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Égypte : des grèves en nombre record !

samedi 29 septembre 2012 - 00h:56

Bisan Kassab - Al-Akhbar

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Le Caire - "Il est extrêmement important d’indiquer clairement aux investisseurs que la règle du jeu a changé, que l’égalité des chances doit être assurée et que les Égyptiens doivent avoir la garantie que la majorité, et non plus seulement la minorité, bénéficiera de toutes les opportunités."

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Le Caire, 30 septembre 2012 - Un travailleur passe à côté d’un jardin nouvellement planté au milieu de la place Tahrir, après une campagne qui a été lancée pour nettoyer la place après les affrontements entre la police et les Égyptiens exaspérés par un film dénigrant le prophète Mohammed - Photo : Reuters/Amr Abdallah Dalsh

Ces mots ne font pas partie du programme d’un parti de centre gauche, ils sont extraits d’une déclaration publiée sur le site web de la Banque Mondiale.

Cette position a été reprise à la conférence du Conseil National de la Compétitivité (ENCC) qui s’est tenue il s’y a quelques jours. L’ENCC est une ONG fondée par des hommes d’affaire et des universitaires qui se sont "donné pour mission de promouvoir la compétitivité de l’économie égyptienne."

L’ENCC a publié son premier rapport pendant l’été 2004 après une année supplémentaire de politiques néo-libérales soutenues par des politiciens, des hommes d’affaire et des universitaires proches de la famille de Moubarak.

Ahmed Hassan al-Borai est professeur de droit social à la Faculté de Droit, c’est aussi un éminent avocat d’affaires et un ancien ministre du travail. Il y a quelques jours, à la conférence de l’ENCC, il a choqué ses nombreux auditeurs en les avertissant, dans son discours de quelques minutes, d’un imminent soulèvement social.

Al-Borai a dit à Al-Akhbar que la révolution dont il parle pourrait "détruire tout et tout le monde". Al-Borai a ajouté que les gens devaient être conscients de la menace posée par le grand nombre de protestations sociales et de grèves et que le scénario qui inquiétait tant les officiels gouvernementaux avant la révolution avait toujours des chances de se produire.

"A l’époque, j’ai dit que l’agitation sociale qui a été combattue en réprimant par la force les travailleurs en grève, pourrait un jour prendre de telles proportions qu’il soit impossible d’éteindre le feu" a-t-il dit.

Pour Al-Borai, l’usage de slogans sur la justice économique pendant la révolution est la preuve qu’un soulèvement est imminent.

La crainte d’Al-Borai concernant la menace d’une soulèvement imminent est corroborée par les statistiques sur les manifestations sociales du Centre Egyptien pour les Droits Economiques et Sociaux (CESR).

Le dernier rapport du Centre fait état de 300 manifestations dans la première moitié de septembre, ce qui représente le chiffre le plus élevé depuis le début de cette année, époque à laquelle le Centre a commencé à publier des rapports bimensuels sur ces mouvements. Selon l’étude, la majorité de ces manifestations avaient pour but "d’obtenir de meilleurs conditions de vie et de travail et des contrats et des salaires sur le long terme".

Le rapport a ensuite détaillé les catégories socioprofessionnelles à l’origine de ces protestations : "93 manifestations ont été organisées par le public en général ; 61 par les employés d’usine et d’entreprises ; 41 par les enseignants ; 38 par les fonctionnaires ; 15 par les employés et les membres des universités ; 11 par les chauffeurs ; 10 par le personnel médical (docteurs, infirmières et techniciens) ; 6 par les étudiants ; 3 par chacune des ces catégories respectives : les entrepreneurs, les officiers, les vendeurs et les guides touristiques ; 2 par les porteurs des aéroports et les imans des mosquées ; et une par les avocats, les pharmaciens, les stewards, les pécheurs et les employés du Parlement respectivement."

Un point a été passé sous silence par le CESR. Du fait que l’armée possède ou contrôle de larges pans de l’économie, les grèves qui ont eu lieu dans ses filiales peuvent être considérées comme un défi manifeste à l’armée.

La compagnie Nasr est une filiale de l’Organisation Nationale des Projets (NSPO), l’organisme en charge des projets économiques de l’armée qui ont fait l’objet d’une grande controverse après le soulèvement du 25 janvier avec la demande que l’organisme soit soumis à un contrôle du parlement et du peuple et soit séparé du ministère de la Défense.

