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Les fruits de la victoire

dimanche 2 décembre 2012 - 09h:42

Saleh al-Naami

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Les Palestiniens ont célébré dans Gaza, l’arrêt de l’agression militaire israélienne sur le petit territoire soumis au blocus, écrit Saleh al-Naami.

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Au milieu des gravats laissé par les bombardements israéliens, ces fillettes retournent à l’école... - Photo : AP

Ghassan Abu Semha, 49 ans, a été étonné quand il a vu dimanche un grand nombre de poissons frais exposés à la vente au marché local dans le camp de réfugiés d’Al-Maghazi, au centre de la bande de Gaza. Pendant des années il n’y avait jamais eu autant de poissons en vente. Avant de faire ses propres achats, il a appelé sa sœur Nahla, 36 ans, pour lui annoncer qu’elle pouvait trouver du poisson au marché, pour toute sa famille et à un prix raisonnable.

Cette abondance de poissons dans la Bande de Gaza - la première fois depuis 10 ans - est indirectement le résultat d’un accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël sous les auspices de l’Égypte. Pour la première fois, un accord prévoit qu’Israël permette aux pêcheurs palestiniens de Gaza de naviguer en mer jusqu’à à six milles au lieu de trois. Israël a cédé aux exigences du Hamas en élargissant la zone de pêche, le groupe de la résistance palestinienne présentant cela comme une condition préalable pour un cessez-le-feu après les récentes confrontations. [Depuis, les Israéliens ont à plusieurs reprises violé l’accord, tuant et blessant des Palestiniens de Gaza et kidnappant des pêcheurs - N.d.T]

Cet accord revêt une grande signification pour la résistance palestinienne. Des entretiens ont commencés au Caire lundi entre les représentants du gouvernement du Hamas à Gaza, menés par le vice-Premier ministre Ziad Al-Zaza, et une délégation israélienne dirigée par Ishak Molkho, conseiller politique du Premier ministre Binyamin Netanyahu, pour mettre en application les termes du cessez-le-feu.

Ceux-ci incluent la fin des assassinats par Israël des membres de la résistance dans la Bande de Gaza, un allégement du blocus avec la ré-ouverture de passages à vocation commerciale entre Israël et la Bande de Gaza, la possibilité pour les pêcheurs palestiniens d’aller plus loin d en mer Méditerranée, la fin de la buffer zone imposée par Israël tout au long de la ligne de séparation, qui est de 300 à 1000 mètres de profondeur et qui empêche des milliers d’agriculteurs palestiniens d’atteindre leurs champs.

En contrepartie,le Hamas est responsable de l’arrêt de toutes les attaques de fusée contre des colonies juives au sud d’Israël. Le Hamas a intentionnellement envoyé un membre expérimenté du cabinet de Haniyeh pour discuter la mise en œuvre des termes de l’accord, manifestant ainsi sa volonté de lever le siège sur Gaza. Le Hamas prépare ainsi le terrain pour des projets de reconstruction de l’infrastructure de Gaza, et pour mettre fin aux ruptures d’approvisionnement en énergie électrique.

À La différence de la guerre lancée par Israël à la fin 2008, il est clair cette fois-ci que les Palestiniens estiment avoir remporté une indéniable victoire sur Israël, en dépit des tués et des destructions endurées. La maison d’Ibrahim Diba, 53 ans, un partisan du Fatah qui vit au nord de la Bande de Gaza, a été détruite par des missiles des forces d’occupation durant la récente agression, sous le prétexte que des résistant palestiniens avaient tiré à proximité une fusée vers des colonies. Se tenant devant les décombres de ce qui avait été sa maison, Diba déclare qu’en dépit de la perte de sa maison, il était très fier des grandes réalisations de la résistance palestinienne.

Beaucoup de Gazaouis éprouvent les mêmes sentiments, alors qu’en Israël l’humeur est plutôt sombre quant aux résultats de la récente confrontation. Après que l’assaut ait été stoppé, les médias israéliens ont rendu compte de la façon dont l’armée israélienne d’occupation a délibérément visé les civils palestiniens. Les Médecins israéliens pour les Droits de l’Homme ont publié un rapport dans le journal Yediot Aharonot pour dénoncer comme mensongères les affirmations de l’armée selon quoi les opérations à Gaza étaient ciblées et visaient seulement à assassiner des militants des groupes de la résistance palestinienne. Le rapport s’appuie sur une étude des frappes réalisées, montrant à l’évidence que l’armée n’a pas hésité une seule seconde à massacrer des civils.

