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La clé de la paix est à Washington

dimanche 8 avril 2007 - 09h:13

Charles Enderlin - Le Nouvel Observateur

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La fameuse « feuille de route » du « quartette » n’existe plus que dans l’esprit de quelques diplomates. Selon son calendrier, un Etat palestinien indépendant aurait dû voir le jour en 2005. Le rapport du sénateur américain George Mitchell, le plan de George Tenet - directeur de la CIA - pour un cessez-le-feu israélo-palestinien n’ont jamais connu ne serait-ce qu’un début d’application. Ehoud Olmert, qui voulait regrouper des colons dans des blocs d’implantation et évacuer une partie de la Cisjordanie, a renoncé à son projet. Il ne reste plus au Proche-Orient qu’une seule initiative de paix encore active. Elle est arabe et date du 28 mars 2002. C’est celle qui vient d’être réactivée à Riyad par le sommet des 21 chefs d’Etat de la Ligue arabe.

Il y a cinq ans, à Beyrouth, un autre sommet de la Ligue arabe avait entériné la proposition saoudienne d’établir des « relations normales » avec Israël. Certes, il devait y avoir en contrepartie la création d’un Etat palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale et un retrait de tous les territoires occupés lors de la guerre des Six-Jours en juin 1967, mais cela signifiait l’intégration de l’Etat juif dans la région. Le rêve des pères fondateurs du sionisme ! Effacées, les résolutions du sommet arabe de Khartoum après la guerre des Six-Jours en septembre 1967 : non à la paix avec Israël, à la reconnaissance et à toute négociation avec l’Etat juif !

A Beyrouth avait été posée la première pièce du puzzle saoudien. Un mois plus tôt, à Riyad, le prince héritier Abdallah avait révélé au « New York Times » qu’il cherchait « le moyen de prouver à l’opinion israélienne que les Arabes ne la rejettent pas, ne la détestent pas, mais que l’opinion arabe rejette ce que leurs dirigeants font actuellement aux Palestiniens et qui est inhumain. Cela pourrait être un signal lancé au public israélien ». Le message n’était pas passé. Au moment où la Ligue arabe approuvait cette initiative de paix, l’armée israélienne déclenchait une opération majeure contre l’Autorité palestinienne en Cisjordanie après l’attentat suicide commis par le Hamas au cours duquel 29 civils avaient trouvé la mort dans un hôtel de Netanyah le soir de Pessah, la Pâque juive. Quelques jours plus tard, devant la Knesset, le 8 avril 2002, Ariel Sharon s’était contenté de re-connaître des éléments positifs dans la proposition saoudienne et de proposer des négociations avec des dirigeants arabes « responsables ». Seules quelques personnalités de la gauche israélienne et des experts comme Matti Steinberg, à l’époque principal analyste du Shin Beth - la sécurité intérieure israélienne -, considéraient qu’il s’agissait là d’une occasion qu’Israël aurait dû saisir.

Pour la première fois, la Ligue arabe n’invoquait pas le droit au retour des réfugiés palestiniens mais demandait à Israël de parvenir à « une solution juste et agrééede ce problème des réfugiés » et vidait ainsi de son sens la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies mentionnant le « droit au retour » des Palestiniens. Le Hamas ne s’y était pas trompé. Dès le 29 mars 2002, l’organisation islamiste avait condamné le principe même de négociations sur le droit au retour dans le cadre d’un accord avec Israël et rappelé son rejet de toute reconnaissance de l’Etat juif.

Cinq ans plus tard, les combats interpalestiniens à Gaza ont donné l’occasion à Abdallah, devenu roi, d’ajouter un nouveau volet à son initiative en parrainant l’accord de La Mecque entre les belligérants. Le Fatah et le Hamas étaient demandeurs d’une médiation. Le mouvement de Mahmoud Abbas avait besoin de temps pour se renforcer militairement et retrouver une légitimité politique, tandis que le Premier ministre Ismaïl Haniyeh cherchait désespérément le moyen de surmonter le boycott international de l’autorité autonome alors que les Palestiniens subissaient une crise humanitaire sans précédent. Selon une agence des Nations unies, en effet, 70% des habitants de Gaza étaient en situation d’insécurité alimentaire.

