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Journée de la Terre : entretien avec Selmi Wakim

jeudi 5 avril 2007 - 07h:47

Parti du Travail

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Entretien avec Selmi Wakim, membre du Bureau Politique du Mouvement « Harakat Abnaa al Balad (1948) » à l’occasion de la commémoration de la trente et unième Journée de la Terre.

Parti du travail (PTPD ) : Quelles sont les raisons directes qui ont conduit au mouvement de protestation et de manifestation du 30 mars 1976 ?

Selmi Wakim (SW) : Tout d’abord, notons que la Journée de la Terre est considérée comme un moment particulier dans la lutte que mènent les Palestiniens en Israël pour la réalisation de leurs droits nationaux et humains, sur le plan individuel et collectif. Cette journée symbolise, d’une part, le combat que mène le peuple palestinien pour préserver sa terre et sa patrie, et d’autre part, le lien qui unit la terre et les droits et la dignité du peuple palestinien.

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30 mars - manifestation palestinienne contre le Mur d’Apartheid dans la localité de Bi’lin en Cisjordanie occupée

Quant aux raisons directes qui ont conduit au mouvement de protestation et de manifestations du 30 mars 1976, il est avéré que, dès la création de l’Etat, le gouvernement israélien s’était engagé dans une politique de confiscation des terres et des propriétés palestiniennes , soit directement, soit en édictant des lois dont le résultat concret était la dépossession des Palestiniens de leur terre ; cette politique se poursuit jusqu’à aujourd’hui, la politique de mainmise sur un lieu puis sa judaïsation étant purement et simplement l’essence du sionisme, en tant que mouvement colonialiste.

Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est un rapport tenu secret , rédigé par le général israélien chargé de la région nord, Israël Koenig. Ce rapport prévoyait de vider la Galilée (la région nord de la Palestine ) de ses habitants palestiniens, d’ accaparer leurs terres et de les judaïser - c’est-à-dire d’y installer des colonies et des entreprises juives. Parmi les clauses de ce rapport, notons les plus importantes : densification de l’implantation juive dans le nord (la Galilée) ; étranglement économique de la communauté arabe en la harcelant de taxes, priorité donnée aux Juifs pour accéder au travail et diminution du pourcentage des Arabes ayant accès au travail ; facilitation de l’émigration des jeunes arabes vers l’étranger et interdiction de revenir.

Le plan des autorités israéliennes pour étrangler les Palestiniens prévoyait la confiscation de 21000 dounams de terres attenantes à trois villages de Galilée, Arraba, Sakhnine et Deir Hana ; entre 1942-1944, ces terres avaient été utilisées comme terrains d’entraînement par l’armée britannique, en échange du paiement d’une redevance aux propriétaires. Après 1948 et la création de l’Etat juif, il était permis aux habitants d’aller sur leurs terres et de les cultiver, avec des autorisations spéciales. En 1956, les autorités bouclèrent la région dans le but d’y aménager la construction de colonies juives, dans le cadre du plan de « judaïsation de la Galilée ».

Une précision sur le terme « judaïsation de la Galilée » : son but est de donner un caractère juif à la région (le nord de la Palestine) ; étant donné que la Galilée représente une vaste zone géographique dont la majorité des habitants sont Palestiniens, les autorités et les gouvernements la considéraient depuis les années 70 comme une source d’inquiétude, dans la mesure où il voyaient dans les Arabes de cette région « une bombe démographique programmée », ajoutée au fait que cette grande concentration arabe près de la frontière libanaise leur faisait peur.

Pour toutes ces raisons, le gouvernement publia l’ordre de boucler la région 9 définitivement et d’en interdire l’accès aux Arabes . A la suite de cette décision, vint le « rapport Koenig » mentionné plus haut, qui fut mis en application, et la confiscation des .terres. fut effectivement mise en ?uvre.

PTPD : Comment s’est faite la préparation et la mobilisation ? quel rôle ont joué les partis, les associations civiles et les pouvoirs locaux, (les municipalités) ?

