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Palestine occupée : donations et pressions politiques

mercredi 14 novembre 2012 - 07h:03

Ramzy Baroud

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En Malaisie, un petit groupe de militants organisés en communauté, s’efforce de développer des projets bénéficiant aux membres les plus exposés de la société palestinienne dans Gaza.

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A l’occasion de la visite de l’émir du Qatar à Gaza...

S’activant dans le cadre de Viva Palestine Malaisie (VPM), le groupe fait la preuve de sa solidarité à travers des outils tels que des prêts sans intérêt pour des micro-projets donnant un emploi à des femmes, ou comme la fourniture de milliers de lampes solaires pour lutter contre l’obscurité permanente imposée à tant de familles, pour ne prendre que ces deux exemples.

La somme des efforts développés par VPM est importante, parce qu’elle est basée sur le long terme. Mais également important : les fonds affectés aux projets ne sont dépendants d’aucun agenda politique et ne sont liés à aucune condition (ou concession) de la part des Palestiniens. Il est difficile d’en dire autant des relations entre la société palestinienne, son leadership, et les fonds venant de l’extérieur, qui ont commencé à affluer avec des objectifs politiques clairs, appliqués avec dévouement par ceux qui fournissent les fonds et ceux qui les réceptionnent.

Ces relations se retrouvaient une fois de plus au centre des débats, à la suite de la récente visite de Cheikh Hamad bin Khalifa Al Thani, émir du Qatar dans Gaza. Rappelons que Gaza est sous blocus israélien depuis la victoire du Hamas aux élections de janvier 2006. Ce blocus est devenu complet en 2007, après que le Hamas se soit opposé à son rival du Fatah, ce dernier considéré par Israël et les États-Unis comme « modéré ».

Al Jazeera a rapporté que la venue de l’émir à Gaza avait pour raison « l’inauguration d’un projet d’investissement qatari d’une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars afin de reconstruire l’enclave côtière terriblement appauvrie et surpeuplée. » Le Premier ministre de Gaza, Ismaël Haniyeh, interpréta la visite sur une échelle plus large : « La visite de l’émir annonce officiellement la rupture du siège politique et économique imposé à Gaza depuis plus de cinq ans. »

Les analystes, selon leurs sensibilités politiques, ont cependant parlé en termes assez différents des raisons qui sous-tendent la générosité du Qatar. Ceux qui sont bienveillants à l’égard du Fatah ont averti que permettre au Hamas de se comporter dans l’enclave de Gaza comme s’il était à la tête d’un État approfondira encore plus le clivage politique national. D’autres ont évoqué plus directement une récompense qatarie au Hamas pour avoir quitté la Syrie au plus fort des luttes d’influences des pouvoirs régionaux, déclenchées par le ainsi-nommé Printemps arabe.

À en juger par la réponse plutôt mesurée ou réservée d’Israël, des États-Unis et d’autres pays, qui auraient pu rendre impossible cette visite de l’émir dans Gaza, la Syrie pourraient avoir été le mot-clé derrière l’initiative qui se voulait apparemment désintéressée.

Mais en tous cas, il n’y a guère de contradiction entre cet épisode et l’histoire des nombreuses manipulations politiques accompagnant l’attribution des fonds. Cette relation parfaitement intégrée date même d’avant la signature des Accords d’Oslo en septembre 1993. Oslo a cependant institutionnalisé et cimenté cette relation à bien des égards.

À peine deux semaines après la signature de la Déclaration de Principes (DoP), l’aide internationale devint un sujet central impliquant en priorité les pays donateurs occidentaux, les pays arabes et d’autres. Bien que le cadre politique d’Oslo soit quasiment défunt, l’aide internationale se poursuit.

Les hauts et bas dans les versements d’argent sont souvent liés à la façon dont l’Autorité Palestinienne remplit ses obligations, c’est-à-dire selon sa capacité à maintenir une fiction politique et à servir « d’associé » à Israël, bien que l’État sioniste ait complètement transformé la réalité sur laquelle Oslo était bâti.

En dépit des apparences, l’Autorité palestinienne (AP) de Mahmoud Abbas est beaucoup moins immunisée contre les pressions politiques, en raison de son copinage vieux de deux décennies avec le cartel des donateurs internationaux, que ne l’est le mouvement du Hamas. Bien qu’un peu moins exposé, ce dernier a commencé à apprendre les règles du jeu. Il a appris lui aussi que l’argent « gratuit » n’existe pas, particulièrement quand ceux qui offrent leurs services sont au c ?ur même de la lutte politique pour l’avenir du Moyen-Orient.

Les liens entre les déclarations politiques, l’action, et l’argent sont évidents aux yeux de tous. Ce qui peut apparaître comme des concessions politiques peut souvent être simplement lié à quelques fonds gelés ou attendant leur transfert. C’est la politique basée sur les transactions, à son meilleur niveau.

Alors que le déficit budgétaire de l’AP s’élève à 1,3 milliard de dollars US, les bons vieux copains se démènent pour compenser la crise financière. Les États-Unis vont libérer encore 200 millions de dollars, mis en gage pendant l’année 2012. La décision avait alors tout à voir avec la tentative de l’AP d’obtenir l’an passé, pour la Palestine, une adhésion aux Nations Unies.

Israël d’autre part, a donné son accord pour un transfert anticipé de 78 millions de dollars de recettes fiscales, collectées au nom de l’AP, craignant qu’un effondrement des institutions palestiniennes ne s’avère trop coûteux pour l’État sioniste. Avec la notable retraite des donateurs internationaux, et les transferts israéliens au compte-gouttes, Israël joue maintenant un plus grand rôle dans la survie de l’AP en Cisjordanie.

Israël est notoirement connu pour man ?uvrer l’AP en exploitant ses faiblesses, toutes les fois que l’occasion s’en présente, et c’est assurément ce qui va se produire à nouveau.

Enfoncer les Palestiniens dans des sables mouvants pour leur imposer des concessions politiques ne se limite pas à des exemples aussi évidents. En fait, les transactions politico-financières sont un composant important des relations entre les leaderships palestiniens, leurs organisations et leurs partisans.

C’est le même paradigme qui a transformé des milliers d’ONGs en Palestine en entités déconnectées les unes des autres, peu concernées par l’objectif de se fédérer derrière un programme national de libération, et davantage préoccupées de gérer des projets attrayants qui se vendent mieux auprès des donateurs potentiels, majoritairement affiliés aux pays donateurs qui ont depuis longtemps inhibé toute volonté politique palestinienne autonome.

Il est difficile de prédire le temps qu’il faudra pour libérer la société palestinienne et son leadership de ces situations inextricables. Mais il va de soi que ceux qui vendent leur souveraineté au plus haut offrant, ne sont en rien autorisés à parler de libération nationale, de résistance populaire et de tout ce qui sonne si bien mais ne représente que des slogans creux et vides de sens.

*Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Fnac.com

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11 novembre 2012 - Ma’an News - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.maannews.net/eng/ViewDet...
Traduction : Info-Palestine.net - Naguib


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