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Plan de paix arabe : une opération de relations publiques ?

mercredi 4 avril 2007 - 08h:03

Ahmed Loutfi - Al-Ahram Hebdo

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Conflit arabo-israélien . L’heure est-elle aux négociations à la suite de la relance d’un plan de paix arabe qui, tout d’un coup, semble intéresser tout le monde ? Ou s’agit-il plutôt d’une grosse affaire de relations publiques ?

Titre original : La Quadrature du cercle

Pourrissement ou mûrissement de la crise ? Chaos constructif ou processus logique et bien organisé ? Gestion de crise ? Des questions de méthode que l’on a à l’esprit dès qu’il est sujet du conflit arabo-israélien. Cela parce que depuis que ce problème existe, c’est-à-dire depuis 1948, lorsque la Palestine fut usurpée (le seul terme qui définit la réalité des choses), toutes sortes d’approches ont été proposées qui ont figuré au cours de périodes intermédiaires, celles séparant les guerres et les différents choix de violence.

On dirait un répit en attendant que les armes dictent leur loi. Mais même finalement, il s’avère que ce langage militaire est lui-même dans l’impasse. L’intervention israélienne au Liban et son échec notoire, les différentes opérations et interventions dans les territoires palestiniens, le blocus, une guerre plus cruelle encore, tout cela n’a fait qu’attiser le feu.

Et voilà que subitement on a décidé de chercher dans les vieux dossiers une formule qui pourrait meubler ce vide. Et ce fut l’initiative arabe de paix décidée lors du sommet arabe de Beyrouth de 2002 et que l’on croyait avoir fait long feu. A l’époque, Israël et les Etats-Unis l’avaient dédaignée, au vrai sens du terme. En plein sommet arabe, Ariel Sharon oppose une fin de non-recevoir à l’offre arabe. Celle-ci prévoit la normalisation des relations avec Israël en échange de son retrait total des territoires arabes occupés depuis 1967, la création d’un Etat palestinien et le règlement de la question des réfugiés palestiniens.

Difficile de déterminer pourquoi ce retour à une proposition qui, certes, n’a jamais été abandonnée ? Une inspiration occidentale ? Une sorte de promesse aux Arabes de faire un pas en direction d’un Israël qui donne des apparences d’un certain essoufflement ?

De toute façon, lors de leur sommet de Riyad, les dirigeants arabes ont adopté une résolution qui relance ce plan. La réaction israélienne n’a pas manqué d’être la même qu’en 2002 mais avec une certaine nuance. Tel-Aviv a dit non à moins qu’il n’ait son mot à dire sur le contenu du plan. Et Shimon Pérès, le numéro 2 du gouvernement israélien que l’on qualifie de « colombe », de lancer qu’il n’était toujours pas question pour Israël d’accepter cette initiative dans sa forme actuelle, car « des négociations n’auraient (alors) plus de raison d’être ». Les Arabes aussi ont tenté de ménager la chèvre et le chou. « La réponse israélienne à l’initiative a été très négative », a dit le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmad Aboul-Gheit. Mais de s’empresser d’ajouter : « Nous ne considérons pas la réponse israélienne comme définitive ».

Les propos de M. Pérès et la réponse de M. Aboul-Gheit confirment l’affrontement de deux logiques sans pour autant dédaigner une possibilité de percée. D’un côté, les leaders arabes estiment qu’Israël doit accepter l’initiative dans son intégralité avant d’en négocier ensuite les modalités. « Nous leur disons, acceptez-la d’abord, puis venez à la table de négociations afin que l’on puisse parvenir à un règlement juste et acceptable pour tous et conforme à la loi internationale, aux résolutions du Conseil de sécurité et au principe de la terre contre la paix », a ainsi déclaré le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, lors de la session d’ouverture du sommet.

Si un chercheur comme Saïd Okacha, spécialiste des affaires israéliennes, minimise la portée de ce plan arabe et même des réactions israéliennes, c’est qu’il considère qu’il s’agit d’une simple « opération de relations publiques ». Il y aurait un hiatus considérable entre de telles propositions et la réalité des faits. Parce qu’au c ?ur de ce plan se trouve la question cruciale des réfugiés palestiniens. Elle vient d’ailleurs rappeler que le conflit arabo-israélien ne se limite pas à des seules données stratégiques mais a pour base tout un peuple, dont une grande partie vit dans l’exil. Les Israéliens refusent d’accepter un texte qui prévoit notamment « un règlement équitable et agréé du problème des réfugiés palestiniens conformément à la résolution 194 de l’Assemblée générale de l’Onu ». Israël souhaite également des modifications concernant les clauses du plan relatives aux frontières du futur Etat palestinien. Comme le souligne Okacha, une solution prévoyant le « retour de quelque 3 millions de réfugiés mettrait fin à la majorité juive dans l’Etat d’Israël », ce que Tel-Aviv ne veut accepter.

Toute la problématique concrète de la question est donc là. Et si l’Etat hébreu ne peut admettre le principe du retour des réfugiés, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbass, n’est non plus en mesure, lui, de « brader le droit au retour » comme l’indique Okacha.

Si la situation est telle, peut-on cependant expliquer le regain d’intérêt pour le plan arabe de paix ? « Les Etats arabes doivent s’ouvrir envers Israël afin de montrer à Israël qu’ils ont accepté sa place au Proche-Orient », a déclaré la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice. Amener les Arabes, en tant que bloc, à négocier avec Israël sur la base d’un plan, même si celui-ci, dans sa totalité, ne répond pas aux exigences de son allié israélien, serait un acquis pour un Washington embourbé en Iraq et en difficulté avec l’Iran sur le nucléaire.

