L’attaque dimanche contre le poste de gardes frontières de Karam Abou-Salem, près de la bande Gaza, et qui a fait 16 morts et 7 blessés, alimente les interrogations. L’acte ne sera pas impuni, selon les autorités.

Deux jours après l’attaque dimanche contre un poste de gardes frontières égyptien ayant fait 16 morts et 7 blessés, l’Egypte est toujours sous le choc. L’attaque s’était produite dimanche à l’heure de l’iftar, lorsqu’un groupe d’hommes armés sont arrivés à bord de deux véhicules et ont ouvert le feu sur le poste de gardes-frontières, situé non loin du terminal de Karm Abou-Salem, avant de pénétrer en territoire israélien avec un blindé pris aux gardes-frontières et d’être neutralisé. Le bilan est lourd : 16 morts, dont un officier, et 7 blessés. Les assaillants étaient en possession de roquettes RPG antichars. Dès l’annonce de l’attaque, le président Mohamad Morsi a tenu une réunion avec le chef du Conseil suprême des forces armées et ministre de la Défense, le maréchal Hussein Tantaoui, ainsi qu’avec le ministre de l’Intérieur, Ahmad Gamaleddine, et le chef des services de renseignements, le général Mourad Mouafi. « Cette attaque lâche ne sera pas impunie. Ceux qui ont commis ce crime odieux paieront le prix », a déclaré Morsi. Le président, qui s’est rendu lundi dans la péninsule du Sinaï, a décrété 3 jours de deuil national et a décidé d’organiser des funérailles militaires pour les victimes.

Ce n’est pas la première fois que des attaques terroristes ont lieu dans le Sinaï. Cependant, c’est l’attaque la plus grave contre les forces égyptiennes dans la péninsule depuis les accords de paix israélo-égyptiens de 1979, qui ont rendu le Sinaï à l’Egypte.

Qui a commis cet acte et pourquoi ? Israël est montré des doigts. « Les renseignements israéliens se cachent assurément derrière cette opération », affirme Moustapha Al-Fiqi, ancien diplomate. Et d’expliquer que quelques jours avant l’attaque, les autorités israéliennes ont demandé à leurs ressortissants de quitter le Sinaï. « Israël veut avancer ses troupes de quelques kilomètres dans le Sinaï pour protéger ses frontières. Or, pour ce faire, il a besoin d’un prétexte. Maintenant, il peut dire que la sécurité dans la péninsule n’est pas assurée », pense Al-Fiqi. Selon lui, Israël utilise les groupes terroristes qui se trouvent dans le Sinaï pour mener des opérations dans la péninsule profitant de la faiblesse de la présence militaire égyptienne dans le secteur.

Les autorités israéliennes ont mis en garde à de nombreuses reprises contre une recrudescence d’activités dans ce secteur de la part de groupes radicaux installés dans le Sinaï ou venant de l’enclave palestinienne de Gaza. Les Israéliens exigent du gouvernement égyptien qu’il améliore la sécurité dans la péninsule du Sinaï. Lundi, le ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, a déclaré que l’incident de Karm Abou-Salem va « inciter l’Egypte à renforcer la sécurité dans la péninsule du Sinaï ». L’armée égyptienne n’est que très faiblement présente dans la péninsule désertique, en raison de la démilitarisation de ce secteur, prévue par les accords de paix avec l’Etat hébreu. Mohamad Morsi a déclaré que des « instructions claires ont été données pour reprendre le contrôle total du Sinaï », où la situation s’est détériorée après la chute en 2011 de son prédécesseur, Hosni Moubarak, sous la pression d’une révolte populaire. Des unités de l’armée sont arrivées lundi dans la péninsule du Sinaï munis de blindés. D’autre part, des contacts ont été établis avec le Hamas à Gaza pour fermer les tunnels.

L’hypothèse d’une implication de groupes djihadistes dans l’attaque de Karm Abou-Salem est privilégiée par certains experts. « N’oublions pas que depuis la révolution du 25 janvier, le Sinaï était devenu un terrain fertile pour les groupes salafistes et djihadistes dont l’objectif est de créer un émirat musulman dans la péninsule. Ces groupes ont profité de la faible présence de la sécurité dans le Sinaï. Il est tout à fait possible que ce soit l’un de ces groupes qui ait organisé l’attaque », pense Qadri Saïd, expert militaire, rappelant que des attaques de groupes djihadistes avaient eu lieu l’année dernière dans le Sinaï après la révolution, ce qui avait incité l’armée à envoyer des renforts dans la zone. « L’Egypte a besoin de renforcer sa présence dans la péninsule. Si elle n’y parvient pas, cela va donner la chance aux trafiquants d’armes et aux groupes salafistes de l’occuper », conclut Qadri.

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 8 au 14 août 2012, numéro 934 - Enquête