Les civils qui travaillent dans la compagnie Nasr pour Intermediate Chemicals se sont récemment mis en grève dans les sept usines de l’entreprise et ont organisé un sit-in devant les bureaux de la présidence.

les travailleurs, pour la première fois dans l’histoire de l’Egypte, ont demandé la révocation de Mounir Labib le général de division directeur de NSPO. Selon une déclaration des travailleurs, la position de Labib "ne correspond pas à l’esprit de la révolution du 25 janvier". Les travailleurs ont aussi demandé que tous les postes tenus par des officiers soient supprimés et que le nombre des directeurs issus de l’armée soit limité à un par secteur.

Encore plus révélateur, les grèves ont atteint ces records malgré la promesse que le Syndicat Général des Travailleurs avait faite, pendant une réunion avec le président Morsi, de suspendre les grèves pendant un an.

Ils ont conclu cet accord en dépit du fait que le Syndicat des Travailleurs, considéré comme le syndicat officiel bénéficiant du soutien du gouvernement du fait qu’il est inféodé aux autorités, n’avait participé à aucune grève depuis sa création en 1957, sauf en deux occasions.

Après la révolution du 25 janvier, un tribunal a invalidé les élections du Syndicat des Travailleurs. La loyauté du Syndicat envers les autorités était si grande qu’en 2010, la célébration de la Journée internationale du Travail a été reportée jusqu’au rétablissement d’Hosni Mubarak, le président destitué qui était tombé malade.

Naji Rashad, un membre du conseil d’administration du Syndicat, a dit à Al-Akhbar que le président actuel du Syndicat, Ahmed Abdul-Zaher n’avait pas fait de "promesse" pendant la réunion avec Morsi. Au contraire Abdul-Zaher avait soumis la "proposition" de suspendre les grèves en échange de l’engagement de répondre aux besoins les plus urgents des travailleurs comme d’embaucher des travailleurs intérimaires et de reprendre ceux qui avaient été licenciés.

Selon Rashad, "Les médias ont souligné seulement la première partie de sa proposition (de suspendre les grèves) ce qui a permis à l’équipe du président d’utiliser les grèves en cours comme prétexte pour ne pas remplir la seconde partie de l’accord".

Au début des manifestations du 25 janvier, il n’y avait qu’un petit groupe de militants que les troupes anti-émeutes de la sécurité centrale n’avaient aucune difficulté à circonscrire et à éliminer. Mais quand les mouvements de travailleurs se sont joints à eux, il y a eu des millions de personnes dans les rues et il n’a pas fallu longtemps pour que Moubarak s’en aille.

Les soulèvements des travailleurs

En décembre 2006, environ 24 000 travailleurs de l’entreprise publique Misr Spinning and Weaving Company ont organisé un grève qui a été couronnée de succès dans la ville de al-Mahalla al-Kubra.

Depuis ce jour-là le mouvement n’a fait que s’amplifier et les travailleurs sont devenus le fer de lance du militantisme et de la défense du public.

En septembre 2007, il y a eu une autre grève à Misr Spinning and Weaving Company. En janvier de la même année, les percepteurs des impôts avaient aussi fait grève avec comme résultat la création du premier syndicat indépendant d’Egypte depuis la fondation du Syndicat Général des Travailleurs dans les années 1950.

Puis en avril 2008, des manifestations ont éclaté à al-Mahalla suite aux menaces du ministre de l’Intérieur à propos d’une grève que les travailleurs de l’entreprises projetaient de faire à l’époque.

Pendant ces manifestations, le portrait d’Hosni Moubaraka été décroché pour la première fois puis les travailleurs ont fait irruption dans le parlement pour protester contre la fermeture de leur usine. Plusieurs mois plus tard, des travailleurs de toute l’Egypte ont organisé, sur une période de trois jours, le plus grand nombre de grèves jamais atteint dans l’histoire du pays.

Cela a sonné le glas du régime de Moubarak. Car, dès que le couvre-feu a été allégé (pour essayer de ranimer le régime en laissant les gens retourner au travail) les travailleurs se sont mis à demander le départ de Moubarak.

24 septembre 2012 - Al Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.al-akhbar.com/conten...
Traduction : Info-Palestine.net - Dominique Muselet


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