeu démocratique - formé un gouvernement qu’Israël, l’Europe et les États-Unis ont refusé de reconnaître. Les Arabes « modérés » ont d’abord marqué leur désapprobation.

Or il se trouvait que Mahmoud Abbas avait déjà été élu président de l’Autorité palestinienne pour remplacer Arafat, qui, comme la secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice l’a souvent fait observer, était « le problème ». Il n’était pas un « partenaire pour la paix ». Désormais, nous avions un modéré, un homme qui pouvait être reçu à la Maison Blanche et avec lequel nous pouvions nous entendre. Sauf que nous n’avons passé aucun accord avec lui. Le fait qu’il avait à ses côtés un gouvernement où le Hamas était majoritaire signifiait, prétendait-on, qu’il n’y avait toujours pas de partenaire palestinien. Nous avons donc blackboulé le Hamas, coupé l’essentiel de l’aide qui assurait la survie de l’Autorité palestinienne et accordé une aide financière humanitaire par des détours compliqués et pas très efficaces.

L’une des rares réussites de ces dernières années en Palestine a été la création d’un ministère des Finances dirigé par un ancien haut fonctionnaire du FMI, Salam Fayyad, un homme de qualité, honnête et compétent. Avant que l’UE et d’autres lui versent de l’argent, sous le contrôle du FMI et de la Banque mondiale, ce qui était envoyé aux Palestiniens n’était guère contrôlé. Après la suspension de ces versements à cause du Hamas, l’aide est arrivée au compte-gouttes et à l’aveuglette.

Grâce aux bons offices de l’Arabie saoudite, le Hamas et le Fatah se sont mis d’accord, à La Mecque, sur la formation d’un gouvernement d’union nationale. Quelle a été la réaction des États-Unis et de l’UE ? S’obstiner dans leur refus de traiter avec le gouvernement de Ramallah si le Hamas ne se pliait pas à leurs conditions, notamment la reconnaissance explicite de l’État d’Israël (c’est plus que ce que l’on demande à un certain nombre de gouvernements arabes).

Il est grand temps de faire preuve d’un peu de réalisme si nous voulons éviter l’anarchie en Palestine. Il faut juger le nouveau gouvernement, y compris le Hamas, sur ses résultats. D’abord, imposera-t-il un cessez-le-feu et mettra-t-il fin aux tirs de roquettes du Djihad islamique sur Israël ? En deuxième lieu, obtiendra-t-il la libération du caporal israélien Gilad Shalit dans le cadre d’un échange de prisonniers ? Troisièmement, les dirigeants du Hamas apporteront-ils la preuve qu’ils n’ont pas l’intention de faire de la Palestine un État fondamentaliste en modifiant la politique sociale et scolaire des ministères dont ils ont la charge ? Quatrièmement, accepteront-ils qu’un accord final négocié par Mahmoud Abbas avec Israël les engage impérativement s’il est entériné par un référendum national ?

Continuer à soumettre la Palestine à un blocus, avec des sanctions financières lourdes de conséquences, présente trois risques graves. D’abord, nous inviterions les Saoudiens et les autres pays arabes amis qui ont approuvé l’accord de La Mecque à aller voir ailleurs. Pourtant, nous souhaitons qu’ils jouent un rôle constructif aux côtés des États-Unis et de l’Europe à un moment où notre prestige dans la région est au plus bas. Ensuite, nous découragerions le Hamas d’adopter une politique plus modérée, exactement le contraire de ce que les États-Unis ont à juste titre demandé à la Grande-Bretagne de faire avec le Sinn Fein en Irlande. Enfin, nous nous rendrions complices de l’élimination de l’Autorité palestinienne. Nous détruirions les fondements d’un gouvernement de la Cisjordanie et de Gaza. La Palestine ne serait plus que deux camps de réfugiés emmurés. Dans le même temps, nous fermerions probablement les yeux sur la multiplication des colonies israéliennes, en particulier dans les quartiers est de Jérusalem, ce qui risque de rendre impossible la solution de deux États viables.










Chris Patten, ancien commissaire européen aux Relations extérieures, rentre d’un voyage en Israël et en Palestine.

Chris Patten - Financial Times via Jeune Afrique, le 1er avril 2007


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