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L’attaque dans le Sinaï : une impossible équation pour le Président Morsi

vendredi 10 août 2012 - 07h:38

Abdel Rahman Youssef

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L’attaque de Sinai a pu « brûler » le président égyptien en le forçant à choisir entre sa légitimité islamique et les militaires.

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Officier égyptien en larmes, lors des obsèques de ses camarades tués le 5 août - Photo : Associated Press

L’attaque dans Sinaï dans laquelle 16 soldats égyptiens ont été tués, est une bombe politique pour le président islamique de l’Égypte, Mohamed Morsi de la Confrérie musulmane.

Quelle que soit la position qu’il adopte sur l’incident, et quelle que soit la façon dont il y réponde, il y a de grands risques pour Morsi de se retrouver en désaccord avec les mouvements islamiques et certaines des forces révolutionnaires du pays, ou alors avec les militaires. De même, il peut se discréditer lui-même ou les islamistes en général, en paraissant inefficace ou en permettant qu’ils soient présentés comme un fléau et une source de troubles dans le pays.

Le flot de spéculations sur qui était derrière l’attaque se limite en général à deux théories.

La première, c’est que les attaquants étaient des jihadistes de la mouvance al-Quaïda, agissant avec un appui palestinien et sans qu’Israël ne soit au courant.

La seconde, c’est que l’attaque a été manipulée par des services secrets, orchestrée, facilitée ou encouragée par Israël avec des complicités en Égypte.

Si Mursi adopte l’un ou l’autre vue, et réagit en conséquence, il prend le risque de se discréditer aux yeux des islamistes et du public dans son ensemble - surtout à cause de son incapacité à agir indépendamment du puissant Conseil Suprême des Forces Armées (SCAF) sur les questions de sécurité.

Si la position officielle consiste finalement à accuser des jihadistes soutenus par des Palestiniens, Morsi sera automatiquement engagé dans une confrontation avec la Bande de Gaza, qui jouxte la frontière égyptienne. Les médias égyptiens toujours à la botte de l’ex-clan Moubarak accusent déjà à plein voix le mouvement Hamas - le pendant palestinien de la Confrérie musulmane, qui contrôle l’enclave palestinienne - d’être le principal coupable dans l’affaire.

Morsi serait également accusé de manquer de jugement dans sa décision récente de’avoir fait ouvrir de manière permanente aux voyageurs palestiniens le passage frontalier de Rafah entre l’Égypte et la Bande de Gaza, et d’avoir supprimé l’obligation de visa. Il ferait face à des appels renouvelés pour fermer la frontière et détruire tous les tunnels exploités pour fournir à la population des produits de base et fournir des armes à la résistance palestinienne. Les mêmes voix diaboliseraient la résistance et l’accuseraient de vouloir entraîner l’Égypte dans une guerre avec Israël.

Morsi se retrouverait en position extrêmement inconfortable vis-à-vis des islamistes s’il succombait à une telle pression en accusant les groupes palestiniens de l’incident et approuvait des décisions dont l’effet serait de rétablir le blocus de la Bande de Gaza - blocus contre lequel lui et son groupe se sont longtemps et bruyamment opposés.

Un tel développement serait susceptible également de faire avorter définitivement le processus de réconciliation inter-palestinien, et ferait des dirigeants palestiniens des persona non grata en Égypte, tandis qu’à l’intérieur, Morsi se verrait accusé de compromettre la sécurité publique avec sa récente libération d’anciens islamistes jihadistes.

Ceci pourrait représenter la première tentative, dans le but de « le brûler, » de placer Morsi en désaccord avec le mouvement islamiste qui l’a propulsé au poste de Président. Il serait dépeint comme hypocrite, cédant face à l’establishment et aux ennemis de la résistance, abandonnant ses frères arabes et musulmans, et faisant preuve d’indécision et d’inefficacité en ce qui concerne Gaza et toutes les questions en général.

Mais si Morsi adopte l’autre point de vue, selon lequel les Israéliens sont impliqués dans l’attaque, il se trouverait également coincé, car il serait alors dans l’obligation d’appliquer des représailles envers Israël et ses complices, de punir ceux qui sont coupables d’avoir massacré ses soldats.

Ce ne serait cependant pas facile, étant donné l’engagement public de Morsi à respecter tous les traités internationaux, y compris l’accord de Camp David qui lie les mains égyptiennes dans la péninsule du Sinaï, particulièrement dans le Secteur « C » à côté de la frontière.

D’ailleurs, toute tentative de répondre directement ou sur le plan diplomatique provoqueraient des tensions avec Israël, qui impacteraient sur les relations internationales de l’Égypte auxquelles le pays ne veut pas toucher tant qu’il n’a pas résolu un certain nombre d’affaires internes.

Ceci finirait par renforcer le SCAF. Celui-ci jouerait des craintes que Morsi n’entraîne le pays dans des confrontations inutiles à un moment où l’Égypte pourrait difficilement se le permettre, et ne lui fasse emprunter un chemin que « tout homme d’État responsable » essayerait d’éviter.

Les militaires prétendraient avec leur arrogance habituelle contrôler ce secteur de la politique, parce qu’ils auraient à payer l’essentiel du prix de n’importe quelle confrontation tactique ou stratégique. Morsi serait traité d’impuissant, d’incapable de protéger ses compatriotes contre Israël ou de limoger les chefs d’armée responsables du pauvre état de préparation des troupes.

Il serait jugé incapable de renvoyer les militaires dans leurs casernes, au lieu de les laisser s’immiscer dans la politique en écartant d’un coup de coude les civils au gouvernement.

Le résultat de toute l’affaire pourrait bien être que Morsi paraisse sans réel pouvoir face au président du SCAF, Mohamed Hussein Tantawi, et face aux militaires et aux chefs du renseignement. Cela pourrait s’avérer politiquement fatal pour lui dans le court terme, et fatal du point de vue politique et sécuritaire pour les islamistes dans l’avenir.

8 août 2012 - al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.al-akhbar.com/conten...
Traduction : Info-Palestine.net - Naguib


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