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Torture, déplacement et résistance : l’histoire de Salameh Kaileh

samedi 26 mai 2012 - 18h:07

Budour Hassan - Ma’an News

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Salameh Kaileh a été arrêté à son domicile à Damas à 2 heures du matin, puis insulté et raillé par ses interrogateurs parce qu’il est Palestinien. Il a ensuite été gravement torturé pendant les interrogatoires, enchaîné à un lit d’hôpital par les mains et les pieds et privé de soins médicaux malgré sa maladie.

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Salameh Kaileh

Ceci rappelle tristement la façon dont sont traités les prisonniers politiques palestiniens dans les prisons israéliennes.

Mais il y a une légère différence dans ce récit. Le protagoniste palestinien de cette histoire - l’intellectuel marxiste et dissident Salameh Kaileh - a été arrêté, torturé et finalement expulsé par le régime syrien, lequel s’est pourtant longtemps targué d’être un champion de la cause palestinienne et le rempart de la résistance face au sionisme et à l’impérialisme.

Dans les premières heures du 24 avril 2012, des agents des services de renseignement syriens ont pris d’assaut la maison de Kaileh dans Barzeh, un quartier de Damas, et l’ont arrêté. Son avocat Anouar Bounni, avocat des droits de l’homme au Centre syrien pour les études et les recherches juridiques, a déclaré que Kaileh a été arrêté à son domicile « sans explication » et que son arrestation est une tentative supplémentaire de « museler » la liberté d’expression en Syrie.

Après avoir passé près de trois semaines en détention, maintenu au secret, Kaileh a été libéré et transféré de force vers la Jordanie à la veille de Jour de la commémoration de la Nakba. Dans une interview qu’il a ensuite donné en Jordanie après son expulsion, Salameh Kaileh a parlé des conditions épouvantables auxquelles il a été soumis pendant son incarcération dans les services de renseignement de l’armée de l’Air, dans le district d’Al Umawiyin, ainsi qu’à l’hôpital militaire.

Les traces et contusions produites par la bastonnade subie au cours des interrogatoires étaient apparents, mais Kaileh a maintenu que ce qu’il avait vécu n’était « qu’une infime partie » de par quoi sont passés les autres détenus avec lesquels il a partagé une cellule.

Pendant l’interrogatoire par le renseignement de l’armée de l’Air, il a été questionné sur une brochure intitulée « Le gauchiste » trouvée à son domicile. Mais il a nié avoir quelque chose à voir avec l’impression des brochures.

Kaileh dit qu’il a reçu les pires coups à propos d’un slogan dans la brochures disant : « Pour libérer la Palestine, le régime syrien doit tomber ». Les interrogateurs étaient particulièrement en colère contre cette phrase, expliqua Kaileh, et il le rouèrent de coups avec un câble et lui fouettèrent la plante des pieds avec un mince bambou.

Kaileh a raconté à Amnesty International que la plus mauvaise partie de sa détention était la période passée à l’hôpital militaire, où plusieurs malades étaient entassés par lit, avec leurs mains et les pieds liés et leurs visages recouverts de couvertures.

« Nous avons été obligés de déféquer et d’uriner dans nos lits et nous étions battus si nous osions parler à qui que ce soit. Mais j’ai reçu moins de coups par rapport à d’autres patients. Ce n’était pas un hôpital, c’était un abattoir », explique Kaileh.

Né dans la ville palestinienne de Bir Zeit près de Ramallah, Kaileh a été diplômé de l’Université de Bagdad en Irak en 1979 avec un diplôme en sciences politiques. Il déménagea ensuite à Damas où la majeure partie de son travail comprenait la rédaction de textes critiques et de lutte pour la liberté et la justice sociale. Il a écrit sur une pléthore de sujets, allant du nationalisme arabe à l’impérialisme et à la mondialisation.

Kaileh est un critique connu et ses écrits sont caractérisées par une dénonciation acerbe et sans concession de la gauche arabe. Selon Kaileh, non seulement la gauche arabe a échoué misérablement dans la résistance à l’oppression des régimes tyranniques mais aussi entachés de l’héritage socialiste et marxiste, mais elle a aussi bafoué les valeurs qu’elle prétend représenter en se transformant en un mouvement réactionnaire juché sur le train du nationalisme arabe répressif et baasiste. La critique par Kaileh de la gauche arabe bourgeoise et de ses lacunes vise à créer et à cristalliser une nouvelle gauche révolutionnaire.

Comme ses professeurs Omar Dahi et Vijay Prashad l’ont écrit dans leur présentation de Salameh Kaileh sur Jadaliyya : « Salameh a aiguisé sa critique du nationalisme arabe et du marxisme par sa dénonciation simultanée et implacable de l’impérialisme occidental, des régimes arabes conservateurs, et principalement, du sionisme. »

L’opposition de Kaileh à la politique de l’ancien despote Hafez al-Assad, et son combat pour la démocratie et la liberté sous le régime despotique baasiste, ont entraîné son emprisonnement le 11 mars 1992. Il a passé quatre ans en prison dont plusieurs mois en isolement, sévèrement torturé avant de finalement subir un procès et être condamné à 8 ans de prison en 1996.

Kaileh a été libéré en mars 2000, après avoir passé les deux dernières années de sa peine dans la tristement célèbre prison de Tadmor, qu’il décrit comme un « camp de concentration ».

Quelques mois après sa libération, Kaileh a été diagnostiqué avec un cancer mais ni son état de santé très problématique, ni les longues et douloureuses années d’incarcération, ni la torture ne pouvaient étouffer sa détermination à lutter pour la liberté politique en Syrie, en Palestine et dans le monde arabe dans son ensemble.

L’ardeur infatigable de Kaileh pour la liberté et la justice n’a jamais été aussi évidente que lors de l’insurrection en cours pour renverser le régime de Bachar Assad. À une époque où l’essentiel des Arabes « de gauche » continuent de tourner le dos à la lutte pourtant courageuse des révolutionnaires syriens, se rangeant du côté du régime ou en restant docilement à regarder ce qui se passe, Kaileh a soutenu le soulèvement syrien depuis son début le 15 mars 2011.

Ce n’était donc pas une surprise si les forces de sécurité syriennes ont cherché à réduire au silence Salameh Kaileh, même si une telle tentative tournerait - une fois de plus - en ridicule la propagande usée du régime selon quoi l’insurrection syrienne est une conspiration impérialiste et sioniste dirigée par des « groupes armés » salafistes qui cibleraient le régime pour son rôle dans la défense de la résistance.

Il y a des milliers de prisonniers politiques qui croupissent dans les geôles syriennes et les camps de torture. Ils sont moins chanceux que Salemeh Kaileh. Leurs noms et leurs visages ne sont pas connus de nous, ils n’ont pas de livres à leurs noms et leurs cas ne vont pas attirer l’attention des médias et des organisations de défense des droits de l’homme.

Ce qui est révélateur dans le cas de Salameh Kaileh, c’est que le régime syrien ne fait pas de distinction entre un Palestinien et un Syrien, ou entre un intellectuel et un paysan. Toute personne qui s’oppose au régime peut être victime de tortures, d’emprisonnement arbitraire, voire même perdre la vie.

Toutefois, Kaileh est absolument certain que le régime va tomber : « Si vous pouviez voir la résilience des jeunes détenus, même après avoir subi des tortures horribles, vous comprendriez que ce régime ne peut pas survivre. »

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23 mai 2012 - Ma’an News - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.maannews.net/eng/ViewDet...
Traduction : Info-Palestine.net - Claude Zurbach


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