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C’est à l’armée, que s’est adressé Bachar al-Assad

lundi 14 janvier 2013 - 07h:19

Robert Fisk

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Le public visé par le spectacle présidentiel à l’Opéra, c’était l’armée. Le message à destination des Syriens est clair : l’armée est le socle du pouvoir.

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Bachar al-Assad lors de son discours à l’Opéra

Bachar al-Assad s’adressait en réalité à ses soldats, hier, - et aux spectres de leurs 12 000 morts. Les visages de centaines de ces « martyrs » gouvernementaux, en couleur ou en noir et blanc sur fond d’immense drapeau syrien rouge-vert- noir, défilaient sur le mur de l’Opéra Assad, juste derrière le président.

C’était, peut être, morbide. Théâtral, sûrement. Il a dû falloir des jours pour assembler tout cela. Mais le message adressé aux Syriens était suffisamment clair : le pouvoir repose sur l’armée. Il les a salués, leur a rendu hommage, « eux les officiers, les sous-officiers, les courageux soldats ». Il n’a jamais mentionné le Parti Baas, a expédié les milices gouvernementales détestées.

Mais les militaires syriens – l’Armée arabe syrienne – auraient tout aussi bien pu se trouver sur la scène de 34 mètres avec lui. Les noms des morts, dit-il, « pourraient être tracés en lettres de feu ». Et leurs visages morts fixaient le public comme en un muet reproche.

Ceux qui haïssent Assad nous rappellerons que le plus important discours d’Hitler a été tenu au Kroll Opera.Le plus important discours de Bachar el-Assad fut prononcé hier dans un opéra tout juste ouvert, il y a neuf ans. La première œuvre jouée au Kroll - et l’une des premières à « l’Assad » - c’était le Mariage de Figaro.Tous les discours sont dramaturgie.

La comparaison s’arrête là. Hitler y déclarait la guerre aux États-Unis. Assad poursuivait sa guerre contre les « terroristes » armés. Mais - pitié pour l’Occident - Assad est bien loin de la mégalomanie hitlérienne, et, bien qu’elle ait paru fort ennuyeuse à ses adversaires, son allocution comportait quelques indices propres à intriguer au sujet de ce qui se passe dans les allées du pouvoir baasiste.

Sa curieuse façon de faire référence à la bataille pour Ras al-Ein est importante. Ce minuscule conflit à Hassakeh a opposé l’Union Démocratique du Kurdistan - qui tend d’elle-même à s’allier au régime – et l’Armée Libre Syrienne et ses alliés qui se sont aliénés les Kurdes et les ont parfois insultés. Assad rendait hommage à ses amis syriens non - arabes, suggérant que les Syriens en armes n’ont aucune raison de rester aux côtés de ses opposants.

Question : le président syrien tente-t-il de reconquérir des portions de son territoire par un appel au peuple plutôt qu’avec des moyens militaires ? Une bonne part de déjà entendu : le « dialogue national », la sécurisation de la frontière et le « pacte national ». Familière aussi l’affirmation selon laquelle Chine et Russie étaient ce qui se fait de mieux depuis que l’amitié existe. Et j’ai été un peu interloqué par sa forte déclaration selon laquelle l’idéologie de jihadistes, leur désir de destruction de la Syrie et l’existence de leurs soutiens à l’étranger avaient pour conséquence l’absence de tout interlocuteur parmi eux. N’est-ce pas là ce que Netanyahou dit du Hamas ?

Mais c’était l’armée qui a pris le pouvoir. Pas le parti. Pas la famille. Ces militaires, qui pour l’Occident, sont pratiquement des criminels de guerre. Les jeunes civils - qui combattent pour eux - s’en rendent-ils compte ? Je suppose que Assad, lui, s’en est rendu compte.

L’Occident va titrer sur une évidence : « Je m’en irai un jour, mais le pays est toujours là. » La vérité ? Déroutante. L’homme n’est pas hors-jeu. Son armée non plus. Hélas, la guerre se poursuit.

* Robert Fisk est le correspondant du journal The Independent pour le Moyen Orient. Il a écrit de nombreux livres sur cette région dont : La grande guerre pour la civilisation : L’Occident à la conquête du Moyen-Orient.

Du même auteur :

- « Le progrès arabe empêtré par une langue fossilisée ? » - 9 janvier 2013
- Moyen-Orient : un « point de non-retour » pour nos pitoyables clichés - 29 décembre 2012
- Les réalités terribles qui maintiennent le régime Assad au pouvoir - 24 mars 2012->http://www.info-palestine.eu/spip.php?article13008] - 21 décembre 2012
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6 janvier 2013 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/voices...
Traduction : Info-Palestine.eu - Michel Zurbach


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