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Vies sous occupations : pêcher en eaux dangereuses

mercredi 29 août 2012 - 07h:43

PCHR Gaza

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Les travailleurs dans la Bande de Gaza, tous secteurs confondus, sont constamment confrontés aux accidents et risques professionnels. PCHR Gaza s’est intéressé à un secteur particulier, à savoir celui de la pêche.

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Fadel Abu Ward près de sa maison à Jabalia

Au lieu de se concentrer sur leurs soucis liés à leur activité et aux équipements, comme les filets déchirés et la pénurie de carburant pour le fonctionnement des moteurs, les pêcheurs gazaouis vivent dans l’angoisse des mauvaises surprises que la mer leur réserve.

Fadel Abuwarda est âgé de 30 ans. A l’instar des autres pêcheurs, il est tout le temps en proie aux attaques illégales régulières des forces navales israéliennes, aux arrestations, aux détentions et à la confiscation de son équipement de pêche. Ces attaques sont, pour rappel, commises même dans les 3 milles nautiques qu’Israël a imposé unilatéralement : la mer de Gaza n’est plus un lieu sûr pour ses pêcheurs.

Le 20 juin dernier, vers 19h30, Fadel et son ami se sont retrouvés au c ?ur d’une pluie de coups de feu alors qu’ils pêchaient à seulement 1700 mètres de la côte gazaouie : « Au moment de jeter nos filets en mer, nous avons aperçu une canonnière israélienne qui avançait vers nous à grande vitesse. Nous avons de ce fait essayé de retirer nos filets de l’eau et de battre en retraite mais ils avaient déjà ouvert le feu. Ils tiraient à chaque fois que nous tentions de retirer nos filets. »

Après avoir inondé les deux pêcheurs de coups de feu, la première canonnière s’est retirée pour céder la place à plusieurs autres petites canonnières : « Les soldats à bord nous ont demandé d’enlever nos vêtements et de sauter dans l’eau. Nous avons essayé de leur parler pour leur expliquer que nous n’étions que de pauvres pêcheurs qui travaillons pour assurer la subsistance de leurs familles. Nous avons pleuré et les avons suppliés mais ils ne voulaient pas nous écouter ni prêter attention à nos sollicitations. »

Voyant que les menaces s’accentuaient et que les supplications ne payaient pas, Fadel a finalement décidé de s’exécuter et de répondre aux ordres des soldats d’enlever ses vêtements et de plonger dans l’eau. Il se souvient : « J’ai demandé à mon ami de retirer les filets et de faire demi-tour. Il est jeune, et n’a que 19 ans. J’ai pensé qu’ils le laisseraient repartir si je me rendais, mais ce n’était pas le cas et ils ont commencé à tirer dans sa direction. Il a fini par se débarrasser de ses habits pour sauter dans l’eau. »

Les soldats ont ensuite retiré les deux pêcheurs de l’eau pour les placer dans l’une des embarcations qui tournaient autour du bateau de pêche. Quelques minutes plus tard, le frère de Fadel et son cousin ainsi que deux autres pêcheurs qui se trouvaient à proximité ont également été arrêtés et placés dans la même canonnière que Fadel et son ami « Nous étions tous les six à bord, les yeux bandés. Ils nous ont attaché les mains et les pieds et nous ont obligés de nous asseoir à même le sol. Nous étions dans nos sous-vêtements et étions assis sur une surface qui ressemblait au cuir et qui n’était pas du tout confortable. Nous leur avions demandé de nous restituer nos vêtements. Seulement quatre d’entre nous ont été rhabillés : mon frère et mon cousin sont restés en sous-vêtement. C’était très humiliant pour nous tous. »

Les six pêcheurs ont ensuite été conduits au port israélien d’Ashdod. Fadel raconte : « Nos yeux sont restés bandés jusqu’à notre arrivée au port. Sur place, nous nous sommes retrouvés nez à nez avec un grand nombre de soldats. Je me demandais pourquoi il y avait tant de soldats, nous n’avions rien fait de mal. Nous étions juste en train de pêcher à 1700 mètres de la côte, même pas dans les 3 miles nautiques imposées. Face à eux, je ne faisais que justifier notre présence en mer et leur expliquer que nous ne sommes que de pauvres pêcheurs qui courons après notre gagne-pain. »

Fadel et ses cinq amis ont été détenus dans une cellule, et avaient été soumis, séparément, à des interrogatoires qui duraient environ 30 minutes. C’est seulement vers minuit que les six hommes ont pu dormir sur des nattes dans la cellule : « Le lendemain matin, les yeux bandés et les mains menottées, ils nous ont conduits jusqu’au point de contrôle d’Erez, et nous ont relâchés là-bas. Toutefois, ils n’ont rien dit à propos de nos bateaux et nos filets de pêches, ni d’où les récupérer. »

Cet incident n’affecte pas uniquement Fadel et ses amis pêcheurs, mais s’étend jusqu’à leurs familles. Pour Fadel, perdre son unique source et moyen d’existence constitue un lourd fardeau financier : « Mon frère et moi avons perdu 35 filets de pêche et nos bateaux. Cette perte est estimée à 30.000 US$. Je suis retourné à l’endroit de l’attaque, ni mon bateau ni mes filets y sont, et je ne sais pas où ils les ont pris. Côté finances, je dois avouer que je n’ai actuellement pas assez d’argent pour en acheter d’autres. Un de mes frères est également pêcheur, il a eu pitié de moi et m’a engagé pour travailler avec lui. A chaque fois que je l’aide, il me donne entre 20 et 40 shekels, alors que quand j’avais mon propre bateau, je gagnais jusqu’à 200 shekels. A peine si je peux ramener quelque chose avec moi pour ma famille. C’est une situation qu’aucun homme ne peut supporter, surtout lorsque mon épouse me fait la remarque et me répète que je ne ramène plus rien à la maison. »

Aujourd’hui, après avoir perdu son gagne-pain, Fadel voit son avenir en noir et s’attend à un lendemain incertain : « J’ignore si je récupérerais un jour mon équipement de pêche. Quelques jours avant l’incident, j’étais avec un autre pêcheur sur mon bateau lorsqu’ils ont ouvert le feu en notre direction. Ils nous avaient maintenus pendant deux heures sous le soleil et sans raison. A vrai dire, c’est leur méthode envers les pauvres gens qui travaillent dur pour subvenir aux besoins de leurs familles. La pêche est mon travail, ma seule occupation et ma vie. Que peut-il m’arriver encore ? J’ai atteint un degré où plus rien ne m’effraie. Qu’ils m’arrêtent s’ils veulent, après tout, je ne serai qu’une goutte dans l’océan des détenus palestiniens dans les prisons israéliennes, et s’ils décident de me tuer pendant que je pêche, ben qu’il en soit ainsi. »

Pourtant, Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des civils et contre des biens de caractère civil constitue un crime de guerre, tel que codifié dans l’Article 8(2) (b) (ii) du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. La mise en vigueur subséquente contre des biens privés dans la zone tampon empêche les Palestiniens d’utiliser les propriétés nécessaires pour la production de nourriture, ce qui viole expressément plusieurs dispositions relatives aux droits de l’homme, notamment le droit à une alimentation appropriée comme le stipule l’Article 6 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.

Les agissements d’Israël contre les pêcheurs constituent également une violation de leurs droits à un niveau de vie suffisant tel que codifié dans l’Article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et dans l’Article 11 du Pacte International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels.

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25 juillet 2012 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction : Info-Palestine.net - Niha


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