Mais la plate-forme du nouveau gouvernement d’union nationale palestinien ne remplit pas les conditions du « quartette » : reconnaissance formelle d’Israël et des accords conclus, refus de la violence. Israël boycotte donc ses ministres et Ehoud Olmert annonce qu’il limitera ses contacts avec Mahmoud Abbas aux seules questions sécuritaires et humanitaires. Les timides pourparlers entamés par Tzipi Livni, la ministre des Affaires étrangères israélienne, sont gelés. Pourtant, le Hamas a laissé au président palestinien le pouvoir de négocier avec Israël, étant entendu qu’un éventuel accord sera soumis à un référendum. A Riyad, Ismaïl Haniyeh a pris grand soin de ne pas voter contre l’initiative de paix arabe. Il s’est contenté de s’abstenir tout en clamant haut et fort que le Hamas ne renoncera pas au droit au retour des réfugiés palestiniens.

Pour le gouvernement israélien, la résolution votée par le sommet arabe est insuffisante et ne peut servir de base à une négociation. A nouveau, la clé pour sortir de l’impasse se trouve aux Etats-Unis. L’administration Bush peut-elle changer d’attitude envers le conflit israélopalestinien ? Tout en prenant position en faveur de la création d’une Palestine indépendante, le président américain a constamment soutenu la politique unilatérale d’Ariel Sharon, et pas par hasard. A Washington et à Jérusalem sévit une même école de pensée fondée sur une idéologie de l’action dont le principe est l’unilatéralisme. En Irak et dans les territoires palestiniens, les résultats sont identiques. L’armée israélienne a mené de vastes opérations en Cisjordanie et à Gaza pour « graver dans la conscience des Palestiniens qu’ils n’obtiendront rien par la violence ».

Les forces américaines, elles, ont envahi l’Irak afin d’y « rechercher les armes de destruction massive, faire cesser le soutien de Saddam Hussein au terrorisme et libérer le peuple irakien ». Ariel Sharon et ses chefs militaires étaient persuadés que la mort d’Arafat changerait les données fondamentales du conflit avec les Palestiniens. En fait, en continuant à tout faire pour affaiblir les modérés du Fatah et de l’OLP, ils ont contribué à l’arrivée au pouvoir du Hamas. En Irak, sans coup férir, GI’s et marines ont détruit le régime baassiste irakien mais en laissant se créer le plus grand centre mondial d’entraînement du terrorisme islamique. Israéliens et Américains ont ainsi démontré la faiblesse intrinsèque de la force militaire utilisée en l’absence d’une politique cohérente. Les baïonnettes ne sont pas des baguettes magiques. Les généraux ne peuvent pas transformer des sociétés proche-orientales en démocraties occidentales mais ils y créent au contraire le chaos. Il semble que Condoleezza Rice l’ait enfin compris.

L’initiative de paix arabe est la dernière carte qu’elle peut encore jouer. Ses adversaires ne sont pas au Proche-Orient mais aux Etats-Unis. Ils s’appellent Dick Cheney, le vice-président, proche de la droite israélienne et Elliott Abrams, responsable du dossier israélo-arabe au Conseil national de Sécurité à la Maison-Blanche. Il a toujours soutenu la politique israélienne de colonisation.

La bataille pour la paix se déroulera d’abord à Washington.






Correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin a publié entre autres « Le Rêve brisé. Histoire de l’échec du processus de paix au Proche-Orient. 1995-2002 » (Fayard). Son dernier livre, « Les Années perdues. Intifada et guerres au Proche-Orient. 2001-2006 », vient de sortir chez Fayard.

Charles Enderlin - Le Nouvel Observateur, n°2213, semaine du jeudi 5 avril 2007

Lire, par Azmi Bishara :
- Plan de paix arabe : inititiative contre principe


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