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Européens et Israéliens d’extrême-droite : une alliance toxique et problématique

samedi 9 juin 2012 - 19h:00

Rachel SHABI

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Le mois dernier à Tel Aviv, des manifestations contre les réfugiés africains ont pris un tour violent. Des manifestants ont pillé des magasins, brisé des fenêtres et lancé des bombes incendiaires sur des immeubles, notamment une crèche.

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Une réfugiée soudanaise se mire dans le miroir fêlé d’un logement de fortune à Kadesh Barnea, dans le sud d’Israël, après avoir traversé la frontière égyptienne. (Photo : Gali Tibbon/AFP/Getty)




« Quittez le quartier ! »

Quelques jours auparavant, des incendiaires avaient mis le feu à la maison de 10 migrants africains à Jérusalem, faisant quatre blessés, et laissant un graffiti sans équivoque : « Quittez le quartier ! ».

Le lundi, la télévision israélienne rapportait que le Conseil de Haifa avertissait les entreprises locales qu’elles risquaient de perdre leur licence si elles employaient des réfugiés africains, et que des boutiquiers dans la ville de Sderot, au sud, refusaient de servir des immigrants.

Les statistiques montrent qu’environ 60.000 immigrants africains sont entrés dans le pays au cours des sept dernières années via le désert égyptien du Sinaï - beaucoup de demandeurs d’asile fuyant la répression ou la guerre au Soudan, au Sud-Soudan et en Erythrée. Comme l’Europe, Israël semble très inquiète de se voir « submergée » de réfugiés de pays en développement - même si en Israël, peut-être à cause de sa situation géographique, les peurs paraissent plus viscérales. Jusqu’à présent, l’approche israélienne a été de construire une barrière d’acier sur la frontière égyptienne et un centre de détention géant dans le sud, puis de voter une loi permettant la détention de migrants jusqu’à trois années. Depuis sa création, moins de 150 personnes ont été reconnues comme réfugiées par Israël.

La fruste réponse des politiciens a été aussi dérangeante que les scènes de rue. La semaine dernière le Ministre de l’Intérieur Eli Yishaï a dit : « La plupart des gens qui arrivent ici sont des musulmans qui croient que le pays ne nous appartient pas, à nous hommes blancs ». Il a également décrit les réfugiés comme des violeurs et des criminels. Il y a plusieurs semaines, Miri Regev, membre Likoud de la Knesset, évoquait les personnes soudanaises en Israël comme un cancer. Le mois dernier l’ancien présentateur vedette de télévision Yaïr Lapid, récemment reconverti en politique, vilipendait certains membres de la Knesset comme « incitateurs » de pogroms, écrivant : « Je me demande comment ils ont le culot de s’appeler des juifs ».

Cette vue n’est pas facile à supporter

La vue de juifs israéliens - fils et filles de réfugiés - se faisant l’écho acte pour acte - briseurs de vitres et racistes - et trait pour trait, des scènes de pogroms antisémites historiques qu’a connues l’Europe, cette vue n’est pas facile à supporter. Pas davantage, l’inconfortable réalité que la haine des réfugiés est alimentée si facilement en Israël. Le pays pratiquant depuis des années une politique de séparation entre juifs et Palestiniens assujettis, à la fois dans les territoires occupés et en Israël, il a incubé une forme de racisme ordinaire et une évaluation puritaine de « l’autre », qui permettent à des sentiments anti-migrants de s’épanouir.

Le mois dernier, l’historien et commentateur Tom Segev déclarait à AP : « Ce qui me dérange le plus, c’est l’atmosphère raciste. Cela fait plusieurs années maintenant que la société israélienne va dans cette direction ». Lors d’une manifestation contre les immigrants l’an dernier, une manifestante expliquait son hostilité : « Ils ne sont pas juifs. Pourquoi devraient-ils être ici avec nous ? ». Le langage en soi est révélateur : de la même manière, manifestants, politiciens et journalistes ont catalogué les Africains comme « infiltrés » - le même terme anxiogène et sécuritaire utilisé pour décrire les Palestiniens. Pas étonnant dès lors que la Loi sur la Prévention de l’Infiltration, introduite dans les années ’50 pour empêcher les Palestiniens de retourner chez eux, vient d’être amendée pour s’appliquer aux Africains.