Toute relance du processus de paix a, en effet, été liée à une quelconque guerre américaine dans la région. Oslo, qui a ouvert la porte aux premières négociations israélo-palestiniennes, est né dans la foulée de la guerre contre l’Iraq après son invasion du Koweït. La Feuille de route était le fruit de la deuxième guerre contre Bagdad. L’activité actuelle serait-elle en prélude à une troisième guerre, cette fois-ci contre l’Iran ? Beaucoup d’indices le démontrent, surtout que les Américains demandent d’« activer » l’offre arabe. Les Arabes croient ou veulent croire à cette activation de la diplomatie après une activation de leur plan. La déléguée générale de la Palestine auprès de l’UE, Leïla Shahid, a ainsi affirmé qu’il « faut se féliciter du retour d’une diplomatie arabe qui a été pratiquement neutralisée depuis le 11 septembre 2001 ». Cette initiative a été d’ailleurs incluse dans la Feuille de route du Quartette. (lire page 5).

Négocier donc pour négocier ? Ou mettre l’accent sur un règlement pratique du problème des réfugiés ? Les Palestiniens ont toujours exigé qu’Israël reconnaisse un droit au retour des réfugiés, tout en affirmant qu’une fois ce principe reconnu, les modalités d’application seraient négociées.

Le sort des réfugiés palestiniens, poussés à l’exode lors de la création d’Israël en 1948, et de leurs descendants, soit plus de quatre millions de personnes au total, est un élément-clé de la cause palestinienne (Lire reportages). Mais l’Etat hébreu refuse d’entendre parler de leur retour. Certains Israéliens voient dans l’acceptation même du principe, même s’il s’agit de compensations financières, une remise en cause de la légitimité de l’Etat hébreu. C’est comme si cet Israël né dans la violence et le sang a existé ex cathedra.

Et plus est, Israël rejette tous les autres éléments de l’initiative arabe, notamment le fait d’accepter la création d’un Etat palestinien souverain sur les territoires palestiniens occupés depuis 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. Tout compte fait, c’est la sempiternelle attitude d’Israël qui accepte de manière biaisée les résolutions internationales et les accords, puis remet leur application aux calendes grecques avant de conclure qu’ils sont devenus caducs et qu’il faut renégocier sur d’autres principes. Un oui ou un non mais, c’est toujours la réaction israélienne.

Pourquoi donc ce regain d’intérêt général pour l’initiative arabe si rien n’a changé ? Meubler un vide - la nature a horreur du vide. Occuper les protagonistes, surtout arabes, en proie à toutes sortes de difficultés internes à l’heure des grands choix américains dans la région ? Et pour Israël, donner de l’éclat à un Olmert en perte de vitesse ?

« Si le roi saoudien initiait une réunion avec les pays arabes modérés et m’invitait, avec le chef de l’Autorité palestinienne, pour nous présenter les idées saoudiennes, nous viendrions pour les écouter et serions heureux de présenter les nôtres », a affirmé Olmert. Réaction : « M. Olmert est en si mauvaise posture sur la scène politique intérieure qu’une telle invitation lui redonnerait un peu de couleurs », a ironisé le commentateur de la très influente radio militaire. Qu’espérer donc pour une relance du processus de paix ? Sans doute rien avec cet adage toujours à propos : « Plus ça change, plus c’est la même chose ».

L’initiative de paix arabe

Initialement, c’est un projet lancé par le roi d’Arabie saoudite, Fahd bin Abdel-Aziz, lors du sommet arabe de Fès, en 1982. Vingt ans plus tard, le projet saoudien devient une initiative arabe adoptée par l’ensemble des pays arabes lors de leur sommet à Beyrouth.

Cette initiative :

1. Demande à Israël de réexaminer ses politiques et de pencher vers la paix, et de déclarer qu’une paix juste est aussi son propre choix stratégique.

2. (a) De se retirer intégralement des territoires arabes occupés, y compris du Golan syrien, jusqu’à la ligne de juin 1967, et des territoires du Sud-Liban qui sont encore occupés.

2. (b) De parvenir à une solution juste et agréée au problème des réfugiés palestiniens conformément à la résolution 194 des Nations-Unies.

2. (c) D’accepter la création d’un Etat palestinien indépendant et souverain dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avec pour capitale Jérusalem-Est.

3. S’engage alors à ce que les Etats arabes :

(a) Considèrent que le conflit israélo-arabe a pris fin et participent à un accord de paix entre eux et Israël tout en assurant la sécurité de tous les Etats de la région.

(b) Etablissent des relations normales avec Israël dans le contexte de cette paix globale.

4. Garantit le rejet de toutes les formes de réinstallation de Palestiniens qui serait incompatible avec la situation particulière dans les pays d’accueil arabes.

5. Exhorte le gouvernement israélien et tous les Israéliens à accepter l’initiative susmentionnée afin de sauvegarder les perspectives de paix et éviter toute nouvelle effusion de sang, permettant ainsi aux Etats arabes et à Israël de vivre côte à côte dans la paix et assurant aux générations à venir un avenir sûr dans lequel la stabilité et la prospérité pourront régner.

6. Invite la communauté internationale et tous les Etats et organisations qui la composent à appuyer cette initiative.

4 avril 2007 - Al Ahram Hebdo - Vous pouvez consulter cet article à :
http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahra...


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