SW : Le projet de boucler la région 9 datait du début de l’année 1975, et dès que les masses arabes eurent vent de la nouvelle, elles se mirent à s’agiter de diverses manières. La première réunion eut lieu dans la ville de Nazareth, le 18 octobre 1975, et, regroupant tous les cadres politiques et patriotiques, les partis, les travailleurs, les paysans, les personnalités agissantes et les présidents des conseils municipaux arabes , un comité fut créé, le « comité régional pour la défense des terres »

Le comité se réunit à nouveau le 13 février 1976 à Sakhnine pour élaborer un plan uni pour s’opposer à l’opération de confiscation ; ils se réunit une troisième fois, le 3 juin 1976, dans la ville de Nazareth et comme les autorités n’étaient pas revenues sur leur décision de bouclage et de spoliation, il fut décidé d’appeler toute la population arabe palestinienne en Israël à une grève générale le 30 mars 1976 ; il fut aussi décidé d’appeler à une manifestation de masse devant le siège de la Knesset, résolution qui, restée lettre morte, fut remise à plus tard . Le 25 mars 1976, dans la ville de Shafa’Amr, se tint une réunion des présidents des assemblées et des conseils municipaux, dans une ultime tentative des autorités pour faire annuler la décision de la grève ; mais grâce à la volonté de notre peuple et de nos masses qui se trouvaient par milliers à l’extérieur de la salle de réunion, grâce à leur détermination, et malgré les tentatives de la police qui alla jusqu’à user de la violence et à procéder à des arrestations pour disperser la manifestation, le mot d’ordre de grève fut maintenu. .

Ici, et pour ne pas déformer l’histoire, il faut noter que pour organiser et unifier les efforts afin de parvenir à une position commune, la grève, c’est le parti communiste (regroupant Juifs et Arabes) qui a joué le plus grand rôle : tous ses membres, les sympathisants associés à l’action politique et les comités populaires approuvaient et soutenaient la décision de la grève,mais sans la mobilisation des masses, leur obstination, leur ténacité, et ce malgré les pressions, la Journée de la Terre n’aurait pas réussi et pour la première fois il y a eu convergence entre l’aspiration des masses et la décision de la direction.

PTPD : Comment les autorités sionistes ont-elles riposté ?

SW : Les autorités ont essayé par tous les moyens d’interdire ou de briser l’appel à la grève, par l’intermédiaire des collaborateurs et des hésitants, par l’intermédiaire de la terreur et de l’intimidation ; les ouvriers étaient menacés de licenciement, les écoles menacées de fermeture. Devant leur échec et face au maintien de la grève, les autorités ont pris la décision de réprimer cette journée de lutte et de la briser par la force policière, et au besoin par les armes. Au début du 29 mars, elles ont commencé à amasser leurs forces et à les regrouper dans différents lieux, en particulier à l’entrée des villages et des villes arabes et, dans le village de Deir Hana, éclata la première manifestation, violemment réprimée par l’armée ; à la suite de cela, il y eut une autre manifestation de protestation dans le village de ?Arraba et la riposte de l’armée fut encore plus violente : le premier martyr tomba et il y eut des dizaines de blessés ; la nouvelle de la mort du martyr amplifia les manifestations et la protestation et le bilan de la nuit du 29 mars et de la journée du 30 fut de six martyrs, originaires des villages de ?Arraba, Sakhnine, Kafr Kana et ?Aïn Shams.

PTPD : Comment expliquez-vous qu’aujourd’hui la participation populaire à la commémoration de la Journée de la Terre soit si faible ?

SW : Les masses sont déçues à cause de la situation de reflux qui règne et à cause de l’absence de position unifiée de la part des dirigeants ; le souvenir de cette journée a fini par être exploité comme une tribune électorale, les dirigeants n’ont pas tiré parti de la victoire des masses à l’occasion de la Journée de la Terre. C’est pourquoi les masses palestiniennes en Israël ont le sentiment d’être abandonnées et de mener seules leur combat, sans soutien international et même arabe, et comme si leur souffrance était une affaire intérieure israélienne.

PTPD : A votre avis quelle est la démarche nécessaire pour s’opposer à la politique de confiscation de terres, de destructions des maisons, d’encerclement des villes et des quartiers arabes par les colonies, qui s’aggrave avec la faiblesse de l’opposition et du mouvement de défense des terres ?

SW : Il faut élaborer une vision unifiée pour le travail commun entre les partis, les groupes et les mouvements politiques agissant sur le terrain, resserrer les rangs et suivre une stratégie d’action unifiée, utile à tous les cadres qui agissent au niveau local et mondial , un plan qui repose sur la prise de conscience de toutes les composantes de notre peuple du danger qui subsiste, à venir et prévisible ;

il faut rassembler tous ceux qui veulent nous soutenir dans notre marche, localement, dans le monde arabe et au niveau international, essayer de mobiliser l’opinion mondiale pour qu’elle nous soutienne, et faire la lumière sur ces pratiques à travers les divers moyens d’information, arabes et étrangers.

2 avril 2007 - http://www.hezbelamal.org
Traduction de l’arabe : Anne-Marie


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