Presque tous les commentateurs israéliens reconnaissent que le mouvement Hamas est le grand vainqueur des combats récents, et les exigences se sont renforcées pour un dialogue avec cette organisation. Efraim Halevi, ancien chef de Mossad, a abondé dans ce sens en ajoutant que le recours à l’agression pour résoudre les problèmes internes israéliens a été un mauvais choix.

Le débat interne en Israël après l’assaut, a indiqué qu’une partie de l’élite dit maintenant comprendre la résistance palestinienne contre l’occupation. Dans un article du journal Haaretz, le philosophe juif Shlomo Zand relève que les Palestiniens sont des résistants, que s’ils tirent des fusées, c’est contre l’occupation, et que le mouvement sioniste a dépouillé les Palestiniens de leur terre et a créé sa propre entité politique à leurs dépends.

Beaucoup de commentateurs israéliens ont rappelé ce que le Ministre de la défense, Ehud Barak, avait dit dans une entrevue télévisée en 1991, alors qu’il quittait son poste de commandant en chef de l’armée d’occupation : « Si j’étais un Palestinien, je me joindrais naturellement à un des groupes palestiniens que nous considérons comme terroristes. »

L’analyste israélien Kobe Neff estime que les prétentions de la droite israélienne de supprimer la résistance palestinienne, étaient illogiques et irréalisables. Neff rappelle que l’élite israélienne répète les mêmes slogans à la veille de chaque assaut militaire sur Gaza, et il a invité les dirigeants israéliens à rechercher d’autres solutions que la force militaire brutale.

Les déclarations les plus retentissantes ont été faites par l’ancien Ministre de la défense Binyamin Ben Eliezer [criminel notoire - N.d.T] dans une entrevue avec la télévision israélienne 10 le 22 novembre. Ben Eliezer a critiqué le fait que Ahmed Khalil al-Jabari - le commandant en chef des Brigades d’Ezzedine Al-Qassam, l’aile militaire du Hamas, assassiné par Israël au début de son assaut militaire - soit décrit comme un « criminel ». « Si al-Jabari est un criminel, alors Rabin et Sharon sont également des criminels, » a-t-il déclaré.

Le rôle de l’Égypte a été décisif pour forcer Netanyahu à arrêter sa guerre. Udi Segal, un commentateur politique sur la seconde chaine israélienne, a indiquée qu’avant que la trêve ne soit annoncée, les officiels égyptiens ont envoyé un message du Président égyptien Mohamed Morsi à Tamir Pardo, le chef du Mossad venu au Caire trois jours après le début de l’assaut, qui si Israël lançait une offensive au sol sur la Bande de Gaza, l’Égypte dénoncerait unilatéralement le Traité de Camp David. Segal a expliqué que la menace de Morsi a terrifié des dirigeants à Tel Aviv et que c’était une des raisons qui faisaient que Netanyahu avait stoppé l’assaut sur Gaza.

Amnon Abramovich, un commentateur de la même châine, a indiqué que le Président Barack Obama a discuté à deux reprises avec le président Morsi, l’invitant à parler avec Netanyahu. Mais Morsi a résolument répondu non.

Quant à Liberman, le ministre israélien des affaires étrangères, il est devenu la risée des médias israéliens après qu’il ait fait l’éloge de Morsi pour son rôle dans la trêve, alors qu’il avait dans le passé parlé de bombarder le barrage d’Assouan. Shlomo Eldar, un commentateur de la chaîne 10 s’est moqué de lui : « Lieberman s’est rendu compte qu’après avoir insulté l’ancien président [Hosni] Mubarak, considéré comme un allié stratégique pour Israël, il n’a eu d’autre choix que de féliciter Morsi qui prouve dans chacune de ses initiatives son hostilité envers Israël. »

Zivi Mazil, ancien ambassadeur israélien au Caire, a réfuté les affirmations de Lieberman sur le rôle joué par Morsi dans le cessez-le-feu. Mazil a opposé l’idée que Morsi y était au contraire très hostile, et qu’il voulait assurer un parapluie politique pour la résistance palestinienne dans la Bande de Gaza. Il a ajouté que le président resterait toujours hostile envers Israël, en raison de son appartenance au mouvement de la Confrérie musulmane [Frères musulmans].

On peut dire sans grand risque aujourd’hui que les Palestiniens récoltent les fruits de leur immuabilité et de leur succès face aux agressions israéliennes. Leur forte résolution est renforcée par les effets des bouleversements dans le monde arabe, et particulièrement par l’actuelle transition égyptienne vers la démocratie.

Du même auteur :

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28 novembre 2012 - al-Ahram Weekly - vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/News/392...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach


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