16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Le gaz vendu à Israël fait des bulles en Egypte

vendredi 27 avril 2012 - 09h:27

Daikha Dridi - Les Afriques

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


C’est le type même d’entrée en exploitation qui tombe mal. Le gazoduc Egypte-Israël est prêt, mais le gaz - vendu à prix secret- ne passe pas dans l’opinion égyptienne.

Le Premier ministre égyptien Ahmad Nazif a fini, après un mois de pression de l’opinion, par annoncer que son gouvernement est en négociation pour revoir à la hausse les prix du gaz vendu à Israël. Tout a commencé le 1er mai dernier, lorsque la presse a annoncé que la connexion du gazoduc reliant l’Egypte à Israël était enfin établie. L’information est double : le gaz naturel égyptien est non seulement vendu à Israël, qui assiège Gaza - ce qui n’était qu’une rumeur jusque-là -, mais il l’est, de plus, à un prix tellement bas que la presse le qualifie de « gaz subventionné ». Le contrat de vente de gaz entre l’Egypte et Israël remonte à 2005 et il y est question de la vente de 1,7 milliard de mètres cubes de gaz par an, ce qui représente, selon la presse israélienne, 20% de la consommation israélienne en électricité. Ce contrat, qui court sur une période de quinze ans, est susceptible de voir la quantité de gaz augmentée de 25% et sa durée de vie rallongée de cinq années. C’est ce qui est su officiellement d’une transaction qui semble mettre dans l’embarras le gouvernement d’Ahmad Nazif. Celui-ci a en effet refusé de répondre aux questions coléreuses des députés égyptiens qui demandaient à savoir le prix de détail de vente du gaz égyptien à Israël.

Le précédent de la raffinerie d’Alexandrie

Il est important de souligner que la fronde des parlementaires est loin d’être uniquement celle des Frères musulmans, car personne ne comprend vraiment pourquoi Israël bénéficie d’un gaz tellement bon marché que l’on préfère en dissimuler le prix, alors que le gaz que paie le consommateur égyptien ne cesse d’augmenter. Le ministre de l’Energie, qui a essuyé plusieurs salves d’attaques au Parlement, avait éludé la question du prix de vente en expliquant qu’il serait illégal de rendre public ce genre d’information sans l’autorisation des deux parties contractantes. A savoir le consortium East Mediterranean Gas (EMG), détenu par l’homme d’affaires égyptien et proche du président Hosni Moubarak Hussein K. Salem et l’Israélien Yossi Maiman, à la tête du groupe Mehrav. Deux hommes d’affaires qui ont en commun d’avoir tous les deux été des officiers
du renseignement de leur pays, qui s’étaient déjà associés dans les années 90 dans la construction d’une raffinerie de pétrole à Alexandrie, un projet duquel le gouvernement égyptien avait fini par discrètement évincer la partie israélienne, en rachetant ses parts, pour cause de très vif mécontentement populaire au plus fort de la deuxième Intifada en 2001.

Sawiris déconseille l’exportation du gaz

Aujourd’hui, la transaction de vente du gaz égyptien à Israël suscite des critiques aussi nombreuses que variées, dans un contexte social rendu explosif par les grèves et protestations contre la hausse des prix. Les Egyptiens n’ont pas eu le temps d’oublier, en plus, la détresse des Palestiniens arrivés par milliers dans le Sinaï en janvier dernier à la recherche de nourriture et de carburant. Les critiques sont diplomatiquement formulées par des experts égyptiens en énergie, ou des hommes d’affaires tels que Naguib Sawiris, patron d’Orascom, qui recommande « le bon usage du gaz naturel égyptien en Egypte » et déconseille son exportation. D’autres avis sont moins réservés et s’offusquent que les règles du marché ne soient pas appliquées lorsqu’il s’agit de faire du business avec Israël. Enfin, et ce sont là les critiques les plus nombreuses et les plus virulentes : comment, d’un point de vue éthique, accepter que l’on vende du gaz à un Etat qui étrangle les Palestiniens de Gaza, obligés eux, pour cause de blocus israélien, d’alimenter les réservoirs de leurs moteurs en huile de table. Ce « cadeau d’anniversaire pour les 60 ans d’Israël », comme l’a qualifié un député égyptien, ne passe décidément pas et les initiatives se multiplient au sein et en dehors de « la campagne populaire contre la vente du gaz à Israël », une coordination de près de 8000 citoyens mise en place par le neveu du défunt président Annouar Sadate et ex-député Esmat Sadate, ainsi que son frère, fraîchement sorti de prison, Talaat Sadate.

Al Azhar s’en mêle

Une coordination de près de 8000 citoyens, mise en place par le neveu du défunt président Annouar Sadate et ex-député Esmat Sadate, ainsi que son frère, fraîchement sorti de prison, Talaat Sadate.

Les animateurs de cette campagne prévoient d’organiser des marches de protestation à partir du 5 juin, date anniversaire de la « naksa » de 1967, ils font circuler une pétition pour rassembler un million de signatures et ont, en attendant, tenté d’organiser un tribunal populaire pour juger le Premier ministre, le ministre de l’Energie ainsi que l’homme d’affaires Hussain Salem.

Une fatwa « prohibant aux employés égyptiens le fruit du travail au sein de la société qui vend du gaz à Israël » a été prononcée par un groupe d’ulémas d’Al Azhar qui s’oppose régulièrement au grand cheikh d’Al Azhar, obligé, lui, de se murer dans un silence total à cause de sa trop grande proximité avec le gouvernement. Enfin, des journaux ont rapporté que des « renforts de sécurité ont été dépêchés dans le Sinaï, au sein de la société exportatrice », afin d’empêcher toute velléité de grève sur place. Les termes de la transaction vont donc être renégociés, mais cela suffira-t-il à éluder la question politique de la vente du gaz à Israël ?

24 avril 2012 - Les Afriques


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.