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Les trois enseignements de la « victoire des islamistes » en Égypte

mercredi 27 juin 2012 - 21h:23

Yamin Makri

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L’accession des Frères musulmans à la présidence du pays le plus peuplé du monde arabe est une victoire symbolique immense et sera certainement décrite comme l’événement de ce début du XXIe siècle.

Car ce qu’il faut d’abord retenir, c’est que le peuple égyptien a réussi à élire un homme du peuple honni à la fois par les généraux, par les autres dictatures arabes et par toutes les capitales occidentales inféodées aux intérêts sionistes. C’est un signe qui annonce bien d’autres bouleversements encore et un événement historique qui redonne l’espoir à tous les mouvements de résistance populaire, bien au-delà de l’aire arabo-musulmane.

Mais nous ne sommes pas naïfs, l’élection d’un président sans prérogatives claires, dont on ne connaît pas les pouvoirs, dans un pays sans constitution dont l’assemblée législative a été dissoute par les généraux, ne présage rien de bon. L’Égypte a aujourd’hui un Président élu qui devra agir au sein d’un État et d’institutions politique, judiciaire et économique qui sont solidement sous le contrôle de la dictature militaire.

Le peuple égyptien est encore bien loin d’avoir réussi à prendre en main les destinées de son pays, et ce président élu n’est en rien une garantie. Seule la rue et les lourds sacrifices des forces vives de la société civile resteront les véritables garanties de l’évolution de ce long processus d’émancipation qui est en cours.

Malgré toutes ces limites, les événements actuels qui ont lieu en Égypte, pays qui a joué et continuera de jouer un rôle phare dans toute l’aire musulmane, auront d’énormes conséquences qui dépasseront de très loin les contingences égyptiennes.

Nous pouvons en retenir d’ores et déjà trois qui ont trait d’abord à l’évolution des révoltes arabes, puis au renouveau de la résistance palestinienne et enfin à la mutation des mouvements dits "islamistes".

1/ Tout d’abord, cette élection va redonner espoir aux mouvements des printemps arabes qui s’inquiétaient profondément après l’étouffement du soulèvement au Bahreïn, les débuts d’éclatement de la Libye post-Kadhafi et la guerre civile qui sévit aujourd’hui en Syrie.

Malgré l’écoulement des larmes et du sang, malgré les manipulations des différents États arabes et occidentaux, cette confirmation du choix populaire en Égypte va renforcer ceux qui pensent que la résistance contre les potentats, rois et généraux doit tout de même se poursuivre jusqu’à l’émancipation réelle des peuples. La résistance populaire reste la seule voie crédible, l’exemple égyptien le prouve encore aujourd’hui.

2/ L’Égypte des généraux avec le royaume saoudien sont les principaux alliés de l’État sioniste dans la région. Cette élection ne change pas radicalement la donne mais elle rendra plus difficile les manigances américano-sionistes qui essaieront d’imposer d’autres faux traités de paix. L’accession à la présidence de l’État égyptien d’un élu du peuple va donner un nouvel espoir à la résistance palestinienne qui a tant souffert des régimes arabes complices et soumis aux desiradatas des États-unis.

Les Frères musulmans ont évidemment donné des gages à l’Occident pour ne pas remettre en cause les accords de paix avec l’agresseur sioniste, nous le savons bien. Une élection n’est pas le seul fruit d’un choix populaire. Cette démocratie idyllique n’a jamais existé, en Égypte ou ailleurs. Washington et ses alliés sionistes ont accepté de "laisser faire" cette élection "démocratique" à cette seule condition. Mais le peuple égyptien et le mouvement des Frères musulmans sont foncièrement anti-sionistes, un président élu, quel qu’il soit, devra maintenant en tenir compte.

3/ Durant les années vingt, lorsque Hassan Al-Banna mit en place le mouvement des Frères musulmans, il ne visait point la prise du pouvoir politique mais la réforme de la société égyptienne et la prise en charge de son identité musulmane et arabe. À l’image de Ibn Badis en Algérie ou de Said Nursi en Turquie, l’objectif n’a jamais été politique mais d’abord sociétal et cvilisationnel. Par la suite, ce n’est que la répression politique qui obligea ces mouvements "islamistes" - comme beaucoup les désignent - à s’orienter vers la prise du pouvoir politique.

Pour Hassan Al-Banna et tous les autres leaders du mouvement réformiste musulman, le pouvoir politique changera de lui-même lorsque les peuples émancipés et conscients de leur responsabilité feront les bons choix.

Un siècle plus tard, c’est sur cette terre égyptienne, où naquit le mouvement de Hassan Al-Banna, que l’un de ses dirigeants accèdera à la présidence. Ce mouvement "islamique" qui fut d’abord un mouvement d’éducation populaire et de la réforme sociale, devra maintenant muter et établir des alliances politiques au niveau national mais aussi international afin de répondre aux impératifs socio-économiques de la gestion d’un État.

Cette victoire politique des Frères musulmans égyptiens, paradoxalement, annonce aussi la fin de "l’islamisme politique" tel que nous l’avons connu durant le siècle dernier. Leur arrivée au pouvoir en Égypte et ailleurs les transformera tandis que dans les sociétés civiles, fortes de leur identité retrouvée et reconnue, il faudra initier quelque chose de nouveau pour poursuivre le chemin des émancipations des individus et des peuples.

24 juin 2012 - GlobIslam - Vous pouvez consulter cet article à :
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