16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Après le sommet arabe de Riyad, une dernière chance pour la paix ?

jeudi 5 avril 2007 - 07h:09

Alain Gresh - Le Monde diplomatique

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share





Un appel solennel lancé non seulement à l’Etat d’Israël mais aussi aux Israéliens de saisir l’occasion et de revenir à des négociations directes et sérieuses. Le sommet des pays arabes, qui s’est déroulé à Riyad les 28 et 29 mars, a adopté une déclaration pour l’établissement d’une paix globale au Proche-Orient et pour une normalisation entre Israël et l’ensemble des pays arabes, prévoyant : le retrait de l’armée israélienne de tous les territoires arabes occupés en 1967 ; la création d’un Etat palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale ; une solution juste et agréée (agreed-upon) du problème des réfugiés palestiniens, en accord avec la résolution 194 votée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1948 ; la sécurité pour tous les Etats de la région.

Rien de très nouveau, puisque cette offre avait déjà été faite en 2002, en pleine seconde Intifada. Elle avait alors été rejetée sans autre forme de procès par le gouvernement de M. Ariel Sharon, qui y avait vu un plan pour... démanteler l’Etat d’Israël. Le lendemain même de l’initiative, le premier ministre israélien lançait l’opération « Remparts » de reconquête de la Cisjordanie, marquée par les massacres de Jénine. Depuis, ce que l’on appelle le « processus de paix » s’est installé dans un coma avancé. Ni la mort de Yasser Arafat, présenté par M. Sharon comme le principal obstacle à la paix, ni l’élection du « modéré » Abou Mazen (Mahmoud Abbas) à la tête de l’Autorité, n’ont amené le gouvernement israélien à la moindre ouverture.

Depuis, la situation régionale s’est considérablement détériorée. Tandis que les troupes d’occupation américaines s’enlisent, l’Irak sombre dans la guerre civile ; les tensions au Liban se sont aggravées depuis la guerre des 33 jours de l’été 2006 ; plusieurs dirigeants arabes ont appelé à une mobilisation contre « le péril chiite ». La montée en puissance de l’Iran a avivé ces craintes. Face à cette « menace », les Etats-Unis pensent qu’il est possible de tisser une alliance entre les pays arabes « modérés » (Arabie saoudite, Egypte et Jordanie notamment) et Israël. Mais comment y arriver sans créer un « horizon politique » pour les Palestiniens dont la cause reste centrale pour tout le monde arabe ?

Le voyage de la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice dans la région, à la fin du mois de mars, devait tenter de résoudre cette quadrature du cercle. Son échec est, pour l’instant, patent. Il est vrai que le prestige des Etats-Unis est en chute libre, y compris auprès de ses alliés, et que Washington refuse la moindre pression sur le gouvernement israélien. M. Ehoud Olmert, le premier ministre le plus impopulaire qu’ait jamais connu Israël, a fermement refusé toute négociation avec M. Mahmoud Abbas sur le statut final (frontières, Jérusalem, réfugiés). Et Mme Rice s’est contentée de lancer un appel aux Arabes - qui, au même moment, rappelaient leur offre de paix -, les invitant à... s’ouvrir un peu plus à Israël. Un éditorialiste du journal Al-Rayah, de Qatar, remarque ironiquement : « Nous ne devrions pas être surpris si Rice demande que les Palestiniens évacuent Gaza pour que la paix s’étende dans la région. »

Cette paralysie et ce parti pris américains ont amené l’Arabie saoudite à tenter de définir une diplomatie un peu plus autonome à l’égard de l’« ami américain ». Ainsi, Riyad a parrainé l’accord de La Mecque entre le Hamas et le Fath, qui a débouché sur la formation d’un gouvernement d’union nationale palestinien. Le roi, lors de l’ouverture du sommet arabe, a dénoncé pour la première fois une « occupation étrangère illégale » en Irak. Il aussi ouvert un dialogue avec Téhéran et avec le Hezbollah. Enfin, il a voulu montrer sa mauvaise humeur au président Bush en annulant la visite qu’il devait effectuer à la Maison Blanche en avril.

C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la relance de l’initiative de paix arabe. M. Olmert s’est borné à répondre qu’il était prêt à s’asseoir à la même table que l’Arabie saoudite et les pays arabes modérés. « Israël veut la normalisation des relations avec les Arabes, et rien d’autre. Mais que donnera-t-il en échange ? », s’interroge M. Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe. « La normalisation contre la normalisation » a toujours été le slogan de la droite israélienne, qui refuse de rendre l’ensemble des territoires arabes occupés en 1967. Une nouvelle fois, M. Olmert a agité la menace du « droit au retour » des réfugiés palestiniens. Pourtant, la déclaration de Riyad ne fait pas allusion à ce droit et évoque seulement une solution « juste et agréée » du problème des réfugiés, ce qui, très clairement, évoque la nécessité d’un accord avec Israël.

Le Proche-Orient, une nouvelle fois, hésite entre guerre et paix. Un général israélien a annoncé que l’Iran, la Syrie et le Hezbollah se préparent à une guerre américaine à l’été ; le nouveau chef de l’armée israélienne a déclaré que le renforcement du Hamas à Gaza nécessitait « une solution de notre part » ; la tension au Liban reste vive. Si la main offerte par le monde arabe à Israël n’est pas saisie, le résultat ne fait malheureusement aucun doute : plus de guerres et plus de chaos dans une région déjà dévastée...

Alain Gresh, Le Monde diplomatique - Blog Nouvelles d’Orient, le 4 avril 2007

Par le même auteur :
- Agitations diplomatiques au Proche-Orient
- Guerre civile silencieuse au Liban


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.