Bombardement par taux de natalité

Entre-temps l’angoisse viscérale de la démographie est partout - les rabbins et les ministres mettent en garde que les immigrants, tout comme les Palestiniens, vont se servir d’une sorte de tactique de bombardement par taux de natalité en Israël, dépassant en nombre la population juive et torpillant ainsi la nation.

La rhétorique est peut-être renforcée mais les ministres israéliens d’extrême-droite répètent fondamentalement les sentiments anti-immigration et anti-islam des partis d’extrême-droite en Europe. Ce n’est pas une coïncidence, parce que, paradoxalement, les deux ont récemment fait cause commune. Ces dernières années, les ministres israéliens ont accueilli des dirigeants européens d’extrême-droite et exprimé clairement qu’ils partageaient leurs valeurs quant à la prétendue menace de l’islam et en particulier, des immigrants musulmans. Geert Wilders, leader du Parti de la Liberté néerlandais, est l’un des nombreux personnages qui ont visité Israël et rencontré des ministres de la droite dure [1]. Au cours d’un de ses voyages, Wilders a rencontré le Ministre des Affaires Etrangères Avigdor Lieberman et a parlé d’Israël comme d’une ligne de front dans le combat contre l’Islam. « Si Jérusalem tombe » avertit-il, « Amsterdam et New York seront les suivants ».

Un arrangement toxique

Cette affiliation est une grande nouvelle pour les partis d’extrême-droite en Europe, qui cherchent à assainir leur image, et dont le passé antisémite bloquait la conquête d’une acceptabilité par le grand public. L’Institut pour le Dialogue Stratégique (IDS), un groupe de recherche, a mis en garde contre le fait que les partis d’extrême-droite en Europe progressent, notamment parce qu’ils ont opportunément enterré l’antisémitisme en faveur d’une posture apparemment plus acceptable, contre l’islam et les migrants musulmans. Quelle chance pour eux que les politiciens juifs israéliens les aident à le faire.

Il est sans doute réconfortant pour l’extrême-droite israélienne de trouver des alliés qui font chorus sur les revendications d’une bataille aux frontières. Mais quand les gens qui vous comprennent parfaitement sont justement ceux qui ont une histoire de haine et de violence contre vous, il est temps de vous demander ce que signifie exactement cette relation. Les attaques israéliennes actuelles contre les réfugiés africains sont déjà assez pénibles, mais si cette éruption signifie, même partiellement, un ordre du jour concordant entre fascistes européens et nationalistes israéliens d’extrême-droite, il s’agit d’un arrangement toxique - une source de problèmes pour les migrants, musulmans et juifs, où que ce soit.

Note :

[1] Geert Wilders affirme entretenir une relation personnelle forte avec Israël. Il s’est rendu en Israël une quarantaine de fois au cours des 25 dernières années. Selon ses propres déclarations, il y aurait rencontré plusieurs fois Ariel Sharon et Ehud Olmert. Il revendique des liens étroits avec le Mossad - Wikipédia - (NdT)

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Rachel Shabi

* Rachel Shabi, Née en Israël de parents irakiens, a été élevée au Royaume-Uni. Écrivain et enseignante, elle a écrit de nombreux articles sur le conflit israélo-palestinien et a publié en 2009 « Not the Enemy : Israel’s Jews from Arab Lands » 

Lire également :

- Israël : camps et déportation pour les immigrés africains - 8 juin 2012
- Israël : racisme grandissant à l’égard des immigrés africains - 4 juin 2012
- Pogrom anti-africain à Tel Aviv - 25 mai 2012
- La bunkérisation d’Israël en voie d’achèvement, sur fond de nettoyage ethnique permanent - 25 janvier 2012
- Les enfants « interdits » d’Israël - 23 juillet 2010
- Netanyahu : les immigrés clandestins africains sont une menace pour le caractère juif d’Israël - 22 juillet 2010
- Un racisme alarmant en Israël - 17 avril 2010

6 juin 2012 - Guardian.co.uk - vous pouvez consulter cet article à :
http://www.guardian.co.uk/commentis...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert


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